Le droit administratif français étant largement de formation prétorienne, la jurisprudence, spécialement celle du Conseil d'État et du Tribunal des conflits, a été déterminante pour les règles de procédures et de fond qui se sont progressivement dégagées, celles-ci étant bien sûr pour une part d'origine législative ou réglementaire, mais pour une part non moins importante construites ou dégagées par le juge lui-même. On comprend dès lors l'importance de ces « grands arrêts » en ce domaine.
Les actes dits « de haute politique » sont des actes de gouvernement, qui ne sont pas susceptibles d'être discutés par la voie contentieuse. C'est la théorie du mobile politique.
Abandon de la théorie de l'acte de haute politique (ou de l'acte pour mobile politique) : il existe toujours des actes de gouvernement, mais ceux-ci ne peuvent se définir simplement par l'existence d'un mobile politique. Aujourd'hui, le Conseil d'État considère comme acte de gouvernement les actes ayant trait au rapport entre l'exécutif et le législatif ou à la conduite des relations internationales.
Théorie de la loi-écran. Le juge administratif ne contrôle pas la constitutionnalité d'une loi. Étant le juge du pouvoir exécutif, il ne peut, au nom de la séparation des pouvoirs, contrôler le travail du législateur.
Affirmation de l'existence de principes généraux du droit. Ceux-ci s'imposent à l'administration, mais pas au législateur. Ils ont une valeur « supra-décrétale mais infra-législative » (René Chapus).
: Dame Kirkwood :
Un acte administratif doit être conforme à un traité. Pour la première fois, le juge contrôle l'application par l'administration du droit international, qui n'était jusqu'alors qu'une règle de conduite ne faisant pas grief.
Le Conseil d'État se refuse à faire prévaloir le traité sur la loi postérieure. Par cet arrêt, le Conseil d'État cherche à concilier la suprématie des traités sur la loi (article 55 de la Constitution) avec son refus de censurer les actes du législateur.
Le Conseil d'État indique qu’il appartient au juge administratif de contrôler la compatibilité entre les traités internationaux et les lois françaises même postérieures, revenant ainsi sur sa jurisprudence « semoules » de 1968. Il se rallie ainsi à la solution dégagée en 1975 par la Cour de cassation dans son arrêt Société cafés Jacques Vabre et suivie par le Conseil constitutionnel (dans sa fonction de juge électoral) lors de sa décision n° 88-1082/1117 du [CC 1] sur les élections législatives dans le Val-d'Oise.
Suprématie des dispositions constitutionnelles sur les normes internationales mêmes régulièrement intégrées en droit interne (décret organisant la consultation des populations sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie).
: Société Arcelor et autres :
Conciliation entre la suprématie de la Constitution dans l’ordre juridique interne et les exigences liées à la participation de la France à l’Union européenne, elles-mêmes tirées de la Constitution (l’article 88-1 de celle-ci créant une obligation de transposition des directives européennes)[N 1].
Plus précisément, l'arrêt crée un mécanisme subtil permettant le contrôle de constitutionnalité des actes administratifs édictés pour transposer des directives européennes. En effet remettre en cause ces actes parce qu’ils introduiraient en interne des normes incompatibles avec la Constitution française reviendrait, par la même occasion, à contrevenir à l’obligation faite par la même Constitution de transposer les directives européennes dans le droit interne (principe de « participation aux Communautés européennes »).
L’innovation jurisprudentielle pour éviter cet imbroglio est alors la suivante : chaque fois que sera mise en cause la constitutionnalité d’un acte administratif réglementaire transposant les dispositions « précises et inconditionnelles » d’une norme européenne, le juge administratif devra rechercher s’il existe, au sein de l’ordre juridique européen, une norme ou un principe général du droit assurant déjà la protection de la disposition constitutionnelle qui était invoquée à l’encontre de l’acte administratif.
Si tel est le cas, le juge se contentera alors d’un simple contrôle de conventionnalité par rapport à cette norme / ce principe de droit européen : soit l’acte administratif y est conforme (et il sera alors, comme par réfraction, jugé conforme à la Constitution française), soit il ne l’est pas et le juge devra alors adresser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l'Union européenne (car cela signifie que la norme européenne que l’acte est censé transposer est en contrariété dès l’origine avec une autre norme européenne).
