Jean Baudrillard, né le à Reims et mort le à Paris, est un philosophe et sociologuefrançais, théoricien de la société contemporaine, connu surtout pour ses analyses des modes de médiation et de communication de la postmodernité.
Biographie
Jeunesse et formation
D'origine paysanne, Jean Baudrillard est fils unique et son père est gendarme[réf. souhaitée]. Remarqué à l'école primaire par ses instituteurs, ceux-ci l'aident à intégrer le lycée et à devenir boursier[1]. C'est au lycée Henri-IV à Paris qu'il prépare le concours d'entrée à l'École normale supérieure. Cependant, c'est durant cette préparation qu'il fait sa première rupture radicale, en tournant le dos au concours, pour aller s'établir comme ouvrier agricole, dans la région d'Arles. C'est à cette occasion qu'il est reconnu comme le premier intellectuel « établi » de France.[Quoi ?]
À son retour, il finit ses études supérieures à la Sorbonne et obtient le CAPES d'allemand. Nommé successivement dans différents lycées en France, puis lecteur résident des universités en Allemagne et lecteur de littérature allemande aux éditions du Seuil, il traduit plusieurs ouvrages, notamment avec Gilbert BadiaDialogue d'exilés de Bertolt Brecht, pour l'Arche, Marat-Sade de Peter Weiss, d'autres avec Gilbert Badia, Henri Auger, et Renée Cartelle, pour Les Éditions sociales, ainsi que L'Idéologie allemande de Karl Marx. Il traduit également les poèmes de Hölderlin qui restent inédits jusqu'à leur publication dans Les cahiers de l'Herne, en 2005. Il publie plusieurs articles critiques en littérature internationale dans Les Temps modernes.
De son premier mariage avec Lucile, il a deux enfants, Gilles et Anne. En pleine guerre d'Algérie, sa paternité lui vaut de rester dans la région parisienne pendant son service militaire, comme archiviste au Centre du cinéma des armées.
Nanterre
Jean Baudrillard fait sa seconde rupture en cessant l'enseignement secondaire, et opte pour la philosophie politique en entreprenant une thèse de doctorat en troisième cycle de sociologie de la vie quotidienne (soutenue en 1966 sous le titre LeSystème des objets devant un jury composé de Roland Barthes, Pierre Bourdieu et Henri Lefebvre) discipline associée à la sociologie urbaine et fondée en France par le philosophe Henri Lefebvre, tout en suivant les cours de Roland Barthes à la VIe section de l'École pratique des hautes études.
Son premier ouvrage théorique, Le Système des objets, paraît en 1968 — tardivement selon ses propres mots, puisqu'il est alors âgé de 39 ans[2]. En même temps, Jean Baudrillard est devenu chargé de cours (puis assistant et maître de conférences) à l'Université Paris-Nanterre, dans le département dirigé par Henri Lefebvre. N'ayant jamais voulu préparer une thèse de Doctorat d'État, il n'obtiendra pas le statut de Professeur des universités, malgré plus de vingt ans passés à enseigner à Nanterre[2].
Jean Baudrillard est l'une des figures pédagogiques de référence des activistes du mouvement du 22-Mars[3]. Des années plus tard, Baudrillard déclare :
« On passait de l'histoire transcendante, la grande Histoire, à une sorte de contre-histoire. On descendait vers l'anodin et la banalité qui devenaient des objets dignes d'intérêt sur le plan historique (…) On était déjà redescendu de l'Histoire, des grands mouvements sociaux et historiques. Et finalement, sous ses airs un peu bénins, cette plongée dans la vie quotidienne, même si je n'aime pas beaucoup ce terme qui est un peu réducteur, c'était quand même une espèce de révolution. En fait, plutôt une involution par rapport à l'Histoire. On descendait de la transcendance de l'Histoire dans une espèce d'immanence de la vie quotidienne, et à travers elles toutes ces choses telles que la sexualité qu'on avait largement oubliées dans l'idéalisme historique[4]. »
Il est également l'un des créateurs de la revue-groupe « Utopie » (1967/1980), enseignant à l'université Paris-XNanterre et directeur scientifique à l'université Paris-IX Dauphine (1986/1990), et cofondateur du comité de rédaction du CCI en 1967 puis du CNAC Pompidou, Traverses. Il était enfin membre de la direction de la revue canadienne anglophone Ctheory(en).
