Chef du réseau Tell-MUSICIAN de la section F, basé dans la région de Saint-Quentin (Aisne), il organise dans le nord-est de la France de très nombreux sabotages au détriment des Allemands. Finalement arrêté, torturé, déporté au camp de concentration de Flossenbürg, il est exécuté le .
Biographie
Né le à Beurlay, Charente-Maritime, où son père, pasteur protestant d'origine suisse, occupe sa première charge de paroisse, il retourne en Suisse en 1907 lorsque son père occupe une nouvelle charge, à Lutry. Il fait sa scolarité au collège classique cantonal de Lausanne puis à l'Institut Jean-Jacques-Rousseau où il suit une formation en Éducation morale, didactique, orientation professionnelle. Il y a vraisemblablement été élève de Jean Piaget.
Son père meurt de la grippe espagnole en 1918. La famille est prise en charge par le grand-père Daniel. Vers 1920, il perd l'usage d'un œil, atteint par une fusée d'un feu d'artifice.
Le , il obtient son certificat. Pour échapper à la tutelle de son grand-père Daniel, qui souhaitait qu'il se prépare au sacerdoce, il émigre au Québec, où il est invité par son oncle et parrain Charles. Il débarque à la ville de Québec le , avant de s’établir dans la ville de Montréal, travaillant d’abord comme enseignant à Pointe-aux-Trembles, près de Montréal.
Le , il commence à travailler comme traducteur à la Sun Life Assurance Company. Il avait posé sa candidature le et passé un examen médical satisfaisant le . Plus tard, il y deviendra chef du bureau de traduction (pour toutes les langues).
Il épouse Marguerite Geymonat, une ancienne élève le . Le couple s'installe à Cartierville, au nord de Montréal.
En 1934, il obtient la citoyenneté canadienne. Son fils Jean-Louis nait en 1935 et sa fille, Jacqueline, en 1936.
Il rejoint le contingent universitaire de Montréal du corps de formation des officiers canadiens en . Il est nommé au régiment de Maisonneuve. En septembre, il quitte sa femme et à ses deux enfants et est envoyé dans une base en Grande-Bretagne, comme officier du service de renseignements du régiment de Maisonneuve. Sa femme travaille à Radio-Canada International qui diffuse des émissions aux troupes en Europe.
Recruté par le colonel Maurice Buckmaster le , chef de la section F du SOE, Biéler quitte son régiment et rejoint la section F, où on le connaîtra sous le surnom de « Guy », il aura comme période d’entraînement : Warnborough Manor (Surrey) quatre semaines d’instruction de base et d’examens psychologiques et techniques ; Écosse, un mois d’entraînement à la mise à mort silencieuse, au maniement du couteau, de la corde, du pistolet et du pistolet mitrailleur, à la manœuvre d’un bateau, à la lecture de carte, au morse ; stage de parachutisme près de Manchester ; stage final, près de Beaulieu, pour apprendre à repérer des filatures, à changer d’adresse au bon moment, à dissimuler sa personnalité, à supporter des interrogatoires brutaux. Maurice Buckmaster écrit dans son dossier que « Biéler était le meilleur stagiaire que le SOE ait jamais eu ». Biéler choisit son surnom « Guy » comme nom de guerre.
Dans la nuit du 17 au , en compagnie de Michael Trotobas « Sylvestre » (qui vient former le réseau FARMER dans la région de Lille) et d'Arthur Staggs, (opérateur radio de Trotobas), Gustave Biéler est parachuté d’un bombardier près de Beaune-la-Rolande (entre Pithiviers et Montargis, dans le Loiret). La mission que lui a confiée la section F consiste à agir en tant que son représentant auprès du réseau CARTE dans la région de Lille, à communiquer ses instructions et à rester en contact avec le réseau FARMER de Trotobas. Malheureusement, du fait de l’obscurité, Biéler atterrit sur des rochers et se blesse grièvement à la colonne vertébrale. Ses compagnons, Trotobas et Staggs, lui conseillent de demander un retour en Angleterre. Comme il refuse, ils l’amènent à Paris. Le matin du 18, ils prennent le train pour Paris à la gare d'Auxy-Juranville. Arrivés à Paris, ils confient Gustave Biéler à Marie-Louise Monnet et sa fille, 38 avenue de Suffren, à l'étage en dessous de celui des sœurs Germaine et Madeleine Tambour du réseau Prosper-PHYSICIAN. À partir de cette planque, il prend les premiers contacts avec la Résistance pour constituer son réseau Tell-MUSICIAN.
En , la rupture est patente entre CARTE et le SOE, et se concrétise par le retour d’André Girard à Londres. De ce fait les consignes initiales que Biéler a reçues du SOE ne sont plus pertinentes. Il prend alors progressivement en charge la direction d’une organisation de résistance qui émerge dans la zone de Saint-Quentin, qui est alors un sous-réseau du réseau Prosper-PHYSICIAN, et qui va devenir le réseau MUSICIAN. Le , Biéler se sent assez rétabli pour se rendre dans la zone de Saint-Quentin. Il s’installe dans la maison d’Eugène Cordelette, géomètre dans le village de Fonsomme. Connu sous le nom de « Commandant Guy », il développe son réseau, qu'il appelle aussi réseau Tell. Très doué pour la communication et l’organisation, en tant que chef du réseau Tell-MUSICIAN, il travaille avec des agents du SOE amis et des membres de la résistance, pour organiser des missions de sabotage très productives. Il reçoit seize parachutages d’armes et d’explosifs. Vingt-cinq équipes de Biéler, réparties dans différentes zones du nord de la France, réussissent à endommager ou détruire des équipements allemands, tels que des réservoirs de stockage de pétrole, des moyens ferroviaires (destruction d’un convoi de troupes, déraillement de 20 trains, endommagement de 20 locomotives avec de la graisse abrasive, sabotage d'usines de réparation et de locomotives, treize coupures de la ligne Paris-Cologne), des ponts, des écluses et des tracteurs électriques utilisés pour remorquer les barges sur les chemins fluviaux. Leurs efforts répétés entravent les mouvements ennemis d’armes et de troupes, mais finalement l’action la plus importante de Biéler porte sur la préparation du débarquement. Ses opérations sont si réussies que les Allemands mettent en place une chasse à l’homme pour le capturer, lui et son équipe.