Mais si tel n’est pas le cas (i.e. la norme constitutionnelle française, jugée incompatible avec la norme européenne que transpose l’acte administratif, n’a pas d’équivalent en droit européen / est propre à l’identité constitutionnelle française) le juge opérera alors le contrôle de constitutionnalité de l'acte administratif vis-à-vis de la Constitution française directement.
La grande nouveauté de cet arrêt est qu’il vient ainsi lier la constitutionnalité d'un acte administratif à sa conventionnalité / sa conformité à l'ordre juridique européen. Cela revient à considérer - ou a minima présumer - que l'ordre juridique européen est si étroitement lié à l'ordre juridique français qu'ils offrent tous les deux des standards de protection juridique des droits et libertés semblables, et que le contrôle de constitutionnalité des actes administratifs français peut se faire ainsi - jusqu'à un certain point - vis-à-vis des normes européennes. Si l'on peut y voir une forme d'abandon de souveraineté du juge administratif français, il y a surtout là la démonstration puissante d’un « synchronisme » des juges français et européen, permettant d'assurer dans la mesure du possible la pleine effectivité du droit européen sans pour autant sacrifier la faculté du juge français de pouvoir contrôler la constitutionnalité des normes intégrant l'ordre juridique national pour y maintenir la suprématie des valeurs constitutionnelles.
21 avril 2021, French Data Network et a.
Dans un litige portant la conformité des règles françaises de conservation des données de connexion au droit de l'UE, le Conseil d’État applique pour la première fois les modalités de sa jurisprudence Arcelor de 2007. Il constate que les exigences constitutionnelles que sont la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, la prévention des atteintes à l’ordre public, la lutte contre le terrorisme et la recherche des auteurs d’infractions pénales ne bénéficient pas, en droit de l’UE, d'une protection équivalente à celle que garantit la Constitution et s'engage donc, dans son office, à s'assurer que les limites définies par la CJUE ne mettent pas en péril ces exigences constitutionnelles.
: arrêt Blanco[L 6] Pose les fondements de la responsabilité de la puissance publique, régie par des règles spéciales et « ni générale ni absolue », et en attribue la compétence contentieuse à la juridiction administrative. De plus le droit civil, selon cet arrêt, ne peut s'appliquer aux relations entre les personnes publiques et privées, sauf exceptions. En effet l'action administrative est caractérisée par des rapports de droit inégalitaire contrairement aux dispositions du droit civil qui s'appuient sur l'égalité entre les citoyens.
: Cadot[L 7] : Abandon de la théorie de l'administrateur juge du fait que le Conseil d'État estime qu'en 1889, cette théorie n'a plus lieu d'exister puisqu'il existe à présent de véritables juridictions administratives : compétence générale du juge administratif.
: Casanova[L 8] : Tout contribuable d’une commune a un intérêt à agir contre l'inscription d'une dépense au budget de celle-ci.
: Lot[L 10] : Intérêt pour agir d’une personne contre une décision qui porte atteinte aux droits qu’elle tient de son statut, de ses titres ou des prérogatives de sa fonction.
: Syndicat des patrons coiffeurs de Limoges[L 12] : Intérêt pour agir d’un syndicat professionnel, mais non au nom d'intérêts particuliers, sauf mandat spécial.
: Thérond[L 13] : Compétence de la juridiction administrative pour un contrat de service public.
: Dame Cachet[L 15] : Pouvoir de retrait d'une décision individuelle créatrice de droits pendant le délai de recours contentieux.
: Rodière[L 16] : Effet rétroactif de l'annulation contentieuse.
: Despujol[L 17] : Recours dans le cas d’un changement de circonstances faisant qu’un acte réglementaire est devenu illégal.
: Chambre syndicale des constructeurs de moteurs d'avions[L 18] : Conditions pour les sursis à exécution des décisions administratives.
: Monpeurt[5] : Compétence du Conseil d’État pour les actes administratifs d’un organisme privé chargé d’un service public.
: Bouguen[L 19] : Compétence du Conseil d’État pour statuer sur certaines décisions des ordres professionnels.
: Compagnie Générale des Eaux[L 20] et Veuve Aubry[L 21] : La date d'évaluation du préjudice, dans le cas des dommages aux biens, est la date où il peut être procédé aux réparations et, dans le cas des dommages aux personnes, la date de la décision juridictionnelle.
