Né le 11 décembre 1932 à Saint-Hyacinthe, Hauris est le fils d'Ephrem Lalancette et de Lauréa Dupré. Il perd sa mère alors qu'il n'est âgé que de six mois. La crise des années 1930 jette sur le pavé des milliers de familles partout au pays. Elle n'épargne pas les Lalancette. Ephrem, veuf, perd sa terre peu après et se retrouve avec neuf enfants à sa charge. Il décide de quitter Saint-Hyacinthe en 1936 pour aller défricher une terre en Abitibi. L'année précédente, le ministre Irénée Vautrin avait justement lancé un plan de colonisation, appelé Plan Vautrin, afin de favoriser la colonisation agricole en relocalisant des familles dans plusieurs régions du Québec et d’ainsi lutter contre le chômage[2].
Comme seuls les chefs de famille peuvent se rendre sur le terrain au début, Ephrem Lalancette met en pension ses enfants avant de commencer à défricher. Hauris se retrouve quant à lui chez les Sœurs grises de Saint-Hyacinthe[3]. Il rejoint son père en Abitibi alors qu'il est âgé de quatre ans sur une terre à Rochebaucourt. Jeune adulte, il se voit confier un premier lot de colonisation en 1949. Hauris épouse peu après Monique Flamand (1936-2020[4]) avec qui il a deux enfants, Christyane et Dany[5].
Or, depuis le début des années 1960, les gouvernements canadien et québécois procèdent à des évaluations économiques de plusieurs régions, dont l'Abitibi[8]. Une première vague de fermeture de villages est d’abord réalisée dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie à la fin de la décennie, non sans susciter un mouvement de résistance dans ces communautés (les Opérations Dignité)[9]. Suivant ce modus operandi, l’Abitibi est la région suivante dans le collimateur gouvernemental. Le rapport Côté-Duvieusart (1974)[10] propose au gouvernement de Robert Bourassa de fermer plusieurs villages situés en périphérie de l'Abitibi et de dédommager financièrement ceux et celles qui abandonnent ces paroisses marginales, dont Rochebaucourt[3]. Hauris Lalancette refuse cette avenue et commence à militer dans le Mouvement des paroisses marginales, qui a pour but de garder les villages ouverts.
La rencontre avec Pierre Perrault: le cycle abitibien
Hauris Lalancette prend publiquement position afin d'éviter le dépeuplement des villages et des terres agricoles de l'Abitibi. Déjà caractérisé par son franc-parler et son éloquence truculente du terroir, il est remarqué par le cinéaste documentariste Pierre Perrault. Ce dernier, d'abord parti suivre les travaux de la Baie James, passe par l'Abitibi après avoir entendu parler du Mouvement des paroisses marginales.
Lalancette se remémore leur rencontre plusieurs années plus tard : « C’était un dimanche, j’avais fait une assemblée au Lac-Castagnier, après la messe. On était à peu près 50, 60 colons. J’expliquais les paroisses marginales. On était 34 paroisses marginales. On s’était formé [un comité], ça nous avait pris un an et demi, on avait trouvé du monde à peu près comme moi, pas instruit[11] ». Pierre Perrault se souvient quant à lui l'avoir trouvé au bout du rang : « Il devenait l'homme du bout du rang, l'homme seul au bout du rang, le dernier combattant d'une conquête à laquelle il continuait de croire[12] ».
Tout en menant son combat, Hauris Lalancette exploite une ferme laitière, puis bovine[3]. Il devient rapidement la voix de l'Abitibi. Alors que des fonctionnaires cherchent à faire transformer les fermes en petites entreprises modernes ou sinon à les faire disparaître, lui rêve de bâtir un pays. Perrault écrira plus tard à son sujet :
« Et parmi eux, Hauris Lalancette, magnifique discoureur, qui brandit la parole comme un drapeau, qui rallie les derniers combattants, qui refuse la défaite. Sans amertume. Sans morosité. Il n'a qu'un propos, c'est la conquête. Qu'un discours, le royaume. C'est le seul homme que je connaisse qui, en labourant sa terre dans la patience des sillons, a conscience de labourer son pays[13] ».
Le cinéaste affirme qu'il « ne propose pas le destin mais le courage[12] » de cet homme dans ses documentaires.
En 1998, le cinéaste Denys Desjardins retrouve Hauris Lalancette au bout de son rang en Abitibi et l'invite à participer au film Almanach 1999. Poursuivant sur la lancée de Pierre Perrault, Desjardins décide peu après de suivre, dans un tournage qui s'étale sur sept ans, le destin de la famille Lalancette. Le résultat, le documentaire Au pays des colons[14], montre un homme chez qui le passage des années n’a en rien affaibli la détermination et l’amour pour son coin de pays.
À l’écran comme au quotidien, authentique et fier d’être colon et fils de colon, Hauris Lalancette poursuit sa vie à Rochebaucourt entouré de sa femme, de ses enfants et de ses nombreux petits-enfants. Son fils Dany a repris la ferme, la dernière du rang. Dans les années 2010, il n'y a plus que leur famille à y vivre, alors qu'il y en avait autrefois une quarantaine[15]. Passionné de son coin de pays, dans une entrevue en 2016, il disait encore: « Être propriétaire d’un royaume, y a-t-il quelque chose de plus beau au monde?[15] »
Décès
Hauris Lalancette est décédé le 23 avril 2019 à l'hôpital d'Amos[16].
Hommages
En s'inspirant d'Hauris Lalancette, Serge Fortin a écrit son troisième album, Gaspille une nuit, sorti en 2014[17].
↑Après la tenue d'un grand congrès de colonisation à la fin de 1934 annonçant ce plan, une loi est adoptée le 2 mai 1935 pour regrouper les diverses mesures législatives favorisant le retour à la terre votées jusque-là. Christian Blais, dir., Histoire parlementaire du Québec, 1928-1932. La crise, la guerre, le duplessisme, l'État-province, Québec, Septentrion, 2015, p. 165-166.
↑Lise Millette, « Hauris Lalancette, l'homme qui s'est battu pour sauver des villages en Abitibi », Aujourd'hui l'histoire, Radio-Canada, 18 novembre 2022, https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/aujourd-hui-l-histoire/segments/entrevue/423260/hauris-lalancette-villages-abitibi-pierre-perrault.
↑Plan de développement de la zone agricole, MRC d'Abitibi, 2016, p. 10-11.
↑Robert Laplante, L'expérience de Guyenne, Guyenne, Corporation de développement de Guyenne, 1995, p. 491-498
Émélie Rivard-Boudreau, « Le défricheur Haris Lalancette n'est plus », La terre de chez nous, 2 mai 2019, https://www.laterre.ca/actualites/forets/le-defricheur-hauris-lalancette-nest-plus/.