L’inégalité de Le Cam[1], due à Lucien Le Cam, précise la rapidité de convergence de la loi de la somme d'un grand nombre de variables de Bernoulliindépendantes de petit paramètre vers la loi de Poisson. Sa démonstration, élégante et peu calculatoire, illustre la méthode de couplage popularisée par Wolfgang Döblin.
Énoncé
Soit un tableau de variables aléatoires de Bernoulliindépendantes, avec paramètres respectifs On note
Alors
Inégalité de Le Cam — Pour tout ensemble A d'entiers naturels,
En particulier, Sn suit approximativement la loi de Poisson de paramètre λ dès que les deux conditions suivantes sont réunies :
En effet, l'inégalité de Le Cam entraine que :
Conséquence : paradigme de Poisson
Posons
On a les inégalités :
donc les deux conditions et apparaissant à la section précédente, entrainent que
Les deux conditions et sont souvent reformulées informellement de la manière suivante :
Paradigme de Poisson — La somme Sn d'un grand nombre de variables de Bernoulli indépendantes de petit paramètre suit approximativement la loi de Poisson de paramètre
Le cas particulier an=n, λn=λ/n de l'inégalité de Le Cam précise la rapidité de convergence de la loi binomiale de paramètres n et λ/n vers la loi de Poisson de paramètre λ.
Démonstration
Couplage loi de Bernoulli-loi de Poisson
L'idée est d'exhiber une loi de probabilité μp, sur le plan, dont la première marginale est une loi de Bernoulli, la seconde une loi de Poisson, toutes deux d'espérance p, telle que le poids de la première bissectrice soit maximal. En d'autres termes, il s'agit de construire, sur un espace probabilisé bien choisi, deux variables aléatoires réelles X et Y, X suivant la loi de Bernoulli de paramètre p, Y suivant la loi de Poisson de paramètre p, de sorte que soit minimal, ou, du moins, suffisamment petit, μp étant alors la loi jointe du couple (X,Y). Il est clair que
donc que
Dans le cas Poisson-Bernoulli, cette borne est atteinte en utilisant le théorème de la réciproque, de manière à construire X et Y sur l'intervalle ]0,1[ muni de la mesure de Lebesgue[3]. Ainsi
alors que
En ce cas, X et Y coïncident sur les intervalles :
]0,1-p[, où les 2 variables valent 0,
et [e-p,(1+p)e-p[, où les 2 variables valent 1.
Les deux variables diffèrent sur le complémentaire de la réunion de ces deux intervalles, i.e. sur [1-p,1[ \ [e-p,(1+p)e-p[. Ainsi,
et
Conclusion
On se donne une suite de variables aléatoires indépendantes à valeurs dans le plan, telle que la loi de probabilité de chaque terme de la suite est On note et les deux coordonnées de et on pose
Ainsi :
les sont indépendantes et suivent des lois de Bernoulli de paramètres
leur somme Sn a donc la loi que nous voulons étudier ;
les sont indépendantes et suivent des lois de Poisson de paramètres
Wn suit la loi de Poisson de paramètre étant la somme de variables de Poisson indépendantes de paramètres
en particulier, l'approximation proposée pour se trouve être :
On a
et, en échangeant le rôle de Wn et celui de Sn ,
Par ailleurs, comme
on en déduit que
Finalement
À voir
Notes
↑Article original : (en) L. Le Cam, « An Approximation Theorem for the Poisson Binomial Distribution », Pacific Journal of Mathematics, vol. 10, no 4, , p. 1181–1197 (lire en ligne, consulté le ). Une référence accessible en ligne est (en) Torgny Lindvall, Lectures on the coupling method, New York/Chichester/Brisbane (Australia), John Wiley & Sons, , 1re éd., 257 p. (ISBN0-471-54025-0), p. 4-6.
↑(en) A. D. Barbour, L. Holst et S. Janson, Poisson approximation, Oxford, The Clarendon Press Oxford University Press, , 277 p. (ISBN0-19-852235-5).
↑Voir (en) Torgny Lindvall, Lectures on the coupling method, New York/Chichester/Brisbane (Australia), John Wiley & Sons, , 1re éd., 257 p. (ISBN0-471-54025-0), p. 18-20, Section 1.5, particulièrement le Théorème 5.2, pour une discussion du lien avec la distance en variation, et pour une preuve de ce que cette borne peut toujours être atteinte à l'aide d'une construction appropriée de X et Y.