: Société du journal « L'Aurore »[L 22] : Principe de non-rétroactivité des actes administratifs.
: Falco et Vidaillac[L 23] : Compétence de la juridiction administrative en ce qui concerne l'organisation du service public judiciaire, ici pour des élections au Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
: Institution Notre-Dame du Kreisker[L 24] : Recevabilité du recours pour excès de pouvoir contre les circulaires qui ajoutent des règles nouvelles.
: Syndicat général des ingénieurs-conseils[L 26] : Le pouvoir réglementaire autonome est soumis aux principes généraux du droit, même en l'absence de disposition législative.
: Société « Maison Genestal »[L 28] : Le contrôle de la légalité d'une décision économique reposant sur des motifs imprécis peut exiger un complément d'instruction.
: Ville Nouvelle-Est[L 29] : Contrôle de l’utilité publique d’une opération d’expropriation, par la théorie du bilan coût-avantage.
: Société Anonyme « Librairie François Maspero »[L 30] : Le juge administratif effectue un contrôle minimum sur la décision du ministre de l'intérieur d'interdire la diffusion d'une publication étrangère[N 2].
: Ministre de l'intérieur c/ Cohn-Bendit[L 31] : Limites de la portée juridique des directives communautaires. Le Conseil d'État est revenu sur cette jurisprudence par l'arrêt Mme Perreux[CE 1] du .
: Mme Menneret[L 32] : Pouvoir du juge de prononcer une astreinte.
: Compagnie Alitalia[L 33] : Obligation pour l'administration d'abroger un règlement illégal.
Nicolo[L 3] : Le traité international prime la loi même si elle a été promulguée postérieurement à la ratification du traité.
: GISTI[L 34] : Compétence du juge administratif pour interpréter une convention internationale sans renvoi préjudiciel au ministre des affaires étrangères.
: S.A. Rothmans International France[L 35] et également l'arrêt S.A. Philip Morris France[L 36] : Contrôle par le juge administratif de la compatibilité entre les objectifs d'une directive européenne et une loi même postérieure.
: Hardouin [L 37] et Marie[L 38] : Restrictions sur la notion de mesures d'ordre intérieur. Voir les conclusions du commissaire du gouvernement Patrick Frydman à l'audience[6].
: Aquarone[L 39] : Les règles coutumières du droit international public sont applicables en droit interne mais ne prévalent pas sur la loi en cas de conflit entre ces deux normes.
: Président de l'Assemblée nationale[L 40] : La juridiction administrative est compétente pour connaître des litiges relatifs aux marchés conclus par les assemblées parlementaires.
: Commune de Venelles[L 41] et , Saez[L 42] : Conditions de recevabilité et d'admission du référé.
: Ternon[L 43] : L’administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. Cette jurisprudence remplace partiellement celle issue de l'arrêt Dame Cachet[L 15] de 1922. Cette jurisprudence a été prolongée par l'arrêt Mme Soulier (), en matière de décisions pécuniaires, et par l'arrêt M. C. (), pour l'abrogation des décisions créatrices de droit.
: Association AC ! et autres[L 44] : À titre exceptionnel, les effets d'une annulation contentieuse peuvent faire l'objet d'une modulation dans le temps[N 3].
: Danthony[L 45] : un vice de procédure n'entache d'illégalité la décision qu'il concerne que s'il a privé les intéressés d'une garantie ou s'il est susceptible d'avoir influé sur le sens de la décision.
: Pariset[L 46] : Le Conseil d'État censure pour détournement de pouvoir la décision du préfet de fermer une manufacture d'allumettes.
: Commune de Néris-les-Bains[L 47] : Pouvoirs de police municipale des maires. Recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir (REP) du maire contre une décision de l’autorité de tutelle.
: Syndicat des propriétaires et contribuables du quartier Croix-de-Seguey-Tivoli[L 48] : Intérêt pour agir d’une association. Recevabilité du recours pour excès de pouvoir.
: Boussuge[L 51] : Tierce-opposition à une décision contentieuse rendue à la suite d'un REP.
: Gomel[L 52] : Contrôle par le juge de la qualification juridique des faits à laquelle se livre l'administration. En l'occurrence, le Conseil d'État avait annulé pour excès de pouvoir la qualification de perspective monumentale à la place Beauvau, pourtant soutenue par le préfet.
: Camino[L 53] : Contrôle de l’exactitude matérielle des faits par le juge de l’excès de pouvoir.