Un des passeurs de l'œuvre de Jean Baudrillard aux États-Unis est l'éditeur de Semiotext(e) et ancien membre du Cerfi, dont la thèse a également été informée par Roland Barthes, Sylvère Lotringer ; il a émigré à New York pour devenir professeur en littérature comparée et française, à l'université Columbia, et poursuit son activité d'éditeur chercheur avant-gardiste. Notamment, dans les années 1980, il organise l'accès du philosophe à l'art contemporain et aux avant-gardes new-yorkaises et sa rencontre avec Andy Warhol, sur lequel l'auteur écrit Le Snobisme machinal, texte inaugural de la rétrospective du CNAC Pompidou, en 1997. Auparavant, Jean Baudrillard fait un premier séjour aux États-Unis, dans le Colorado, à l'occasion du colloque de Aspen en 1970[5], puis il découvre les universités californiennes, rencontrant lors de ses voyages les grandes figures intellectuelles et littéraires du moment, tels Marshall Mac Luhan, Philip K. Dick, Paul Watzlawick et probablement d'autres membres de l'école de Palo-Alto ou de la pensée Cyber. C'est aussi l'époque d'une carrière italienne du sociologue philosophe, invité chaque année par le mouvement sémiotique d'Umberto Eco, à Urbino. En même temps et après, les autres pays le demandent. Il ne faut pas plus d'une dizaine d'années pour qu'il devienne connu sur le plan international.
Critique du rationalisme et de l'épistémologie scientifiques et des concepts relatifs de réalité et de virtualité, sa philosophie l'a amené à accepter l'honneur de Satrape du Collège de 'Pataphysique en 2001. En fait, la Pataphysique lui est connue depuis sa classe de Philosophie à Reims, où il a été introduit à 18 ans par son professeur même, dans cette « science des solutions imaginaires ». Il est membre de l'Institut de recherche sur l’innovation sociale au CNRS[réf. nécessaire] et rédige de nombreux articles et critiques dans la presse. Il montre comment les tendances sociologiques contemporaines comme les commémorations, les « tsunactions » (réaction de la société comme celle qui a eu lieu après le tsunami qui a frappé les côtes sud-asiatiques en 2005) et autres excès sont les moyens obscènes de l'extension quasi- « totalitaire » du Bien pour obtenir une cohésion.
Il inspire de nombreux artistes, musiciens et cinéastes, depuis les simulationnistes de New York jusqu'aux Wachowski de Matrix, dont il dénonça la récupération : « Matrix, c’est un peu le film sur la Matrice qu’aurait pu fabriquer la Matrice »[6]. Malgré Le Complot de l'art, critiquant vivement la « nullité » de l'art contemporain, Jean Baudrillard était un amateur d'art ; les archives au Whitney Museum l’attestent.
Chanson
Jean Baudrillard est aussi l'auteur de textes chantés par Megumi Satsu, chanteuse japonaise : Motel Suicide et Lifting zodiacal[7].
En 1996 dans le cadre du Chance Festival (au casino Whiskey Pete's, dans la ville de Stateline dans le Nevada), il enregistre en Live un album nommé « Suicide moi », en présence de Tom Watson, Mike Kelley, George Hurley, Lynn Johnston, Dave Muller, Amy Stoll, ainsi que de la chanteuse Allucquère Rosanne Stone[8].
Photographie
L'œuvre photographique constitue une exploration parallèle des voyages et des décors collectifs ou familiers du philosophe. Elle aurait commencé avec un appareil automatique qui lui aurait été offert lors de son premier voyage comme invité au Japon, en 1981[réf. nécessaire] ; il est certain que le gadget devint un compagnon inséparable, accompagnant tous les déplacements de celui devenu l'« objecteur de vision » ; puis les photos développées changèrent de format, structurant l'œuvre seconde… Elle est complémentaire de son œuvre écrite et permet de saisir l'« objet qui vient se débarrasser du sujet en se donnant à l'objectif », y compris son propre corps photographié, ce que l'écriture n'aurait pu actualiser.
Sa première exposition eut lieu à la Maison européenne de la Photographie en 2000, à Paris, et depuis s'est déplacée dans le monde. D'ailleurs, la photographie en général a inspiré des textes à Jean Baudrillard, y compris répondant à l'appel de photographes comme au collectif « Tendance floue », dont le livre Sommes-nous ?[9], avec un texte du philosophe qui les a suivis depuis leur premier ouvrage de librairie, a remporté l'Infinity Award 2007[10] du meilleur livre de photographie, de l'International Center of Photography à New York. Avec le colloque au sujet de sa philosophie, au centre d'Art ZKM de Karlsruhe, ce fut l'exposition La Disparition du monde dans l'espace de la Documenta, à Cassel, recension de ses photographies depuis les années 1970, qui marqua la célébration allemande de ses 75 ans, en hommage à son œuvre, en 2004-2005. Un ensemble important de ses travaux photographiques fut également exposé en 2018 lors de L'Almanach 18 au sein du domaine de la Romanée-Conti, espace d'exposition appartenant au Consortium Museum de Dijon[11],[12].
En 1995, il épouse Marine Dupuis, directrice de la photographie du magazine Sciences et Avenir, entre autres, qui l'accompagne dans la plupart de ses déplacements pour les conférences et les expositions.
Cérémonie laïque et sans condoléances avec des interventions officielles et privées contradictoires faisant dire au philosophe René Schérer, présent parmi le public : « Tout ça est parfaitement normal, l'enterrement de Baudrillard n'a pas eu lieu et c'est tant mieux, à présent il va vivre »[réf. nécessaire].
