Il est un disciple du mathématicien Tommaso Ceva. Parmi ses ouvrages : Quaesita geometrica (1693), Logica demonstrativa (1697) et Neo-statica (1708). Mais c'est à sa dernière publication, datée de 1733 (l'année de sa mort), que Saccheri doit sa renommée : Euclides ab omni naevo vindicatus (Euclide lavé de toute tache). Parmi ses élèves : Luigi Guido Grandi[1].
Contribution
Peut-on se passer du cinquième postulat ?
Les quatre premiers postulats d'Euclide sont beaux, simples, « évidents ». Le cinquième postulat est complexe, d'énoncé long, d'apparence maladroite : « si une droite, tombant sur deux droites, fait les angles intérieurs du même côté plus petits que deux droits, ces droites, prolongées à l'infini, se rencontreront du côté où les angles sont plus petits que deux droits ». De plus, Euclide lui-même attend d'avoir à démontrer sa proposition 28 pour s'en servir. De là l'idée que ce postulat est de trop, qu'il est en fait démontrable (que c'est un théorème). C'est l'idée qu'eut Saccheri. D'autres l'ont eue également, mais chez Saccheri on semble très près de franchir le pas — qu'il ne franchit pas — vers les géométries non euclidiennes.
En 1733, Saccheri publia : Euclides ab omni naevo vindicatus (Euclide lavé de toute tache). Cette œuvre, tombée dans l'oubli, fut redécouverte au milieu du XIXe siècle par Eugenio Beltrami, qui a su y voir un moment important de l'histoire de la géométrie[2].
L'objectif de Saccheri était de prouver par l'absurde la validité des axiomes d'Euclide (on disait à cette époque « postulats d'Euclide »). Il cherchait à obtenir une contradiction en supposant la fausseté du postulat des parallèles. Il obtint des résultats bizarres, qui ont maintenant le statut de théorèmes de géométrie hyperbolique, tels que l'existence de triangles dont la somme des angles est inférieure à 180°.
Saccheri n'eut cependant pas l'audace de Lobatchevski. Il se garda d'approfondir le sujet et rejeta les résultats qu'il avait découverts, au motif qu'ils contredisaient le sens commun.
On ne sait pas si Saccheri a eu accès aux travaux d'Omar Khayyam[3], qui, six siècles plus tôt, avait fait des considérations analogues et obtenu des conclusions similaires. Ni à ceux de Thābit ibn Qurra, qui, encore plus tôt, avait aussi tenté de prouver le cinquième postulat à partir des quatre autres. Quoi qu'il en soit, les mathématiciens qui, dans la longue histoire des géométries non euclidiennes, se sont attaqués à cette tâche avant l'époque moderne n'ont pu sortir de leur stupéfaction devant l'ampleur du paradigme mis en cause.
Quadrilatère de Saccheri
Saccheri veut prouver par l'absurde le postulat des parallèles (ou cinquième postulat). Son point de départ est le quadrilatère birectangle isocèle, à savoir un quadrilatère avec deux côtés opposés congruents et tous les deux perpendiculaires à un seul des autres côtés. Saccheri introduit donc trois hypothèses sur les coins du quadrilatère opposés aux angles droits :
hypothèse des angles droits : les deux angles sont des angles droits ; cela équivaut à accepter le cinquième postulat ;
hypothèse des angles obtus : en contradiction avec le cinquième postulat, les deux angles intérieurs sont obtus ;
hypothèse des angles aigus : en contradiction avec le cinquième postulat, les deux angles intérieurs sont aigus.
L'idée de Saccheri est de réfuter les hypothèses de l'aigu et de l'obtus afin que seule l'hypothèse des angles droits soit possible.
Il réfute l'hypothèse des angles obtus en utilisant le deuxième postulat d'Euclide, admettant ainsi qu'un segment peut être prolongé indéfiniment en ligne droite. Si on renonce à la validité du deuxième postulat, on peut considérer même comme valide l'hypothèse des angles obtus : Riemann lui-même, travaillant sur ce point, en est venu à développer la théorie de la géométrie elliptique. Saccheri pour sa part conclut en disant que « l'hypothèse de l'angle obtus est complètement fausse, car elle se détruit elle-même. »
La réfutation de l'hypothèse des angles aigus par Saccheri est beaucoup plus faible. Il suppose que ce qui vaut pour un point à distance finie de la ligne droite devrait également valoir pour un point « à l'infini », mais cette hypothèse rend effectivement la réfutation inacceptable. Pas trop convaincu, semble-t-il, de sa démonstration, Saccheri la clôt ainsi : « L'hypothèse de l'aigu est absolument fausse, car elle répugne à la nature de la ligne droite. »
(it) Confermazione teologica : colla quale si prova che il vero pregio della veracità è l'innocenza della medesima nella sicura custodia de' segreti : ove rispondesi all'opera del p. lettore Orsi domenicano, 1729[6]
↑On entend parfois « quadrilatère de Khayyam-Saccheri ».
↑Pour le détail des éditions, voir Paolo Pagli, « Two unnoticed editions of Girolamo Saccheri's Logica demonstrativa », dans History and Philosophy of Logic, vol. 30, no 4, 2009, p. 331–340 — Résumé en ligne.