: Ministre de l'agriculture c/ Dame Lamotte[L 54] : Principe selon lequel toute décision administrative peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
: Société d'aménagement foncier et d'établissement rural d'Auvergne c/ Bernette[L 55] : Le juge de l'excès de pouvoir contrôle si les faits reprochés à un salarié protégé sont d'une gravité suffisante pour justifier la décision administrative autorisant son licenciement.
: Association ornithologique et mammalogique de Saône-et-Loire[L 56] : REP possible contre le refus du premier ministre d'engager la procédure de délégalisation prévue à l'article 37 al. 2 de la Constitution + Suprématie du droit communautaire sur la loi.
: Mme Duvignères : Les dispositions impératives à caractère général d’une circulaire peuvent faire l’objet d’un recours contentieux et le contrôle de leur légalité. Il repose sur la notion d'excès de pouvoir et sur le principe d'égalité.
: Société ATOM[L 57] : substitution du recours de plein contentieux au recours pour excès de pouvoir dans la plupart des sanctions administratives.
: arrêt Société Eden (le Conseil d'État consacre le « principe de l'économie des moyens » : le juge administratif n'est pas tenu d'examiner tous les moyens invoqués et peut se contenter de retenir le moyen le plus pertinent. Dans son arrêt, le Conseil d'État distingue deux cas : la combinaison de conclusions d'annulation et de conclusions d'injonction ; la hiérarchisation de conclusions principales et de conclusions subsidiaires).
: Arrêt Pelletier[L 58]. Dans une affaire qui suivait la guerre de 1870, le Tribunal des conflits pose la distinction entre faute de service et faute personnelle au sujet de la responsabilité de l'administration (saisie de journaux par l'autorité militaire).
: Tomaso Grecco[L 60] : Responsabilité en matière de police.
: Anguet[L 61] : Cumul de la faute personnelle et de la faute de service.
: Ambrosini : Un particulier n'est pas fondé à réclamer à l'État une indemnité, à raison de la mort de son fils tué par un éclat d'obus provenant de l'explosion d'un navire de guerre; le décès doit être, en effet, attribué à un événement de force majeure.
: Époux Lemonnier[L 62] : Responsabilité de l'administration à raison de fautes commises par ses agents.
: Regnault-Desroziers[L 63] : Responsabilité pour risque.
: Couitéas[L 64] : Responsabilité pour rupture de l'égalité devant les charges publiques. Droit à la réparation d'un préjudice à la suite du refus du gouvernement de prêter le concours de la force publique pour une expulsion.
: Société anonyme des produits laitiers « La Fleurette »[L 65] : Responsabilité du fait des lois.
: Société « La cartonnerie et imprimerie Saint-Charles »[L 66] : Responsabilité sans faute de la puissance publique en cas d'inexécution non fautive d'une décision judiciaire.
: Caisse départementale d'assurances sociales de Meurthe-et-Moselle[L 67] : Responsabilité des autorités de tutelle et de contrôle des services publics.
: Commune de Saint-Priest-la-Plaine[L 68] : Responsabilité sans faute en raison d’un accident survenu à des collaborateurs occasionnels d’un service public.
: Consorts Lecomte[L 69] : Responsabilité du service de police, même sans faute lourde, en cas d’utilisation d'armes et d’engins comportant un risque exceptionnel pour les personnes et les biens.
: Demoiselle Mimeur[L 70] : Responsabilité de l'administration en cas de faute non dépourvue de tout lien avec le service (cumul de responsabilités).
: Laruelle[L 71] et Delville[L 72] : Responsabilité des agents publics : action récursoire de l'administration.
: Consorts Letisserand[L 73] : Réparation au titre de la douleur morale.
: Compagnie générale d'énergie radio-électrique[L 74] : Responsabilité du fait des conventions internationales sur le fondement de l'égalité devant les charges publiques.
: Cofiroute[L 75] : Avis sur renvoi. Préjudice commercial indemnisable du fait d’attroupements.
: Époux V.[L 76] : Responsabilité du service public hospitalier. Application d'un régime de responsabilité pour faute simple.
: Papon[L 77] : Responsabilités de l'État et des fonctionnaires pour les dommages causés sous le régime de Vichy.