Son œuvre forme un dispositif expérimental en triptyque dont chaque partie présente un miroir critique de l'autre : l'œuvre éditée, l'œuvre médiatique, l'œuvre photographique[réf. nécessaire].
Introduction à l'œuvre
« La séduction représente la maîtrise de l'univers symbolique, alors que le pouvoir ne représente que la maîtrise de l'univers réel[16]. »
Jean Baudrillard est un théoricien de la société contemporaine, connu surtout pour ses analyses des modes de médiation et de communication de la post modernité, bien que la portée de son œuvre se soit étendue à travers le temps à des sujets plus variés et parfois liés aux événements contemporains, et présentés comme tels par l'ensemble du système médiatique (qui dépasse les simples médias) comme la consommation, les relations de couples, la compréhension sociale de l'histoire à travers des commentaires sur le SIDA, le clonage, l'affaire Rushdie, la première guerre du Golfe et les attentats du World Trade Center.
Toutes ces idées défendent le principe général selon lequel la signification — et donc la valeur — sont interprétés, selon la sémiotique structuraliste, en matière d'absence. Ainsi « chien » signifie « chien » non en raison de ce que le mot indique mais parce qu'il n'indique pas « chat », « chèvre », « arbre » etc. Les mots sont ici « auto-référentiels ».
Baudrillard emploie ce principe pour soutenir l'idée que dans notre société « globale », où la technologie des communications a créé une prolifération excessive de sens, l'auto-référentiel du sens a incité à la création non pas d'un « village global » (modèle McLuhan), mais à celle d'un monde où la signification a été effacée et où la société a été réduite à une masse opaque, où le « réel » a été réduit aux seuls signes autoréférentiels de son existence. De façon controversée, Baudrillard a présenté par cette théorie une manière de mieux comprendre les événements du .
Ayant posé son postulat de l'érosion de la signification par son excès, Baudrillard continue, à l'opposé de Foucault, la critique contre le rationalisme kantien et la conception traditionnelle des Lumières au fondement de l'humanismelibéral actuel. Il l'accuse, sous sa forme humanitaire qui abolit toute politique possible, de devenir l'autre forme de l'ingérence militaire et la figure de l'arrogance occidentale[17]. Il ne cherche à comprendre le monde, ni comme un sujet qui aurait le désir d'appréhender le monde avec cohérence, ni dans l'idée d'une interpolation de puissance dans la subjectivité (Foucault). Baudrillard présente le concept de l'objet et sa puissance à séduire (sa puissance de passer pour, ou de simuler).
Du point de vue politique, un tel effort l'a conduit à s'opposer de plus en plus à la logique sémiotique (signification, signe, sens, facilité d'échange) pour revenir à la logique anthropologique d'un système symbolique : celui de l'échange de cadeaux, du potlatch (pratique de la destruction somptuaire) et des analyses du principe du Mal (et ce que signifie l'évocation du principe). Il prolonge en cela le travail anthropologique de Marcel Mauss et de Georges Bataille.
À la fin de sa vie, l'aboutissement anthropologique de son travail l'a conduit à caractériser le monde en fonction d’opposition binaire entre des cultures symboliques (fondées sur l'échange de cadeaux) et un monde « globalisé » (fondé sur l'échange de biens et de signes, c’est-à-dire un monde qui n'a aucune réponse à la logique symbolique). Par conséquent, Baudrillard aboutit à la conclusion que l'expansion du capitalisme et du discours néolibéral le justifiant[18], sème inconsciemment les graines de ce qui réagit contre lui, en raison de son manque de compréhension de l'aspect symbolique de l'existence sociale.
