L'Abolition de l'esclavage dans les colonies françaises en ou L'Émancipation des Noirs ou Proclamation de la liberté des Noirs aux colonies ou Proclamation de la libération des Noirs aux Antilles est un tableau du peintrefrançaisFrançois-Auguste Biard réalisé en .
Elle représente une société coloniale dans laquelle vient d'être proclamé le décret du qui abolit l'esclavage dans l'Empire français. On assiste à la scène de l'émancipation du peuple esclave. La scène est centrée sur deux esclaves noirs qui s'enlacent, avec des chaînes brisées, image de leur liberté nouvellement acquise.
« François-Thérèse-Auguste Biard s'adapta le premier aux événements. Ceux-ci le privaient des commandes royales. Il se souvint d'avoir peint et vendu, vers , une Traite des noirs. Il rechercha dans ses cartons les études de ce tableau, les mit au goût du jour et finit par en tirer une Libération des esclaves, qu'il porta chez Lamartine. L'histoire ne dit pas si le biographe de Toussaint Louverture acheta le nouveau chef-d'œuvre. C'est grand dommage. »
La correspondance de Lamartine ne mentionne pas ce tableau, mais il pourrait tout de même en avoir recommandé l'achat[4]. Pour d'autres auteurs, il s'agit d'une commande de la direction des Beaux-Arts du ministère de l'Intérieur[5],[6], ce qui est contesté dans le sens où il s'agirait d'une « fausse » commande[4].
Le tableau est une huile sur toile de 260 × 392 cm[16].
Le lieu dans lequel se déroule l'action n'est pas précisé, mais il s'agit vraisemblablement d'une île colonisée, compte tenu du paysage et de la végétation, composée notamment de palmiers[17].
Les personnages représentés sur le tableau se répartissent en plusieurs groupes[15],[5].
À gauche, sur une estrade, des troupes de marine brandissent le drapeau de la France derrière le délégué du gouvernement venu proclamer le décret. Celui-ci, une écharpe tricolore nouée autour de la taille, lève son chapeau de son bras gauche pour montrer le drapeau, tandis qu'il tient le décret dans sa main droite.
Le reste du tableau est occupé par la société coloniale à qui le décret est proclamé. Au centre, un couple d'esclaves libérés émerge, les yeux tournés vers le ciel : la femme enlace l'homme, qui brandit ses chaînes brisées, symbole de la liberté qu'ils viennent d'obtenir. Autour d'eux, des planteurs et leur famille assistent à la scène, tandis que des esclaves assis ou agenouillés se prosternent au pied du délégué du gouvernement ou, pour l'une d'elles, devant deux femmes vêtues de blanc, ses anciennes propriétaires, qui lui adressent un geste protecteur. Les esclaves sont pour la plupart torse nu ou seins nus. On distingue aussi dans la foule des gens de couleur libres.
Analyse
Avec ce tableau, Biard passe pour un abolitionniste[1], mais il est plus probablement attiré dans la représentation de cet événement par une recherche de l'exotisme et de la peinture d'histoire[2].
Selon Nelly Schmidt[15],[5], la composition du tableau, où « tout le monde est présent », « insiste de manière particulière sur le principe de « réconciliation sociale », jugé indispensable à la reprise des travaux agricoles et à la prospérité coloniale après les festivités de la liberté : anciens esclaves et anciens maîtres célèbrent, dans un même élan, la mesure républicaine parisienne ».
« Ce tableau glorifie l'action des Blancs qui libèrent les Noirs. Comme si c'était leur idée, comme si les Noirs n'y étaient pour rien. Comme si les révoltes n'avaient pas existé. »
Pap Ndiaye souligne également le manque de réalité historique du tableau, car au moment de l'abolition, les esclaves avaient déjà obtenu de facto leur libération de par leur propre lutte ; l'historien met en exergue la dimension politique du tableau et sa volonté d'écrire l'histoire officielle[20]. De même, Françoise Vergès déplore que le tableau mette en scène « la liberté blanche libérant la servitude noire » et « masque l'histoire complexe de l'esclavage colonial »[21].
↑Hugh Honour et Ladislas Bugner (dir.) (trad. de l'anglais par Marie-Geneviève de La Coste Messelière et Yves-Pol Hémonin), L'Image du Noir dans l'art occidental, vol. 4 : De la Révolution américaine à la Première Guerre mondiale, Paris, Gallimard, (ISBN2-07-011152-0 et 2-07-011153-9), p. 15 et 172, cité par Araujo 2008 et Araujo 2015.
↑Abolition de l'esclavage : Mythes et réalités créoles (exposition, Paris, mairie du 5e arrondissement, , à l'occasion du 150e anniversaire de l'abolition de l'esclavage), Paris, Comité des fêtes du 5e arrondissement et Centre culturel du Panthéon, , 115 p. (ISBN2-912235-01-4), p. 95.
↑Sylvie Brodziak, « La représentation de l'esclavage dans quelques manuels scolaires haïtiens et français, à l'école primaire, aujourd'hui », dans Sylvie Bouffartigues (dir.), Christiane Chaulet-Achour (dir.), Dominique Fattier (dir.) et Françoise Moulin Civil (dir.), Présences haïtiennes (actes du colloque organisé à l'Université de Cergy-Pontoise par le Centre de recherche Textes et francophonies (CRTF) et le Centre de recherche sur les civilisations et identités culturelles comparées (CICC), – ), 456 p. (ISBN2-910687-21-X), p. 212.
↑Amzat Boukari-Yabara, « La littérature de jeunesse : Images et supports d'un enseignement historique de la traite et de l'esclavage des noirs », Conserveries mémorielles, no 3 « Passé colonial et modalités de mise en mémoire de l'esclavage », (lire en ligne).