Fils unique de l'historien Hassan Hosni Abdelwaheb[2], Abdul-Wahab, rentre en Tunisie et s'installe dans la ferme familiale, située dans le hameau de Tlelsa à une trentaine de kilomètres à l'ouest de Mahdia[3], après des séjours à Paris et à New York, où il étudie l'art et l'architecture au début des années 1930[4],[2]. Il est âgé de 32 ans lorsque les troupes du Troisième Reich occupent la Tunisie en novembre 1942[4].
Les familles Boukhris et Uzzan, expulsées de leurs domiciles respectifs par les occupants, trouvent refuge dans une huilerie désaffectée à l'extérieur de Mahdia[3]. Abdul-Wahab apprend qu'un officier allemand souhaite ramener Odette Boukhris pour la faire travailler dans leur bordel[2]. Son père étant proche de la famille Boukhris, il décide de conduire tout le groupe dans sa ferme[4],[2] et l'installe à l'abri dans les écuries[3]. Les 24 personnes, dont la moitié d'enfants[2], y passent quatre mois jusqu'à la fin de l'occupation en avril 1943[1],[2].
Selon Anny Boukris, la fille d'Odette Boukhris qui avait alors onze ans, les hommes du groupe ont continué de se rendre quotidiennement au travail forcé sous la supervision des occupants[5],[2]. Ils pouvaient également se rendre tous les jeudis dans une ferme de Sidi Alouane pour préparer le shabbat avec le reste de la communauté de Mahdia[5]. Edmée Masliah (née Uzzan) confirme néanmoins que les Allemands se rendaient régulièrement à la ferme pour procéder au comptage des Juifs présents[5], laissant entendre que les occupants connaissent leur cachette. Dans le même temps, toutes deux soulignent la gentillesse, la noblesse et la générosité de leur hôte[5].
Après l'indépendance, Abdul-Wahab sert comme conseiller au ministère du Tourisme et directeur de cabinet du ministre de l'Agriculture[2].
Juste parmi les nations ?
Robert Satloff(en), directeur du Washington Institute for Near East Policy, entame des recherches sur les Arabes ayant sauvé des Juifs de la Shoah. Il est alors informé du cas d'Abdul-Wahab par Anny Boukris, installée alors à Los Angeles, qui meurt quelques semaines après que Satloff ait enregistré son témoignage[4] ; ce dernier se rend alors à Mahdia et confirme son récit.
Sélectionné pour le titre de Juste parmi les nations en janvier 2007, le dossier d'Abdul-Wahab est cependant rejeté en mars de la même année par la commission de Yad Vashem ; la nouvelle n'est toutefois rendue publique qu'en 2009[6]. La justification du refus repose sur le fait que l'acte d'Abdul-Wahab n'était pas illégal et n'a pas constitué un danger immédiat pour sa vie[7],[5]. En 2010, la demande est relancée avec deux nouveaux témoignages, mais à nouveau sans succès et ce pour les mêmes raisons[8].