Après l'échec de Marc Antoine dans sa tentative d'invasion de l'Empire Parthe depuis le territoire arménien en envahissant l'Atropatène (36)[1], les jeux d'alliance changent. Le partage du butin laissé derrière eux par les Romains par le roi des rois Parthe, Phraate IV, a grandement mécontenté le roi Artavazde d'Atropatène[2], père de Iotapa. Il libère donc Polémon roi du Pont qu'il a fait prisonnier lors de cette tentative d'invasion romaine, en le chargeant de délivrer une proposition d'alliance à Marc Antoine[3],[2]. Ce que le triumvir s'empresse d'accepter[2]. L'ennemi d'hier, la Médie-Atropatène, qui a contribué à infliger une défaite aux légions de Marc Antoine, devient un allié. L'allié d'hier, le roi d'Arménie lui aussi appelé Artavazde est considéré par Marc-Antoine comme le responsable de l'échec de sa précédente campagne. Lors de l'attaque des Parthes en été -36 l'armée arménienne d'Artavazde s'est abstenue de prêter main-forte aux deux légions commandées par Caïus Oppius Statianus à qui Marc Antoine avait confié d'escorter ses impedimenta et notamment ses machines de siège, emmenées depuis l'Arménie, pendant qu'avec le reste de l'armée il avançait à marche forcée vers son objectif en Atropatène[4]. Après que ces deux légions romaines ont été taillées en pièce par les Parthes, le roi d'Arménie est alors retourné en Arménie avec son contingent en estimant qu'après ce désastre la guerre ne pouvait plus être gagnée et que l'Arménie elle-même était menacée[4]. Marc Antoine a d'ailleurs dû abandonner le siège de Phraaspa deux mois plus tard et son armée a dû faire une difficile retraite[5]. Pendant que ses armées traversaient l'Arménie pour rentrer en Syrie, il a caché son ressentiment[5]. Retourné en Égypte, Marc Antoine convie d'abord « de manière affable[2] » le roi d'Arménie « à venir conférer avec lui[2]. »« Mais le monarque se doute que cette amabilité de façade dissimule des desseins bien plus perfides à son égard. L'invitation reste sans suite[2]. »
Au tout début du printemps 34[7], « dissimulant toujours ses intentions, Marc Antoine entreprend alors une expédition militaire vers l'Arménie, sous le prétexte d'une nouvelle offensive contre les Parthes[2]. » L'allié d'hier est attiré dans un piège. Alors que les armées d'Antoine marchent sur Artaxata, il convoque Artavazde d'Arménie[8], avec la promesse d'une alliance par mariage. « La duplicité des envoyés romains et la menaçante présence des légions font enfin céder le roi d'Arménie. Il se rend dans le camp romain où il est aussitôt arrêté[7]. » Antoine s'empare aussi de la famille royale. Toutefois, certains nobles élisent roi d'Arménie, Artaxès, le fils aîné d'Artavazde, qui a réussi à échapper aux troupes romaines[7]. Mais Artaxès est bientôt vaincu et s'enfuit chez les Parthes[7]. Artavazde, chargé de chaînes, est envoyé en Égypte, où il doit faire acte de soumission à Cléopâtre, à qui est reconnue la primauté sur les autres rois clients[7]. Il est montré lors du Triomphe qui est donné à Marc Antoine à Alexandrie pour sa victoire facilement acquise[8]. Quelques mois plus tard, Artavazde est décapité sur ordre de Cléopâtre[8].
