Gerhardt Hauptmann naît à Ober Salzbrunn dans l'arrondissement de Waldenburg, en province de Silésie. L'auteur est marqué toute sa vie par cette terre silésienne à laquelle il consacre la majeure partie de son œuvre. Issu d'une famille aisée dont le père est gérant d'hôtel, le jeune homme est envoyé chez un oncle à la campagne après des études secondaires au Realschule de Breslau. Mais Hauptmann retourne rapidement à Breslau afin d'y suivre un cursus artistique[2].
Hauptmann se consacre d'abord à la sculpture. Il se rend en Italie à Naples, après un long périple qui l'emmène de l'Espagne à la Suisse et qu'il décrira dans L'Aventure de ma jeunesse (Das Abenteuer meiner Jugend, 1937)[2]. Fasciné comme tout intellectuel allemand par le classicisme antique, il envisage à l'époque de se rendre en Grèce mais une maladie le ramène brusquement en Allemagne[2]. Il s'essaie ensuite, sans grande conviction, au domaine épico-poétique, puis au roman et à la nouvelle avec Le Garde-barrière Thiel (Bahnwärter Thiel, 1888). Il se tourne néanmoins rapidement vers l'écriture de pièces de théâtre influencées par Arno Holz et Johannes Schlaf, inspirateurs du naturalisme outre-Rhin[2].
Hauptmann reste, sa vie durant, fidèle à certaines caractéristiques de ce théâtre, telles l'impossibilité pour l'homme d'être maître de ses actions, l'étude du milieu, l'utilisation de dialectes et le choix de sujets plus ou moins pathologiques. La notion de déterminisme joue un rôle majeur dans ses pièces[3]. S'appuyant sur l'étude minutieuse du cadre de vie paysan, Avant le lever du soleil (Vor Sonnenaufgang, 1889) raconte le déchirement de plusieurs familles après la découverte de gisements de charbon sous leurs terres qui les enrichissent brusquement. Le dramaturge y démonte les mécanismes d'hérédité de classe, forgeant l'identité de l'individu et gouvernant ses relations à l'intérieur de son groupe social[2]. De fait, Avant le lever du soleil apparaît comme le premier grand drame naturaliste allemand.
Ses autres pièces confirment son intérêt pour le sort réservé aux classes défavorisées et aux milieux prolétaires[3]. Chaque année marque un nouveau succès pour le jeune auteur : Les Âmes solitaires (Einsame Menschen, 1890) expose le drame d'un homme isolé dans la bourgeoisie provinciale et Les Tisserands (Die Weber, 1892), son chef-d'œuvre, narre la destinée collective de tisserands silésiens. Dans ce drame de protestation sociale, la dramaturgie fait preuve d'une grande nouveauté dans la mesure où le rôle principal n'est pas dévolu à un individu mais à une collectivité, en l'occurrence la classe paysanne[3]. La pièce obtient à l'époque l'approbation de Léon Tolstoï, mais Hauptmann, qui ose porter sur scène des images de révolte, encourt la colère de Guillaume II, au point que plusieurs théâtres allemands n'osent plus montrer ses pièces[2].
Après Florian Geyer (1895) et une comédie de mœurs, La Peau de castor (Der Biberpelz, 1893), satire des dirigeants prussiens de l'Empire, Hauptmann s'éloigne peu à peu du théâtre naturaliste. Bien que L'Assomption de Hannele(de) (Hanneles Himmelfahrt, 1893) reste ancrée dans la thématique sociale, le style, plus poétique, traduit une évolution vers le symbolisme. Cette orientation est confirmée par la pièce en vers La Cloche engloutie (Die versunkene Glocke, 1897), fantaisie sur les combats d’un artiste. Cette œuvre en rupture, qui frôle le mysticisme, vaut à Hauptmann une renommée internationale et inspire plusieurs transpositions en musique[3]. L'auteur revient pourtant, l'année suivante, au drame réaliste avec Le Voiturier Henschel (Fuhrmann Henschel, 1898), qui s'intéresse aux inégalités sociales et à la corruption morale des individus. Rose Bernd (1903) conte le destin tragique d'êtres victimes de leurs défauts.