En septembre, le SOE envoie Yolande Beekman comme opérateur radio attitré de MUSICIAN. Jusque-là, Biéler utilisait les moyens radio du réseau Prosper-PHYSICIAN. Sur le point d'être arrêté, Michael Trotobas « Sylvestre », qui avait constitué le réseau de sabotage FARMER dans la région de Lille, est tué, en décembre, par les Allemands lors d’une fusillade. Biéler contribue à maintenir FARMER en activité.
La Gestapo arrête Biéler et Yolande Beekman au Café Moulin Brûlé à Omissy le . Au quartier général de la Gestapo, ils sont torturés à de nombreuses reprises, mais ne cèdent pas. Quelques mois plus tard, Biéler est transféré au camp de concentration Flossenbürg, dans la région de l’Oberpfalz en Bavière, où les tortures brutales se poursuivent. Les Allemands n’obtiennent rien de lui.
Les Allemands, qui avaient acquis un certain respect pour lui, font fusiller le major « Guy » Biéler mutilé et décharné par une escouade d’exécution avec une garde d’honneur, le .
Le Centre Juno Beach à Courseulles-sur-Mer contient une plaque : « Canadiens derrière les lignes ennemies. Agents canadiens des Services spéciaux britanniques ».
Au Canada, un mémorial mentionne son nom dans un parc à Westmount (Québec).
Aux Pays-Bas, le Major « Guy » Biéler est enregistré sur le Mémorial de Groesbeek au cimetière de guerre canadien, panneau 11.
En Allemagne, au mémorial du camp de Flossenbürg, une vitrine commémorative sur « Guy » Biéler a été dévoilée le lors de l'inauguration du musée du camp. Une plaque dédiée au SOE mentionne Guy Biéler, avec une biographie et des photographies.
La résidence des anciens combattants à Montréal (Québec). Depuis 1980, la société Maison Biéler Inc. loue 168 logements bon marché à des vétérans et des veuves de vétérans, dans un immeuble situé 1450 rue Plessis. Gabriel Chartrand fut son premier directeur jusqu'en 1986.
En France
À Courseulles-sur-Mer, au centre Juno Beach, une plaque dédiée aux Canadiens derrière les lignes ennemies mentionne Guy Biéler.
Dans trois communes françaises du département de l'Aisne, une rue porte le nom de "rue du Commandant Guy Biéler"[2] : Saint-Quentin, Fonsomme, Morcourt.
Identités
État civil : Gustave Daniel Alfred Biéler
Comme agent du SOE, section F :
Nom de guerre (field name) : « Guy »
Code opérationnel SOE : MUSICIAN
Fausses Identités : Guy Morin, Maurice Alfred Léger (employé, né le à Lille, CI no 13 274 délivrée à Saint-Quentin le ), Blanc
Autre pseudo : Tell (origine et emploi à préciser)
Surnoms familiers : Guy (enfance) ; Grand-dad (camarades de la session d'entraînement SOE)
Parcours militaire :
Régiment de Maisonneuve.
SOE, section F ; grade : captain.
Famille
Son grand-père : Daniel Biéler
Son père : Jean-Louis Biéler, pasteur protestant, suisse
Sa mère : Hélène Wursten
Ses frères et sœurs : René-Maurice (Môme) (1906-1945) (voir Roy McLaren, Canadians behind enemy lines, p. 31), Madeleine (Souris) (1907-?), Danielle (Dano) (1908-?), Anne_Marie (Mamie) (1914-?).
Sa femme : Marguerite née Geymonat, Montréal, Québec.
Ses enfants (2) : Jean-Louis (1935-), Jacqueline (1936-).
Bibliographie
Missions dangereuses et services secrets. Agents, espions et soldats durant la Seconde guerre mondiale, Sélection du Reader’s Digest, 1973, vol. 1, chapitre En mission spéciale auprès du War Office, p. 325-340
Michael R. D. Foot, Des Anglais dans la Résistance. Le Service Secret Britannique d'Action (SOE) en France 1940-1944, annot. Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Tallandier, 2008, (ISBN978-2-84734-329-8) / (EAN9782847343298). Traduction en français par Rachel Bouyssou de (en) SOE in France. An account of the Work of the British Special Operations Executive in France, 1940-1944, Londres, Her Majesty's Stationery Office, 1966, 1968 ; Whitehall History Publishing, in association with Frank Cass, 2004. Ce livre présente la version officielle britannique de l’histoire du SOE en France.
↑Biéler est adopté par les citoyens comme héros populaire, non seulement pour ses exploits et sa bravoure, mais aussi parce qu'il fit toujours tout ce qui lui était possible pour éviter les pertes civiles.