: Mme Popin c/ Université de Strasbourg[L 78] : La justice étant rendue de manière indivisible au nom de l'État, responsabilité de celui-ci pour des dommages résultant de l'exercice de la fonction juridictionnelle relevant d'une autre personne morale.
: Gardedieu[L 79] : Responsabilité de l'État du fait des lois contraires aux engagements internationaux. Voir les conclusions du commissaire du gouvernement Luc Derepas à l'audience.
24 décembre 2019 : Société Paris Clichy[L 80] : Responsabilité de l'État du fait des lois déclarées contraires à la Constitution.
Contrats administratifs
: Compagnie nouvelle du gaz de Deville-lès-Rouen[L 81] : Mutabilité (ou pouvoir de modification unilatérale) des contrats administratifs.
: Martin[L 82] : Recours des tiers contre les actes détachables d’un contrat. Ainsi contre les clauses réglementaires (C.E., , Cayzeele)[N 4].
: Compagnie des messageries maritimes et autre[L 83] : L'inexécution d’un contrat en cas de force majeure exclut la responsabilité du cocontractant.
: Thérond[L 13] : Compétence de la juridiction administrative pour un contrat de service public.
: Compagnie générale française des tramways[L 84] : Mutabilité des contrats administratifs et indemnisation en cas de préjudice.
: Société des granits porphyroïdes des Vosges[L 85]. Un contrat conclu par l'administration peut l'être selon les « règles et conditions des contrats intervenus entre particuliers » et le juge judiciaire est alors compétent. En revanche, un contrat comportant une clause exorbitante du droit commun est administratif et le juge administratif est compétent dans ce cas.
: Compagnie de tramways de Cherbourg[L 86] : Le bouleversement définitif de l'économie du contrat extérieur à la volonté des parties est un cas de force majeure. La résiliation du contrat peut être demandée au juge par les cocontractants.
: Époux Bertin[L 87] et Ministre de l'agriculture c/ consorts Grimouard[L 88] : Règle l'opposition entre l'arrêt Thérond et l'arrêt Société des granits porphyroïdes des Vosges. Présence d'un critère alternatif pour qualifier un contrat d'administratif si le cocontractant est une personne privée, qui peut être soit l'association d'une personne privée au service public (exécution entière ou d'une modalité du service public), soit une clause exorbitante du droit commun dans le contrat.
: Société « Tropic Travaux Signalisation »[CE 2] : Le recours de pleine juridiction contre les contrats administratifs est désormais ouvert aux concurrents évincés. Le recours pour excès de pouvoir est également ouvert aux tiers au contrat. Eu égard à l’impératif de sécurité juridique, non-rétroactivité de cette nouvelle jurisprudence.
: Béziers I : pas d'annulation automatique en cas d'irrégularités
: Béziers II : possibilité d'un recours de plein contentieux tendant à la reprise des relations contractuelles
: département de Tarn-et-Garonne : ouverture du recours de plein contentieux aux tiers du contrat s'ils manifestent d'un intérêt lésé direct et certain.
Autres grands arrêts
De 1873 à 1914
: Abbé Olivier[L 89] : Pouvoir de police et liberté des cultes. Les restrictions de police ne doivent être utilisées que pour maintenir l'ordre public. En l'espèce, une procession religieuse lors d'un enterrement ne constitue pas une menace à l'ordre public, et ne peut donc pas être interdite par le maire. Précision également de la portée de la loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'État, notamment concernant le respect porté par la loi aux pratiques religieuses.
: Winkell[L 90] : La grève dans la fonction publique est un acte illicite. Voir , Dehaene (plus bas).
: Malinge contre Gérardin : Sur les pouvoirs de police en matière d'ébriété sur la voie publique.
: Téry[L 91] : Respect des droits de la défense : droit du prévenu à être entendu.
: Syndicat régional des quotidiens d'Algérie[L 111] : La compétence d'un gouvernement démissionnaire est limitée aux affaires courantes.
: Tessier[L 112] : Limites de la liberté d’expression des fonctionnaires et sanction disciplinaire.
: Barel[L 113] : Principe de l'égalité d'accès aux fonctions et emplois publics. L'administration ne saurait, sans méconnaître ce principe, écarter un candidat en se fondant exclusivement sur ses opinions politiques.
: Société « Le Béton »[L 114] : Domanialité publique définie par le critère d'affectation au service public.