Théorie de l'histoire
Interrogé à ce sujet, il déclarait :
« Cela a toujours été pour moi, non une méthode, mais une forme d’anticipation : aller par anticipation au bout d'un processus, pour voir ce qui se passe au-delà. Je pense toujours que ce qui se passe, ou pourrait se passer au-delà, est en fait déjà là dans le processus même, et que la fin est déjà là, à partir du commencement. Tout se développe en même temps. Les commencements et les fins marchent en parallèle. Cela bouleverse évidemment un peu tout le champ des causes et des effets, on est passé un peu au-delà !… Cela dit, je ne vois aucun moyen, comme Canetti semblait le croire, de revenir au point où la distinction était possible entre le Bien et le Mal, le Vrai et le Faux, etc. Autrement dit, de revenir aux conditions d'un exercice rationnel et traditionnel de la pensée. Ma vision est sans doute plus catastrophique, mais pas au sens apocalyptique, plutôt d'une révolution ou d'une mutation des choses. Et cette mutation est due à une accélération : on essaie d'aller de plus en plus vite, si bien qu'en fait on est déjà arrivé à la fin. Virtuellement ! Mais on y est quand même[19]. »
Ainsi, Baudrillard écrit, à propos de la « disparition de la réalité », notion forgée sur la conception de la « réalité » :
« En fait, cela renvoyait pour moi [la problématique de la hantologie, de l'histoire hantée par sa disparition, etc.] au problème très général de la réalité, attendu que la réalité n'est rien d'autre qu'un principe. Le « Principe de réalité », la réalité objective et le processus de reconnaissance qu'elle appelle, disparaissent en quelque sorte. À ce moment précis, la réalité délivrée de son principe devient, dans un développement exponentiel, intégrale. On a alors affaire à une réalité où tout est opérationnalité, ou plus rien ne reste hors champ. Si tout se réalise ou s'accomplit, c'est d'abord sur la base de la disparition de l'« essence », de la « transcendance » ou du « principe » de la réalité. Cette base spectrale nous mène, d'une certaine façon, au virtuel, et à tous ces mondes où règne la virtualité[20]. »
On a pu opposer, à ce discours dit de la « fin des idéologies », en vogue après la chute du mur de Berlin en 1989, la résurgence de nouvelles formes de nationalismes, tribalismes et autres conflits ethniques, ayant mené, dans les Balkans, au Rwanda et ailleurs à des génocides, ainsi qu'à un « retour du religieux », qui insiste davantage sur l'islamisme que sur d'autres fondamentalismes religieux. Mais pour Baudrillard[21] :
« Ces histoires-là c'est du « rhabillage ». Si je veux analyser le terrorisme, je ne vais pas le faire en fonction du discours islamiste. C'est une façon d'exorciser les choses que de les renvoyer à une religion, à une idéologie, à une conviction. Si j'observe le terrorisme, c'est l'acte terroriste en tant que fracture d'une puissance mondiale. Cela peut venir de n'importe où, et qu'il y ait des convictions religieuses derrière ne m'intéresse pas. La résurgence des discours ethniques, religieux, linguistiques montre que quelque chose se crispe, se cristallise contre l'hégémonie, contre « l'empire », contre cette pensée unique, cette puissance unique. D'aucuns l'appellent un choc de cultures, un choc d'idéologies. Mais c'est insoluble. Prendre parti pour ou contre ne m'intéresse pas. Ce que je cherche à voir, c'est l'antagonisme véritable. Or, l'antagonisme se manifeste sur un mode symbolique, c'est donc tout autre chose : il s'agit de la mise en jeu de la mort dans un système qui cherche à exclure, qui se veut « zéro mort », et dont la puissance repose sur cette exclusion. La mort disparaît du système et le pouvoir de l'Empire repose sur cette espèce de non-mort, de non-événement. Alors des singularités surgissent, mais différentes du discours qu'elles tiennent. Je ne peux pas juger de la rhétorique islamiste, je n'y rentre pas… Il faut essayer de voir ce qu'il en est de l'acte en dehors de l'idéologie des acteurs[22]. »
Ce refus de prendre en compte l'idéologie des acteurs pour s'intéresser aux actes se rapproche au plus près de la philosophie politique d'un Foucault. Dans son essai Power Inferno (2002) consacré précisément au problème du terrorisme, il critiquait le refus occidental de toute négativité et de tout dehors, analysant la résistance des « singularités » contre l'universalité de l'Idée. À l'instar de la Généalogie de la morale nietzschéenne, cette analyse se voulait « par-delà le bien et le mal », en tout cas dénué de tout jugement de valeur. Aussi, Baudrillard a pu critiquer aussi bien la société de consommation, des années 1970 à aujourd'hui, que le mouvement altermondialiste post-guerre froide :
« Ce qui peut faire échec au système, ce ne sont pas des alternatives positives, ce sont des singularités. Or les singularités ne sont ni bonnes ni négatives. Elles ne sont pas une alternative, elles sont d'un autre ordre. Elles n'obéissent plus à un jugement de valeur ni à un principe de réalité politique. Elles peuvent donc être le meilleur ou le pire. On ne peut donc les fédérer dans une action historique d'ensemble. Elles font échec à toute pensée unique et dominante, mais elles ne sont pas une contre-pensée unique — elles inventent leur jeu et leurs propres règles du jeu[23]. »
Dans cet essai, Baudrillard critique ainsi aussi bien l'impérialisme occidental, dont l'universalisme humanitaire, assisté du bras militaire de l'OTAN, demeure la figure concrète, que toute théorie d'un « choc des civilisations », soutenue aussi bien par un Samuel Huntington, qui a rendu célèbre cette formule, que par l'islamisme radical qui oppose la Oumma (communauté des croyants) à l'« Occident ». Il écrit ainsi :
