Au go, un joseki (定石 ou 定式 en chinois) est une séquence classique (une traduction en pourrait être « forme modèle »[1]). Les plus utilisés sont ceux de coin, principalement en début de partie (fuseki), mais il existe des joseki de bord et ils peuvent être utiles tout au long de la partie. Ce terme est aussi utilisé au shôgi.
Principes des joseki
Histoire des joseki
Au Japon, le jeu de go se jouait d'abord avec une configuration particulière : les 4 coins étaient occupés par les adversaires sur le hoshi. Ce sont donc naturellement les joseki de hoshi et les joseki de bord qui se sont développés en premier.
Une fois le jeu moderne établi (sans pierre préalablement disposée sur le goban), le coup d'approche du coin le plus joué était le komoku (point 3-4). Les joseki de san-san (point 3-3), de takamoku (5-4) et de mokuhazushi (5-3) sont moins nombreux mais ont été également très étudiés.
Principe des joseki
C'est en principe une séquence localement équitable pour les deux joueurs, mais en pratique, il faut prendre en compte la situation globale sur le goban pour jouer la bonne variante.
Il y en a un très grand nombre et de nouveaux joseki peuvent être créés si une séquence jouée entre de forts joueurs semble équitable et qu'elle est ensuite réutilisée dans d'autres parties.
Dans son livre A Way of Play for the 21st Century, le grand joueur Go Seigen compare le choix du bon joseki au choix du bon médicament : « Pick the right one, and you feel better. Pick the wrong one, and you die. » (Choisissez le bon et vous vous sentirez mieux. Choisissez le mauvais, et vous mourrez). De même, la joueuse d'origine chinoise Rui Naiwei 9e dan remarque que « playing joseki is easy [but] choosing the right one [in a game] is hard. » (Jouer un joseki est facile, mais choisir le bon est difficile).
Apprentissage des joseki
L'apprentissage des joseki a de nombreux avantages pour le joueur :
- le joueur peut se concentrer sur le choix du joseki plutôt que de peiner à retrouver la bonne séquence ;
- les joseki entraînent l'œil du joueur à reconnaître les bonnes formes ;
- des coups techniques difficiles y figurant (les tesujis) peuvent apparaître dans de nombreuses autres situations analogues.
Dictionnaires de joseki
Un dictionnaire de joseki est un livre ou une base de données permettant de trouver les variations de joseki à partir d'une position initiale.
Étant donné le grand nombre de joseki existants (plusieurs milliers), leur étude a été consignée dans des livres (la consultation de ceux-ci est évidemment interdite pendant les tournois officiels). Il existe des livres pour débutants (38 basic joseki) ou des études plus complètes en plusieurs volumes (Dictionnaire de Ishida).
On dispose aujourd'hui de dictionnaires de joseki numérisés qui permettent de retrouver rapidement une position et de consulter les professionnels l'ayant joué au cours de parties officielles. Les plus connus sont le kogo et celui du site eidogo.
Exemples de joseki connus
Joseki de coins
Les points du coin
Il s'agit du coup 3-3 (trois se dit san en chinois) dans un coin.
Le san-san est un coup qui permet de prendre possession du coin rapidement. C'est un coup territorial qui crée peu d'influence, contrairement au hoshi.
En japonais komoku signifie petit œil. Il s'agit du coup 3-4 dans un coin. C'est un coup très fréquent durant le fuseki. Coup flexible, il vise les points du coin mais peut créer de l'influence. Combiné à un shimari, c'est une construction très solide.
En japonais takamoku signifie grand œil. Il s'agit du coup 4-5 dans un coin. C'est un coup un peu plus rare qui vise l'influence.
En japonais moku hazushi signifie œil de biais. Il s'agit du coup 3-5 dans un coin. Rare et difficile à maîtriser, c'est un coup étrange qui est joué par des joueurs confiants en leur capacité.