: Société « Les films Lutétia »[L 115] : Police municipale et interdiction d'un film à caractère immoral.
: Canal, Robin et Godot[L 117] : Principes généraux du droit pénal. Annulation d'une ordonnance du Président de la République pour atteinte aux droits et garanties essentielles de la défense.
: Crédit foncier de France[L 118] : Statut des directives.
: Arrêt Klaus Croissant : les conventions et traités internationaux ont une autorité supérieure au droit interne.
: GISTI, CFDT et CGT[L 119] : Droit de mener une vie familiale normale.
De 1980 à 1999
: Bereciartua-Echarri[L 120] : Principe général du droit selon lequel un réfugié politique ne doit pas être remis à son pays d'origine.
: Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et Gouverneur de la Colonie Royale de Hong-Kong[L 121] : Le rejet d'une demande d'extradition est un acte détachable des relations internationales.
: Société Lambda[L 123] : Contrôle du recrutement de fonctionnaires par des entreprises privées.
: Association Ekin[L 124] : Le juge administratif effectue un contrôle normal sur la décision du ministre de l'intérieur d'interdire la diffusion d'une publication étrangère. Voir finalement , l'arrêt GISTI[L 125] (à la suite de l'arrêt de la CEDH, Association Ekin, ).
: Société Million et Marais[L 126] : Le droit interne de la concurrence est opposable aux actes administratifs. Incursion indirecte du droit de la concurrence issu du droit de l'union européenne en droit administratif français.
: Didier[L 127] : Droit à un procès équitable et principe d'impartialité devant les autorités administratives indépendantes. Voir les conclusions[10] du commissaire du gouvernement Alain Seban à l'audience.
Depuis 2000
: Ministre de la défense c/ Diop[L 128] : La « cristallisation » du montant des pensions des ressortissants de pays anciennement sous souveraineté française est contraire à la CEDH.
: Association du Personnel Relevant des Établissements pour Inadaptés[L 129] (APREI) : Qualification d'un service public en fonction de l'intention du créateur du service (méthode du faisceau d'indices)
: Commune d'Annecy[L 130] : la Charte de l'environnement a une valeur constitutionnelle.
: Mme Perreux[CE 1] : Effet direct des directives communautaires, y compris à l'égard d'un acte administratif non réglementaire.
: Commune de Béziers[12] : L’assemblée du contentieux précise l’office du juge administratif lorsqu’il est saisi, par les parties à un contrat administratif, d’un recours de pleine juridiction contestant la validité ou les conditions d’exécution du contrat.
: Mme Cheriet-Benseghir[L 131] : revirement de la jurisprudence du CE Chevrol-Benkeddash de 1999 relatif au contrôle de réciprocité des conventions internationales : désormais, le juge administratif est seul compétent pour contrôler la réciprocité des conventions internationales, et n'a plus besoin de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du ministre des affaires étrangères.
: Commune de Valence[L 132] : Le maire ne peut se prévaloir du principe de précaution, relevant de la police spéciale de l'environnement pour justifier une mesure de police générale[13].
: M. Eduardo José Kandyrine de Brito Paiva : Le Conseil d'État a refusé d'assurer dans l'ordre juridique interne français la primauté des instruments généraux de protection des droits de l’homme sur les autres traités et accords internationaux.
: Cédric D. : Le Conseil d'État considère qu’une assignation à résidence crée en principe une situation d’urgence qui justifie l’intervention du juge à très bref délai.
: Société Fairvesta et Société Numericable : Ouverture du recours pour excès de pouvoir contre les actes de droit souple (avis, recommandations, mises en garde et prises de positions) des autorités de régulation, soit lorsque ces actes produisent des effets notables de nature économique, soit lorsqu’ils ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent.
: Czabaj : Le principe de sécurité juridique fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi que celui-ci a eu connaissance. Lorsque les délais de recours ne sont pas opposables, l’intéressé doit alors exercer son recours dans un délai raisonnable. Pour une décision expresse, ce délai, en règle générale et sauf circonstances particulières, ne saurait excéder un an à compter de la notification ou de la date à laquelle il est établi que l’intéressé en a eu connaissance.
