Jean et Jacquelin de Montluçon dit aussi de Molisson, sont les chefs d'un atelier de peinture actif à Bourges de 1461 à 1505. On conserve des manuscrits enluminés par l'atelier ainsi que des panneaux sur bois.
Biographies des deux peintres
Jean de Montluçon
Jean Raoul est sans doute né vers 1417 à Montluçon, ville natale qui lui a donné son surnom. Il est déjà installé à Bourges en 1461 alors qu'il est employé aux décorations réalisées pour les funérailles du roi Charles VII et dirigées par Jacob de Lichtemont, peintre officiel du roi. Installé dans la ville, il semble mener une vie confortable, apparaissant dans les archives locales à de nombreuses reprises pour de nombreuses peintures héraldiques réalisées à l'occasion de cérémonies ou pour des polychromies de statues[1]. Jean est marié à Louise Debrielle, la fille d'un notaire de la ville, il possède trois maisons et un vignoble[2]. Il est installé non loin d'un autre peintre enlumineur résident à Bourges, Jean Colombe, qui termine Les Très Riches Heures du duc de Berry dans la ville vers 1484-1485. L'activité d'enlumineur de Jean n'est attestée que pour le manuscrit des Heures de Chappes sur lesquelles apparaissent, fait exceptionnel, sa signature. Il meurt en 1494[1].
Jacquelin de Montluçon
Jacquelin, son fils, est né à Bourges en 1463 et y est mort en 1505. Il est signalé à Tours en 1483 mais retourne réaliser les Heures de Monypenny en 1485-1490 dans sa ville natale. Il prend la suite de son père à la tête de son atelier à sa mort en 1494. Il réalise les mêmes types de tâches que son père, mais aussi d'autres plus originales comme le patron des jetons de comptabilité de la municipalité de Bourges. Il séjourne aussi sans doute en Savoie vers 1496 et 1498, période pendant laquelle il peint le retable des Antonites de Chambéry dont il signe l'un des panneaux[1].
Style
Jean et Jacquelin se distinguent de Jean Fouquet et Jean Colombe par un style plus brutal. Il se caractérise par de nombreux personnages entassés dans des décors architecturaux fantastiques un peu lourds. Jean a tendance à représenter ses personnages à mi-corps, en gros plan. Son fils reprend ces caractéristiques avec une plus grande intensité dans la luminosité et dans l'expression des personnages[2].
Œuvre
Manuscrits attribués et père et au fils
Heures de Renée de Bourbon-Vendôme (fille de Jean VIII de Bourbon-Vendôme), 1480-1485, 107 folios, 31 grandes miniatures et 35 petites, en collaboration avec Jean Colombe et 2 autres collaborateurs anonymes, passées en vente chez Artcurial le 28 mars 2023 (lot 19)[3]
Heures de Chappes, vers 1490 , bibliothèque de l'Arsenal, Ms 438. Une miniature (f.74) comporte la signature de Jean.
Bréviaire de Monypenny, 822 folios, vers 1485-1490 pour Guillaume de Monypenny, 109 miniatures dont cinquante en pleine page, avec une miniature comportant la signature de Jacquelin (f.766), en collaboration avec le Maître de Monypenny, coll. part., passé en vente chez Sotheby's le 19 juin 1989 (lot 3031)[4],[5].
Heures à l'usage de Rome de la Ferrières de Presle, vers 1490, Cotsen Children’s Library, Université de Princeton, Ms Q 46825 (atelier).
Livre d'heures, en collaboration avec le Maître de Spencer 6, Bibliothèque municipale de Lyon, ms.5141.
Heures de Bouer, à l'usage de Bourges, en collaboration avec le Maître de Spencer 6, bibliothèque de l'Université de Leeds, Brotherton Collection MS 8[7], attribuées par Katja Airaksinen-Monier[8] mais constestées par Frédéric Elsig qui y voit plutot le Maître de Monypenny[5].
Missel franciscain, vers 1485-1490, initiales, en collaboration avec Jean Colombe et le Maître du Romuléon, Bibliothèque municipale de Lyon, ms.514[13]
Livre d'heures, portrait du propriétaire par Jacquelin (f.13v.), calendrier par Jean, EinsiedelnStiftstbibliothek, Cod.641/1080
Panneaux attribués
Vie de la Vierge, 7 panneaux représentant Joachim rencontrant sainte Anne, la Nativité de la Vierge, l'Annonciation, la sybille annonçant la venue de la Vierge, la Présentation de Jésus au temple, Assomption, le Donateur et saint Michel attribué à Jean ou Jacquelin, église Notre-Dame de Montluçon[14], attribution constestée par Frédéric Elsig[5].
Retable des Antonites de Chambéry, attribué à Jacquelin, vers 1496/1497,
Deux panneaux au musée des beaux-arts de Lyon (un double face : L'Annonciation et La Résurrection de Lazare, ce dernier panneau comporte sa signature[15]
L'Adoration des bergers, au musée des Beaux-arts de Lyon[16] avec autrefois au revers un Repas chez Simon le Pharisien, (Nicosie, Fondation Leventis(en)[17]),
La Cène, peinte par un certain Godefroy en 1482, Jacquelin aurait ajouté deux personnages (Saint Jean Baptiste et sainte Catherine) vers 1496, Musée des beaux-arts de Chambéry, M 917[21],[5]
Diptyque de dévotion, Vierge et Christ, vers 1480-1485, collection particulière non localisée, passé en vente à la galerie Charpentier à Paris en novembre 1956[5].
Vitraux
Plusieurs documents mettent Jacquelin en lien avec la fabrication de vitraux. Il participe à la réalisation des vitraux de la maison de ville de Bourges vers 1491-1492 puis vers 1499-1502 (aujourd'hui disparus). Ces documents font penser qu'il pourrait avoir, outre la fourniture de patron, peint directement sur le verre. Plusieurs vitraux lui sont attribués[5].
D. Moulinet, « Les Heures de Jean de Montluçon à la Bibliothèque de l’Arsenal », Études bourbonnaises, n.s. 11, 234 (1985)
François Avril et Nicole Reynaud, Les manuscrits à peintures en France, 1440-1520, BNF/Flammarion, , 439 p. (ISBN978-2080121769), p. 338-341.
Jean-Yves Ribault, « Le Retable des Antonites de Chambéry et l'atelier de Jean et Jacquelin de Montluçon, peintres de Bourges », dans 116e Congrès national des Sociétés savantes, Chambéry, 1991, CTHS, , p. 285-301
Frédéric Elsig, « Jacquelin de Montluçon : enlumineur, peintre et verrier », dans Peindre à Bourges aux XVe-XVIe siècles, Milan, 9788836638802, coll. « biblioteca d'arte », , p. 144-153
↑(en), Albert Van De Put, « The Monypenny Breviary », the Proceedings of the Society of Antiquaries of Scotland, vol. VI, 1922, p. 72-114 [lire en ligne]
↑Claude Schaeffer, « Remarques sur un livre d'heures de la Bibliothèque municipale de Grenoble, ms. 1011 », Cahiers d'archéologie et d'histoire du Berry. En Berry, du Moyen-Âge à la Renaissance. Pages d'histoire et d'histoire de l'art. Mélanges offerts à Jean-Yves Ribault, éd. P. GOLDMAN et C.-E. ROTH, n° h. s. (novembre), 1996
↑Frédéric Elsig, « Un panneau de Jacquelin de Montluçon retrouvé », Bibliothèque D'Humanisme Et Renaissance, vol. 78, no 1, , p. 23-29 (JSTOR44514100).