Castré dès son plus jeune âge en raison d'un tempérament compliqué et de ses origines très modestes, John Henry, petit et mal conformé, se cogna la tête dans son box le jour des ventes de yearling et passa sur le ring la tête ensanglantée, ne trouvant preneur que pour la somme dérisoire de $ 1 100. Son acquéreur, John Callaway, le nomma ainsi en hommage à John Henry, figure du folklore populaire et ouvrier américain. Un nom particulièrement bien trouvé pour ce cheval populaire dont carrière de courses se déroula dans un premier temps au plus bas niveau, le poulain égrainant les hippodromes et changeant régulièrement d'entraineur. Brave compétiteur de la Côte Est, John Henry change de main en 1978, devenant pour $ 25 000 la propriété d'un homme d'affaires américain. Son entraîneur d'alors, Robert Donato, un ancien policier, le fait courir sur des pistes en herbes, où le poulain s'avère davantage à son aise que sur le dirt. En 1979, alors que la saison sur herbe se termine sur la Côte Est, son entraîneur suivant décide de l'envoyer en Californie, chez un entraîneur de renom, Ron McAnally. Aussitôt, John Henry se met en évidence et aligne six victoires consécutives, montant régulièrement de niveau.
La légende était en marche : parti de rien, ce roturier laborieux allait s'offrir une extraordinaire carrière de cheval d'âge, régnant sur les handicaps, courant la bagatelle de 83 courses (un chiffre astronomique pour un pur-sang), jusqu'à l'âge canonique de 9 ans, et remportant 39 épreuves, dont 15 groupe 1, ce qui constitue un record mondial égalé seulement en 2013 par la championne australienne Black Caviar, puis battu en 2018 par une autre Australienne, Winx. En 1981, il réalise un grand chelem inédit aux Eclipse Awards : cheval d'âge de l'année, meilleur cheval sur le gazon et cheval de l'année, un triomphe que seul Wise Dan imitera trente ans plus tard. En 1983, il devient le premier cheval à dépasser la barre des 4 millions de dollars de gains, et l'année suivante le plus vieux lauréat de groupe 1 des courses américaines.
À la veille de la première édition de la Breeders' Cup (où le cheval n'était pas autorisé à courir au vu de ses origines, obligeant son propriétaire à débourser une grosse somme pour le supplémenter), John Henry se blesse et déclare forfait. Il ne reverra plus jamais un champ de courses, malgré deux tentatives de comeback : le premier en , qui se solda par une blessure contractée à l'entraînement, la seconde en , alors qu'il avait 11 ans. Blessé à nouveau, John Henry fut cette fois définitivement retiré, et envoyé au Kentucky Horse Park’s Hall of Champions à Lexington, sorte de maison de retraite pour champions privés des joies du haras, où, décidément tenace, il mourra à 32 ans.
Palmarès
Hialeah Turf Cup Handicap (1980)
San Gabriel Handicap (1980)
Oak Tree Turf Championship (1980, 1981, 1982)
Hollywood Invitational Handicap (1980, 1981, 1984)
Trois statues à son effigie sont érigées, sur les hippodromes de Santa Anita Park et d'Arlington Park, sur laquelle il est écrit « "all odds » (« contre toute attente »), et une sur sa tombe au Kentucky Horse's Park, où l'on peut lire : « John Henry, a lasting legend » (« John Henry, une légende durable »).
Origines
John Henry doit une partie de sa légende à ses origines très modestes. Son père, Ole Bob Bowers, n'a jamais fréquenté les joutes huppées du Kentucky Derby et autres Santa Anita Derby, il a gagné six de ses 30 courses et disputé quelques bons handicaps qui lui ont entrouvert les portes du haras, où il n'a guère brillé, après avoir été acquis à l'issue de sa carrière de course pour 5 000 dollars. En 1975, l'année de la naissance de John Henry, il changeait de haras pour la modique somme de 500 dollars.
Once Double, la mère du champion, a accumulé un peu plus de 3 000 dollars de gains en course, pour deux victoires en 19 sorties, à un petit niveau. Mais elle aura été une bonne productrice puisque, outre John Henry et toujours avec des étalons sans prestige, elle a donné sinon des champions au moins plusieurs gagnants. Elle relève d'une famille maternelle qui avait pourtant brillé, avant de se rabougrir, quelques générations auparavant puisque la troisième et la quatrième mère, Dusty Legs et Dustermall, issues du prestigieux élevage de la famille Whitney, s'étaient illustrées en pistes, notamment la dernière nommée, lauréate des Matron Stakes et deuxième des Arlington Oaks en 1930.
Pedigree
Origines de John Henry (USA), hongre bai brun né en 1975