Joseki de coins
Les joseki de coins sont les plus courants, et concernent les principales variations classiques après une approche de coin. Les figures ci-dessous montrent quelques joseki classiques d'approche vers les 5 principaux coins possibles : les points (4,4) hoshi, (3,3) san-san,(3,4) komoku, (3,5) moku hazushi, et (4,5) takamoku.
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Approche basse du hoshi
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Écrasement du san-san
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Tsuke-hiki du komoku
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Écrasement à partir du moku-hazushi
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Tsuke intérieur après l'approche du takamoku
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Les joseki ci-dessus sont relativement simples et courts, mais il existe également des joseki très compliqués. Par exemple, sur la figure de gauche ci-dessus, si Blanc a déjà développé une force dans le coin du bas, il peut répondre à Noir 3 avec le joseki d'avalanche, qui comporte de nombreuses variations et difficultés techniques. La figure ci-dessous montre par exemple la principale variation dite de « grande avalanche », en 31 coups.
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Joseki de grande avalanche
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Josekis de bord
Les josekis ne se limitent pas aux approches de coin. Certaines formes reviennent souvent sur les bords et les séquences les plus classiques sont devenues josekis. Par exemple, la figure de gauche montre une configuration qui apparaît souvent, en particulier dans les parties à handicap. Blanc peut envahir en a (figure centrale) ou en b (figure de droite) pour obtenir un groupe vivant. Par contre, il est enfermé et Noir obtient de l'influence en échange.
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Figure de départ
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Blanc envahit en a
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Blanc envahit en b
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Josekis de réduction
Il existe aussi des josekis pour réduire certains moyos classiques. Par exemple les figures ci-dessous montrent des josekis de réduction lorsque Noir a fermé un coin avec les deux extensions. Noir peut choisir de protéger le bord du haut (figure de gauche) ou le bord gauche (figure de droite). Le choix du bord à protéger est très important et va influer fortement sur la suite de la partie.
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Noir protège le bord du haut
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Noir protège le bord gauche
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Hamete
La maîtrise d'une liste exhaustive de variantes de joseki demandant une grande expérience, un joueur peut tenter un hamete lors d'une séquence. Il s'agit d'une variante « traquenard » qui pénalise sévèrement l'adversaire si celui-ci ne répond pas correctement. Mais si ce dernier parvient à réfuter le piège, le hamete se retourne alors contre son instigateur. Dans la plupart des cas, le résultat d'un hamete n'est pas équitable pour les deux joueurs, contrairement à un joseki.
La figure ci-dessous montre le point de départ d'un hamete classique. Lors de l'approche haute du komoku, Noir pince puis Blanc effectue un tsuke sous la pierre de komoku. Noir a est alors le coup joseki, mais Noir b est le début d'un hamete.
Les figures ci-dessous montrent les suites possibles. À gauche, une des variantes du joseki. Au centre, Blanc tombe dans le piège du hamete : il est enfermé dans le coin, ce qui est un mauvais résultat comparé à ce qu'il aurait dû obtenir avec le joseki. Enfin, à droite, une des réfutations possibles : Blanc obtient un gros coin.
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Joseki
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Piège du hamete
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Réfutation
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L'étude des hametes est souvent considérée comme partie intégrante de l'étude des josekis, car pour vraiment comprendre un joseki, il est nécessaire de comprendre aussi les variantes qui ne marchent pas.
Au shogi
Au shogi les ouvertures sont appelées également joseki. Ils sont principalement classés selon la colonne dans laquelle est placée la tour[2].
Notes et références
- ↑ Pierre Aroutcheff, Le travail des pierres.
- ↑ (en) Madoka Kitao (trad. du japonais par Tomohide Kawasaki), Joseki at a glance, coll. « Glance Shogi Series ».
Voir aussi
Sources
- Kosugi Kiyoshi & James Davies ; 38 Basic Joseki, Kiseido
- Naiwei Rui, Essential Joseki, Yutopian Enterprises, 1998