« Il ne s'agit donc pas d'un choc des civilisations, mais d'un affrontement, presque anthropologique, entre une culture universelle indifférenciée et tout ce qui, dans quelque domaine que ce soit, garde quelque chose d'une altérité irréductible. Pour la puissance mondiale, tout aussi intégriste que l'orthodoxie religieuse, toutes les formes différentes et singulières sont des hérésies… La mission de l'Occident (ou plutôt de l'ex-Occident, puisqu'il n'a plus depuis longtemps de valeurs propres) est de soumettre par tous les moyens les multiples cultures à la loi féroce de l'équivalence[24]. »
Il oppose donc l'altérité radicale des singularités à l'universalité vide représentée par la société de consommation actuelle. Mais ces singularités peuvent surgir aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de cette société : c'est pourquoi il ne s'agit pas d'un « choc des civilisations ». Il critique ainsi notre incapacité foncière à envisager la possibilité d'une existence autre, différente de notre monde occidental — sans pour autant porter de jugement de valeur :
« Pour un tel système, toute forme réfractaire est virtuellement terroriste. Ainsi encore l'Afghanistan. Que, sur un territoire, toutes les licences et libertés démocratiques — la musique, la télévision ou même le visage des femmes — puissent être interdites, qu'un pays puisse prendre le contre-pied total de ce que nous appelons civilisation — quel que soit le principe religieux qui soit invoqué, cela est insupportable au reste du monde libre. Il n'est pas question que la modernité puisse être reniée dans sa prétention universelle[24]. »
Le développement du travail de Baudrillard, tout au long des années 1980, se dégage des théories axées sur la critique de l'économie des signes, au profit de considérations sur la médiation et la communication des masses. Bien qu'il ait maintenu un intérêt pour la sémiotique de Saussure et sa logique d'échange symbolique (sous l'influence de l'anthropologue Marcel Mauss), Baudrillard a de plus en plus tourné son attention vers les théories de Marshall McLuhan, développant des idées sur la façon dont la nature des relations sociales est déterminée par les formes de communication d'une société. De cette manière, Baudrillard s'est placé au-delà de la sémiologie formelle de Saussure et de Roland Barthes pour considérer les implications des signes au travers de l'histoire, et constituer ainsi une sémiologie structurale.
De manière notoire, il soutient — dans le livre L’Échange symbolique et la mort — que les sociétés occidentales ont subi une « précession de simulacre ». La précession, selon Baudrillard, a pris la forme d'arrangement de simulacres, depuis l'ère de l'original, jusqu'à la contrefaçon et la copie produite mécaniquement (cf. Walter Benjamin : « L'œuvre d'art à l'ère de la reproductibilité technique »), à travers « le troisième ordre de simulacre » où la copie remplace l'original. Baudrillard distingue néanmoins le simulacre de la copie, en ce que la copie se réfère à l'original (une copie d'un tableau ne prend son sens qu'à l'égard du tableau original), tandis que le simulacre ne fait que simuler d'autres simulacres : toute notion d'une œuvre originale, d'un événement authentique, d'une réalité première, a disparu, pour ne plus laisser la place qu'au jeu des simulacres. En ceci, Baudrillard rejoint l'analyse nietzschéenne de la vérité comme voile, et de la pudeur de la féminité, ensemble de voiles qui ne font que voiler d'autres voiles. Ôtez tous les voiles, et il ne reste plus rien.
Se référant à une fable de Borges écrite sous le nom de Suarez Miranda, remettant en cause aussi bien la notion classique de l'auteur que celle de la chronologie nécessaire à toute histoire des idées (les nouvelles d'un auteur pouvant ainsi influencer un auteur antérieur), Baudrillard a affirmé que dans notre société actuelle, le simulacre avait remplacé l'original, tout comme dans la nouvelle de Borges, la carte de l'Empire se substituait au territoire lui-même. Baudrillard a éprouvé, en particulier dans les années 1990, ses théories à l'aune, non pas du réel puisque celui-ci a disparu, mais des événements médiatiques successifs. Ainsi, dans son livre La Guerre du Golfe n'a pas eu lieu, il écrit que le simulacre de la guerre a précédé le conflit réel. Bien qu'il ait été lourdement attaqué, aussi bien au sein du système universitaire français que par des auteurs se posant en défenseur de l'héritage des Lumières, l'analyse de Baudrillard n'annihile pas pour autant, malgré ses apparences, toute notion de réalité ou de politique. On a pu ainsi le qualifier d'« apolitique » voire de « réactionnaire ». Pourtant, il écrivait, dès Simulacres et simulation, que la simulation précède le réel, possédant ainsi une valeur productrice. En aucun cas, cela signifie que ce que nous avons coutume d'appeler « le réel » ne possède plus aucune valeur et que Baudrillard se soit fourvoyé dans une sorte de nihilisme ou de cynisme conservateur. Sa réflexion sur le statut des singularités en est le témoin. Reprenant en partie la critique situationniste de l'urbanisme, il a pu prendre l'exemple des aménagements urbains qui prétendent ôter la possibilité même de la « délinquance » en modélisant le territoire et en effaçant tout lieu susceptible de fonctionner comme lieu public de rassemblement (bref, « la rue »).