: Jacob : Le Conseil d’État articule les procédures de la QPC et de la question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne
: Fédération de la libre pensée de Vendée : L'installation d'une crèche de Noël, à titre temporaire, à l'initiative d'une personne publique, dans un emplacement public, n'est légalement possible que lorsqu'elle présente un caractère culturel, artistique ou festif, sans exprimer la reconnaissance d'un culte ou marquer une préférence religieuse. Le Conseil d’État précise les éléments d’appréciation dont il convient de tenir compte et distingue, eu égard à l’importance du critère du lieu d’installation, les bâtiments publics des autres emplacements publics
: Fédération des finances et des affaires économiques de la CFDT : les vices de forme et de procédure ne sont plus opérants lors de la contestation d’un acte réglementaire par voie d’exception ou lors du recours contre le refus d’abroger un tel acte.
: arrêt Société Eden (le Conseil d'État consacre le « principe de l'économie des moyens » : le juge administratif n'est pas tenu d'examiner tous les moyens invoqués et peut se contenter de retenir le moyen le plus pertinent. Dans son arrêt, le Conseil d'État distingue deux cas : la combinaison de conclusions d'annulation et de conclusions d'injonction ; la hiérarchisation de conclusions principales et de conclusions subsidiaires).
: interruption des traitements de Vincent Lambert, Conseil d'État, ordonnance des référés.
Notes et références
Notes
↑extrait de l'arrêt Société Arcelor et autres (dit Arcelor) : « Considérant que si, aux termes de l'article 55 de la Constitution, " les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ", la suprématie ainsi conférée aux engagements internationaux ne saurait s'imposer, dans l'ordre interne, aux principes et dispositions à valeur constitutionnelle ; qu'eu égard aux dispositions de l'article 88-1 de la Constitution, selon lesquelles " la République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences ", dont découle une obligation constitutionnelle de transposition des directives, le contrôle de constitutionnalité des actes réglementaires assurant directement cette transposition est appelé à s'exercer selon des modalités particulières dans le cas où sont transposées des dispositions précises et inconditionnelles ; qu'alors, si le contrôle des règles de compétence et de procédure ne se trouve pas affecté, il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen tiré de la méconnaissance d'une disposition ou d'un principe de valeur constitutionnelle, de rechercher s'il existe une règle ou un principe général du droit communautaire qui, eu égard à sa nature et à sa portée, tel qu'il est interprété en l'état actuel de la jurisprudence du juge communautaire, garantit par son application l'effectivité du respect de la disposition ou du principe constitutionnel invoqué ; que, dans l'affirmative, il y a lieu pour le juge administratif, afin de s'assurer de la constitutionnalité du décret, de rechercher si la directive que ce décret transpose est conforme à cette règle ou à ce principe général du droit communautaire ; qu'il lui revient, en l'absence de difficulté sérieuse, d'écarter le moyen invoqué, ou, dans le cas contraire, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle, dans les conditions prévues par l'article 234 du Traité instituant la Communauté européenne ; qu'en revanche, s'il n'existe pas de règle ou de principe général du droit communautaire garantissant l'effectivité du respect de la disposition ou du principe constitutionnel invoqué, il revient au juge administratif d'examiner directement la constitutionnalité des dispositions réglementaires contestées ; »,
↑Considérant de principe de l'arrêt Association AC ! : « Considérant que l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; que, toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation ; qu'il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine ; »
↑Voir aussi 16 juillet 2007, Société « Tropic Travaux Signalisation ».
Jean-Claude Bonichot, Paul Cassia, Bernard Poujade, Les Grands Arrêts du contentieux administratif, Paris, Dalloz, , 1re éd., 1182 p. (ISBN978-2-247-07095-4)
Marceau Long, Prosper Weil, Guy Braibant, Pierre Delvolvé, Bruno Genevois, Les Grands Arrêts de la jurisprudence administrative, Paris, Dalloz, , 16e éd., 998 p. (ISBN978-2-247-07424-2)
Contentieux administratif
Bernard Asso, Frédéric Monera, avec la collaboration de Julia Hillairet et Alexandra Bousquet, Contentieux administratif, Levallois-Perret, Studyrama, , 463 p. (ISBN2-84472-870-7)
Guy Braibant, « Qu'est-ce qu'un grand arrêt ? », L'actualité juridique. Droit administratif, , p. 1428
« Actes du colloque du 29 novembre 2006 de l'Association Française pour la recherche en Droit Administratif (AFDA) sur le cinquantième anniversaire des Grands arrêts de la jurisprudence administrative », Revue française de droit administratif, no 2,