Antoine occupe toute l'Arménie et s'empare d'un important butin. Les frontières avec l'Empire Parthe sont stabilisées tant au nord que sur l'Euphrate. Le royaume d'Arménie passe momentanément sous un contrôle romain direct. Antoine nomme alors son fils Alexandre Hélios à la tête du royaume. En été 33[9], Antoine vient enfin à la rencontre de son nouvel allié sur la rivière Araxe et « les pourparlers menés depuis longtemps finissent par se concrétiser[9]. » L'alliance est renouvelée et ils sont convenus qu'Antoine devrait soutenir Artavazde Ier d'Atropatène contre les Parthes et si l'on en croit Dion Cassius, que le roi de Mèdie devrait aider Antoine contre Octave[9]. La concorde est matérialisée par des échanges de troupes[9]. Le domaine d'Artavazde Ier a été agrandi avec des parties du royaume d'Arménie. Antoine semble avoir validé les conquêtes qu'Artavazde avait obtenues avec l'aide des Parthes lorsqu'ils avaient anéanti les forces romaines d'Oppius Statianus en 36. Il rétrocède donc à l'Atropatène la province de Symbaké[10] et peut-être la Caspiane[9]. Pour sceller l'alliance Mède, Alexandre est fiancé à Iotapa[11] et Antoine récupère certaines des enseignes prises à Statianus en 36 lors de sa déroute en MédieAtropatène[9],[12],[13]. À la fin de la rencontre, Antoine a pris Iotapa avec lui. À partir de ce moment, elle est élevée à Alexandrie. Iotapa a alors 10 ans, son époux n'en a que 7.
Avec l'aide des légions romaines désormais stationnées sur son territoire, Artavazde était en mesure de repousser une éventuelle attaque des Parthes. Toutefois, en vue de la bataille d'Actium, Antoine a rappelé ses troupes romaines sans renvoyer les troupes Mèdes qu'Artavazde lui avait fournies. Après leur défaite à Actium et la mort d'Antoine et Cléopâtre, le roi parthe Phraate IV a immédiatement profité de cette situation. Il a vaincu Artavazde qui a été capturé en 30[14], ce qui permet à Artaxès, aidé par ses alliés parthes[15], de mettre fin au règne nominal d'Alexandre Hélios et de récupérer le trône arménien en 30 av. J.-C. ; il fait également exécuter les Romains présents dans son royaume[16]. Le règne nominal des deux enfants sur l'Arménie n'a donc duré que quatre ans.
Pendant l'emprisonnement d'Artavazde, une guerre civile a eu lieu entre les Parthes par la suite, ce qui lui a donné l'occasion de s'échapper. Il s'est réfugié auprès d'Auguste, qui le reçut avec amitié[18], lui rendit sa fille Iotapa[19] et a fait de lui un roi client de la Petite Arménie[20].
Iotapa est ainsi revenu à son père à un moment indéterminé. Elle a alors épousé son cousin maternel, le roi Mithridate III de Commagène. Il y a un consensus pour situer ce mariage à la fin des années [21],[22]. Grâce à ce mariage, elle est devenue reine de Commagène. L'histoire perd la trace d'Alexandre Hélios, le premier mari de Iotapa, dès la prise d'Alexandrie par Auguste en 30. Pour la sœur jumelle d'Alexandre Hélios, Cléopâtre Séléné, Octave Auguste arrange un mariage avec Juba II de Maurétanie, qu'elle épouse la sixième année du règne de Juba (en ).
Postérité
Iotapa a eu quatre enfants, l'aîné une fille appelée Aka (qu'il ne faut pas confondre avec Aka II de Commagène(it) ni avec Aka I de Commagène); un fils futur prince, successeur Antiochos III de Commagène et deux filles, toutes deux princesses, appelées Iotapa.
Antiochus III de Commagène a épousé l'une de ses sœurs appelée Ioatapa et l'autre sœur a épousé le roi syrienSampsigeramus II d'Émèse de la dynastie Sampsigéramide[23]. Bien que différentes hypothèses aient été émises, on ignore tout du sort d'Aka.
↑Jean-Michel Roddaz dans François Hinard (dir.), Histoire romaine des origines à Auguste, Fayard, 2000 (ISBN978-2-213-03194-1), « L'héritage », p. 887-888.
↑A.D.H. Bivar, Cambridge History of Iran, vol. 3.1, Londres et New York, Cambridge University Press, 1983 (ISBN0-521-20092-X), « The Political History of Iran Under the Arsacids », p. 64-65.