Jean-François Février (parfois Jean-Baptiste Texandier) est un Afro-descendant vivant à Bordeaux à la fin du XVIIIe siècle. Il est l'un des quelque 5 200 personnes d'origine africaine identifiées à Bordeaux à un moment ou un autre de la période de la traite négrière. Son ascendance blanche et sa fortune personnelle le font accepter au sein de la bourgeoisie de la ville : son destin bien sûr minoritaire parmi ses pairs illustre l'existence d'une élite métissée au sein de la haute société commerçante bordelaise[1].
Jean-François est le fils naturel d'un marchand bordelais du nom de Texandier et de Élisabeth Thècles[2], une métisse. Selon la nomenclature d'alors, c'est un « quarteron ». À la mort de son père, son héritage (30 000 livres tournois) le place au niveau moyen de patrimoine des négociants bordelais ; comme beaucoup d'entre eux il habite sur le cours du Chapeau-Rouge[3].
Il épouse[4] à Bordeaux en Nancy Draveman[5], d'une famille de riches commerçants et armateurs. Le grand-père de celle-ci, Théodore est un protestant d'origine hollandaise qui a fondé à Bordeaux en 1740 la maison de négoce Veuve Draveman. Son fils Georges, le père de Nancy, dispose d'une flotte de cinquante-neuf navires pour le commerce avec les colonies, dont quatre seront armés pour la traite (en 1754, 1784, 1786 et 1788)[6]. Nancy est veuve de Jean-Jacques Barthez épousé huit ans plus tôt, et dispose donc de sa dot qu'elle a récupérée, 150 000 livres[7]
L'union est l'objet de controverse, en raison à la fois des ancêtres africains de Jean-François et de sa naissance illégitime. Mais comme pour d'autres cas en métropole, la fortune appréciable de l'Afro-descendant (son père lui cède pour l'occasion 30 000 livres tournois — une fortune dans la moyenne des actifs des négociants bordelais) et l'existence d'une ascendance blanche lui permet d'intégrer la classe économique dominante[5].
Jugeant l'union scandaleuse, les frères, sœurs et parents de Nancy[8] se mobilisent pour l'interdire : plus que le mariage mixte, certes rare mais accepté[9], c'est la mise à mal des convenances sociales de l'élite qui engendre la crispation. Mais âgée de trente ans, Nancy est en position d'imposer son choix[10].
La signature sur l'acte de membres de la très haute bourgeoisie bordelaise, témoins du mariage (les Boyer-Fonfrède, Journu, Perpigna etc.), semble ratifier l'entrée de Jean-François dans la société[5],[11].
Julie Duprat, Bordeaux métisse : esclaves et affranchis de couleur du XVIIIe siècle à l'Empire, Bordeaux, Librairie Mollat, (ISBN978-2-35877-026-2, lire en ligne).
Références
↑Julie Duprat, Présences noires à Bordeaux : passage et intégration des gens de couleur à la fin du XVIIIe siècle, Thèse soutenue à l’École des chartes, (lire en ligne)
↑Contrat de mariage de Jean-François Février et Nancy Draveman, 19 janvier 1788 devant le notaire Gatellet, 3 E 20389, Archives Départementales de Gironde
↑ ab et cJulie Duprat, La petite histoire, (lire en ligne), Négoce & métissage à Bordeaux à la veille de la Révolution