En utilisant cette ligne du raisonnement, Baudrillard en vient à caractériser l'époque actuelle — en poursuivant et en modifiant radicalement la critique de l'idéologie de Ludwig Feuerbach et celle de la société du spectacle de Guy Debord — comme « hyper-réalité » où le vrai en vient à être effacé ou remplacé par les signes de son existence. Une telle affirmation — celle pour laquelle Baudrillard a le plus contribué et a été le plus lourdement critiqué — est typique des « stratégies fatales » consistant à formuler des théories sur le monde social, au-delà d'elles-mêmes, à travers le langage. Baudrillard a pu affirmer que ce qui était important, c'était de formuler des « théories intéressantes », et non pas vraies, ce qui a donné lieu à plusieurs dénonciations de son supposé « cynisme ». Plutôt que de dire, par exemple, « notre hystérie autour de la pédophilie est telle que nous ne comprenons plus vraiment ce qu'est l'enfance », Baudrillard écrivait, dans The Dark Continent of Childhood (2002), que « l'enfant n'existe plus ». Goethe lui-même considérait l'enfance inaccessible et Nietzsche ne parlait pas d'un « retour aux Grecs », mais visait, par l'approche de la Grèce antique, une altérité radicale à laquelle nous pouvions nous confronter. De même plutôt que dire — comme Susan Sontag dans son livre Sur la photographie — que la notion de la réalité a été embrouillée par la profusion de ses images, Baudrillard en est venu à affirmer que : « le réel n'existe plus ». Ce faisant Baudrillard caractérisa, dans Le crime parfait, son défi philosophique comme n'étant plus la question de Leibniz « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? », mais plutôt : « Pourquoi y a-t-il rien plutôt que quelque chose ? »
Critiques
Jean Baudrillard a fait l'objet de nombreuses critiques. Par exemple, Alan Sokal et Jean Bricmont — tous deux physiciens — se demandent dans Impostures intellectuelles, qui s'attaque aux auteurs de la philosophie postmoderne, parmi lesquels Baudrillard, ce qu'il resterait de la pensée de ce dernier « si l'on en retirait tout le vernis verbal qui la recouvre »[25]. Répondant à ces critiques, il précisait que c'était précisément le rôle du scientifique de créer des concepts pas forcément compris tout de suite par tout le monde.
Sur l'art contemporain, en lançant « L’art contemporain est nul »[26], Jean Baudrillard s'est durablement mis à dos les amateurs d'art contemporain, comme le critique André Rouillé qui, moins d'un mois après le décès de Baudrillard, dit :
« À l’approche du nouveau millénaire, à un moment où la « lepénisation des esprits » faisait sournoisement son œuvre, Jean Baudrillard et ses émules ont donc rendu possible à certains d’être ouvertement ennemis de l’art contemporain comme d’autres pouvaient être racistes : sans complexe, sûrs du bien-fondé de leurs positions, dans une totale méconnaissance de l’objet de leur haine ou de leur mépris, et… avec cet avantage de ne pas risquer de sanctions pénales ! »
Concernant les attentats du 11 septembre 2001, il écrira peu après dans un article du journal Le Monde« L'allergie à tout ordre définitif (…) est heureusement universelle, et les deux tours du World Trade Center incarnaient parfaitement (...) cet ordre définitif », et a évoqué la "jubilation prodigieuse" suscitée par cet évènement, ce qui lui valut des critiques pour apologie du terrorisme[27].
De façon plus anecdotique, lors de la sortie de son livre Oublier Foucault, Michel Foucault, visé par l'ouvrage, commentera avec humour : « Moi, mon problème, ce serait plutôt de me rappeler Baudrillard »[28].
Les Exilés du dialogue, avec Enrique Valiente Noailles, 2005.
Pourquoi tout n'a-t-il pas déjà disparu ?, Paris, éd. de L'Herne, 2007 ; 2e éd. revue et corrigée, 2008.
Carnaval et cannibale, Paris, éd. de L'Herne, 2008.
Le Mal ventriloque, Paris, éd. de L'Herne, 2008.
Allusions
Jean Baudrillard et ses œuvres sont parfois employés dans d'autres livres ou dans des films. On remarque notamment des allusions dans Matrix, réalisé en 1999 par les Wachowski. Au tout début, on y voit Neo alias Thomas Anderson prendre un disque dans un livre portant le titre de Simulacres et Simulation[29]. Plus loin dans le film, le personnage de Morpheus évoque « le désert du réel », expression employée dans l'introduction de l'ouvrage dans laquelle Baudrillard évoque, en inversant une fable de Jorge Luis Borges, une simulation dans laquelle il ne subsisterait plus que des lambeaux de réalité, qu'il appelle ainsi « le désert du réel ». Un peu plus loin dans l'introduction, un passage est également très évocateur du film[30] : « Le réel est produit à partir de cellules miniaturisées, de matrices et de mémoires, de modèles de commandement — et il peut être reproduit un nombre indéfini de fois à partir de là. Il n'a plus à être rationnel, puisqu'il ne se mesure plus à quelque instance, idéale ou négative. Il n'est plus qu'opérationnel. » Cela met en avant la suite du film et porte un questionnement sur la réalité de la matrice.
