« Celui qui fait parfaitement des paysages est au-dessus d'un autre qui ne fait que des fruits, des fleurs ou des coquilles. Celui qui peint des animaux vivants est plus estimable que ceux qui ne représentent que des choses mortes et sans mouvement ; et comme la figure de l'homme est le plus parfait ouvrage de Dieu sur la Terre, il est certain aussi que celui qui se rend l'imitateur de Dieu en peignant des figures humaines, est beaucoup plus excellent que tous les autres ... un Peintre qui ne fait que des portraits, n'a pas encore cette haute perfection de l'Art, et ne peut prétendre à l'honneur que reçoivent les plus savants. Il faut pour cela passer d'une seule figure à la représentation de plusieurs ensembles ; il faut traiter l'histoire et la fable ; il faut représenter de grandes actions comme les historiens, ou des sujets agréables comme les Poètes ; et montant encore plus haut, il faut par des compositions allégoriques, savoir couvrir sous le voile de la fable les vertus des grands hommes, et les mystères les plus relevés. »
Paysage, y compris animaux, dans lequel les marines méritent une place supérieure en raison des connaissances techniques qu'elles exigent ;
Nature morte, de fleurs (distinguée par sa difficulté technique), de fruits, de coquillages, de gibiers, poissons, instruments de musique et autres objets inanimés.
Évolution de la liste des genres
La pièce de réception d'un artiste déterminait son classement. Pour tenir compte des talents particuliers, des goûts de l'époque et des spécialités qu'ils suscitaient, l'Académie ajouta au cours de son existence trois nouveaux genres :
bambochade, catégorie établie peu après la fondation de l'Académie en 1648 spécialement pour les frères Le Nain (Vitet 1861, p. 329), qui s'écarte des sujets alors admis par son réalisme.
L'Académie royale ne faisait pas de différences catégorielles pour les spécialités de peintre en miniature, de sculpteur et de graveur.
Cette hiérarchie déterminait, au sein de l'Académie, le statut des différents peintres. Seuls les « peintres d'histoire » et les sculpteurs étaient aptes au professorat[4]. La peinture d'histoire était en effet considérée comme le genre le plus difficile, parce qu'elle demande aux peintres le plus de compétences (composition, paysage, nature morte, anatomie, portrait…). La peinture d'histoire contient en principe tous les autres genres qui lui sont subordonnés. Cette hiérarchie n'échappe pas à la critique du Siècle des Lumières ; Diderot écrit notamment :
« C'est une division superflue (...) Cependant, s'il est vrai qu'un art ne se soutienne que par le premier principe qui lui donna naissance, (...) la peinture par le portrait, la sculpture par le buste, le mépris du portrait et du buste annonce la décadence des deux arts. (...) Pierre disait un jour : Savez-vous pourquoi, nous autres peintres d'histoire, nous ne faisons pas le portrait ? c'est que cela est trop difficile[5]. »
Cette critique ne dut pas être isolée : Jacques-Louis David et ses élèves, tout « peintres d'histoire » qu'ils se revendiquassent, eurent à cœur de faire des portraits qui valussent ceux de Élisabeth Vigée-Lebrun.
D'autre part, le classement des œuvres comporte une part d'arbitraire. Un paysage peut se transformer en peinture d'histoire par l'adjonction d'un titre et d'une figure, comme aussi une académie en ajoutant les attributs qui peuvent en faire une allégorie.
Affaiblissement aux XVIIIe et XIXe siècles
Après la Révolution française, et l'ébranlement du système académique, la hiérarchie des genres perd son aspect formel. L'Académie des beaux-arts qui succède en 1816 à l'Académie royale promeut cependant la continuité des valeurs de l'art français.
Le prestige de la peinture d'histoire se maintient jusqu'à la fin du XIXe siècle. Les peintres d'histoire bénéficient des nombreuses commandes de l'État pour les églises, les bâtiments officiels et le musée de Versailles. Les maîtres d'atelier de l'École des Beaux-Arts de Paris sont pour la plupart des peintres d'histoire, bénéficiant de ces commandes et transmettant les valeurs de la peinture académique.
L'École de Barbizon, puis les Impressionnistes, qui travaillent pour le marché de l'art dans le dernier tiers du siècle, renversent formellement la hiérarchie en plaçant le paysage au sommet de l'accomplissement d'un peintre.
Au XXe siècle, les classements en genres et la notion même d'une hiérarchie entre eux n'ont plus guère cours. Les qualités de concept, d'organisation graphique, de virtuosité technique, de fidélité dans la figuration du sujet, qui soutenaient la hiérarchie académique, servent de façon indépendante à la critique des peintures.
↑reçus peintre de sujets galantsNicolas Lancret (en 1719) et François Octavien (1725); reçu peintre de sujets modernesJean-Baptiste Pater, (1729). Pour le critique Charles Blanc, Les peintres des fêtes galantes (Paris:Renouard, 1854) incluent Watteau, Pater, Lancret et Boucher, reçu peintre d'histoire (1734).
↑Diderot, Essais sur la peinture pour faire suite au Salon de 1765, Paris, Buisson, (lire en ligne), p. 88-89.
Voir aussi
Bibliographie
André Félibien, « Préface », dans Félibien et alii, Conférences de l'Académie royale de peinture et de sculpture, pendant l'année 1667, Paris, F. Léonard, (lire en ligne), s.n.