↑« Le sociologue Jean Baudrillard est mort », sur Le Monde, (consulté le ) : « Le sociologue et philosophe est mort mardi à l'âge de 77 ans. Pendant quarante ans, ce "désillusionniste" a élaboré une critique radicale des médias et de la société de consommation. ».
↑Power Inferno, La violence de la mondialisation, extrait republié par Manière de voir no 75, juin-juillet 2004, « Altermondialistes de tous les pays »
↑Charles Pépin et Jul diront par exemple « Comme si les deux immoralités (l'événement du World Trade Center et la mondialisation) était comparables. Ça n'a l'air de rien mais relisez bien, relisez précisément le heureusement. Et pensez au contexte, aux 5 000 morts. La connerie, elle a bien eu lieu ». in La Planète des sages, Encyclopédie mondiale des Philosophes et des Philosophies.
Les conceptions de l'énoncé, suite - à propos de l'économie politique du signe ; Deleuze, Anti-Œdipe et Mille plateaux, séminaire de Vincennes (04/06/1973).
(en) Baudrillard Vs. Foucault ; fil de discussion modéré par Daniel Makagon sur la liste Foucault.info (04/11/1996).
(en) Baudrillard's seduction ; fil de discussion modéré par Ian Robert Douglas sur la liste Foucault.info (26/10/1998).
(en) Irony and Sadness-After Jean Baudrillard 2, sur l'ironie et la tristesse radicale, correspondance par email entre Geert Lovink et McKenzie Wark, publiée dans le site Network Cultures (03/2007).
Basilika Kunjungan Bunda MariaBasilika Minor Kunjungan Bunda Mariabahasa Slowakia: Bazilika Navštívenia Panny MárieBasilika Kunjungan Bunda MariaLokasiStaré HoryNegara SlowakiaDenominasiGereja Katolik RomaArsitekturStatusBasilika minorStatus fungsionalAktif Basilika Kunjungan Bunda Maria (bahasa Slowakia: Bazilika Navštívenia Panny Márie) adalah sebuah gereja basilika minor Katolik yang terletak di Staré Hory, Slowakia. Basilika ini ditetapkan statusnya pada 1990 dan dide...
Jordan Belfortoleh Ralph Zuranski, 2010LahirJordan Ross Belfort9 Juli 1962 (umur 61)The Bronx, Kota New York, New York, A.S.AlmamaterAmerican University (S.Si. Biologi)Pekerjaan Pengusaha pembicara Pengarang Hukuman kriminal2 tahun di penjara federal, satu bulan di rehabilitasi, $ 110 juta dalam restitusi[1]Status kriminalDirilis April 2006 setelah 22 bulan[1][2]Suami/istriDenise Lombardo(m. 1985; div. 1991)[3]Nadine Caridi(m. 1991; div. 2005; 2 anak-ank)...
German virologist (1936–2023) In this German name, the surname is zur Hausen, not Hausen. Harald zur Hausenzur Hausen in 2010Born(1936-03-11)11 March 1936Gelsenkirchen, Gau Westphalia-North, German ReichDied29 May 2023(2023-05-29) (aged 87)Heidelberg, Baden-Württemberg, GermanyKnown forDiscovery that HPV can cause cervical cancerAwards Ernst Jung Prize (1996) Prince Mahidol Award (2005) Nobel Prize in Physiology or Medicine (2008) Scientific careerFieldsVirologyInstitutionsGerman...
Berikut ini adalah daftar tokoh terkenal dalam politik Amerika Serikat yang merupakan anggota Ku Klux Klan sebelum menjabat. Keanggotaannya bersifat rahasia. Terkadang, para lawan politik menuduh seseorang merupakan anggotanya, atau mendukung pada jajak pendapat dari para anggota Klan. Politikus yang aktif dalam Klan pada suatu masa Robert Byrd Senator Robert Byrd Robert C. Byrd, adalah rekrutan Klan saat berusia 20an dan 30an, menyandang gelar Kleagle dan Exalted Cyclops dari kelompok lokaln...
Cotabato Selatan (Filipino:Timog Cotabato) merupakan sebuah provinsi di Filipina dengan ibu kotanya berada di Koronadal City. Provinsi ini terletak di region/daerah Soccsksargen, dan memiliki luas wilayah 3.936 km² dengan jumlah penduduk 767.255 jiwa (2007). Provinsi ini memiliki angka kepadatan penduduk 195 jiwa/km². Pembagian wilayah Secara administratif provinsi Cotabato Selatan terbagi menjadi 10 munisipalitas, 1 kota komponen dan 1 kota independen, yaitu: Kota/Munisipalitas Jumla...
Area of the West Midlands, England For the area of Belgium, see Pays Noir. Region in West Midlands, EnglandBlack CountryRegionThe Black Country in the 1870s FlagEtymology: Effects of industry or coal miningThe metropolitan boroughs of Dudley, Sandwell, Walsall and the City of Wolverhampton highlighted within the West Midlands metropolitan countyCoordinates: 52°32′N 2°2′W / 52.533°N 2.033°W / 52.533; -2.033CountryEnglandCountyWest MidlandsHistoric countiesStaffo...
John Cho nel 2018 John Cho (Seul, 16 giugno 1972) è un attore e musicista statunitense. Indice 1 Biografia 2 Filmografia 2.1 Cinema 2.2 Televisione 3 Doppiatori italiani 4 Altri progetti 5 Collegamenti esterni Biografia Nato in Corea del Sud, cresce a Los Angeles, dove i genitori si sono trasferiti nel 1978. Diplomatosi presso la Herbert Hoover High School, successivamente studia inglese presso Università della California - Berkeley, laureandosi nel 1996. Terminati gli studi, per qualche te...
English actor Esmond KnightEsmond Knight as Fluellen in Henry V (1944)BornEsmond Penington Knight(1906-05-04)4 May 1906East Sheen, Surrey, EnglandDied23 February 1987(1987-02-23) (aged 80)London, EnglandOccupation(s)Actor, dialogue coachYears active1925-1987Spouses Frances Clare (m. 1929; div. 1946) Nora Swinburne (m. 1946) ChildrenRosalind KnightMilitary careerAllegiance United KingdomService/br...
بوبليتي (بالإسبانية: Poblete)[1] - بلدية - بوبليتي (سيوداد ريال) بوبليتي (سيوداد ريال) تقسيم إداري البلد إسبانيا [2] المقاطعة مقاطعة ثيوداد ريال خصائص جغرافية إحداثيات 38°56′09″N 3°58′53″W / 38.935833333333°N 3.9813888888889°W / 38.935833333333; -3.9813888888889 &...
This article is part of a series on theSupreme Courtof the United States The Court History Procedures Nomination and confirmation Judiciary Committee review Demographics Ideological leanings of justices Lists of decisions Supreme Court building Current membership Chief Justice John Roberts Associate justices Clarence Thomas Samuel Alito Sonia Sotomayor Elena Kagan Neil Gorsuch Brett Kavanaugh Amy Coney Barrett Ketanji Brown Jackson Retired justices Anthony Kennedy David Souter Stephen Breyer...
England international rugby union player (born 1993) Rugby playerHenry SladeSlade representing England during the IRB Junior World ChampionshipFull nameHenry James Harvey SladeDate of birth (1993-03-19) 19 March 1993 (age 31)Place of birthPlymouth, EnglandHeight1.88 m (6 ft 2 in)Weight98 kg (216 lb; 15 st 6 lb)SchoolPlymouth CollegeUniversityUniversity of ExeterRugby union careerPosition(s) Centre, Fly-half, FullbackCurrent team Exeter ChiefsSenior care...
Voce principale: Associazione Sportiva Bisceglie. Associazione Sportiva BisceglieStagione 2020-2021Sport calcio Squadra Bisceglie Allenatore Giovanni Bucaro (1°-20°) Aldo Papagni (21°-34°) Giovanni Bucaro (35°-38° e play-out) Presidente Vincenzo Racanati Serie C18º. Retrocesso in Serie D dopo aver perso i play-out. StadioGustavo Ventura 2019-2020 Si invita a seguire il modello di voce Questa voce raccoglie le informazioni riguardanti l'Associazione Sportiva Bisceglie nelle compet...
Writing systems for the Bashkir language The Bashkir alphabet (Bashkir: Башҡорт әлифбаһы, romanized: Başqort əlifbahı) is a writing system used for the Bashkir language. Until the mid-19th century, Bashkir speakers wrote in the Türki literary language using the Arabic script. In 1869, Russian linguist Mirsalikh Bekchurin published the first guide to Bashkir grammar, and the first Cyrillic Bashkir introductory book was published by Vasily Katarinsky in Orenburg in 1892....
Destroyer of the Royal Navy For other ships with the same name, see HMS Ursa. Sister ship HMS Undine History United Kingdom NameHMS Ursa NamesakeUrsa, the Lain name for bear OrderedMarch 1916 BuilderPalmers Shipbuilding and Iron Company, Jarrow Launched23 July 1917 Completed16 October 1917 Out of service13 July 1926 FateSold to be broken up General characteristics Class and typeModified Admiralty R-class destroyer Displacement1,035 long tons (1,052 t) (normal) Length276 ft (84.1...
1825–1856 British colony, later called Tasmania For other uses, see Van Diemen's Land (disambiguation). Van Diemen's LandBritish Crown Colony1825–1856 Flag1828 mapAnthemGod Save the King/Queen CapitalHobartDemonymVan Diemonian (usually spelt Vandemonian)Population • 1851 70,130 Government • TypeSelf-governing colonyMonarch • 1825–1830 George IV• 1830–1837 William IV• 1837–1856 Victoria Lieutenant-Governor • 1825–1836 Si...