Son talent est de nouveau consacré en 1932 par le Prix Goethe.
Silésien, Hauptmann fut un sympathisant nazi, ami de Hans Frank et inscrit sur la Gottbegnadeten-Liste avant de préparer également, dans le plus grand secret, un drame antinazi : Les Ténèbres (Aus der Finsternis, 1943)[2]. Dans les dernières années de sa vie, l'auteur manifeste un nouvel intérêt pour le théâtre grec et élabore une Tétralogie des Atrides (Atriden-Tetralogie, 1941-1945) dans laquelle le mythe des familles antiques prend une nouvelle résonance. Il y traite de la question du destin et du libre-arbitre.
Outre une abondante production théâtrale, Gerhart Hauptmann est également l'auteur de recueils de poèmes en prose et en vers où il traite d'événements de sa vie personnelle tels l'échec de son premier mariage ou sa seconde expérience conjugale. On lui doit quelques romans comme Le Mécréant de Soanna (Der Ketzer von Soana, 1918) et Wickelmann (roman inachevé paru à titre posthume en 1954), ainsi que des poèmes épiques comme Le Grand Rêve (Der Grosse Traum, 1942), qui prend pour modèle la Divine Comédie de Dante[2].
Hauptmann connaît le sort réservé aux Silésiens après la Seconde Guerre mondiale mais peut mourir sur la terre dont il a chanté les drames et les multiples destins. Son œuvre et sa dépouille ont été transférées, non sans mal, dans la partie allemande occidentale. Il repose actuellement à Hiddensee, vêtu d'une robe de bure franciscaine acquise lors de son voyage en Italie, un sachet de terre silésienne sur la poitrine[2].Sa dernière pièce, Hebert Enckelmann, n'est représentée qu'en 1950, après sa mort.
Publié en français sous le titre Âmes solitaires, drame en cinq actes, trad. d'Alexandre Cohen, Paris, L. Grasillier, 1894
Publié dans une nouvelle traduction de Jörn Cambreleng sous le tire Âmes solitaire, Éditions Théâtrales, coll. « Des classiques », 2002
Die Weber, 1892
Publié en français sous le titre Les Tisserands, drame en cinq actes, trad. de Jean Thorel, Paris, Charpentier et E. Fasquelle, 1893 ; réédition, Paris, Fasquelle, 1914
Der Biberpelz, 1893
Publié en français sous le titre La Peau de castor: comédie de voleurs, dans Œuvres choisies, tome I, trad. de Jean-Pierre Lefebvre, Paris, Éditions Théâtrales, coll. « Scènes étrangères », 2002
Hanneles Himmelfahrt, 1893
Publié en français sous le titre L'Assomption de Hannele Mattern, drame de rêve en deux parties, trad. de Jean Thorel, Paris, Plon, 1894
Die versunkene Glocke, 1897
Publié en français sous le titre La Cloche engloutie : conte dramatique en 5 actes, trad. d'André-Ferdinand Hérold, Paris, Société du Mercure de France, 1897
Fuhrmann Henschel, 1898
Publié en français sous le titre Le Voiturier Henschel, pièce en cinq actes, trad. de Jean Thorel, Paris, Plon, 1901
Michael Kramer, 1900
Publié en français sous le titre Michael Kramer, pièce en quatre actes, trad. de Sébastien Voirol, Paris, E. Sansot, 1913
Der rote Hahn, 1901
Der arme Heinrich, 1902
Rose Bernd, 1903
Publié en français sous le titre Pauvre Fille, pièce en cinq actes, trad. de Jean Thorel, Paris, Librairie Molière, 1905
Griselda, 1909
Der Narr in Christo Emanuel Quint, 1910
Die Ratten, 1911
Publié en français sous le titre Les Rats, tragi-comédie berlinoise, trad. de Jeanne Pailler, Albi, Presses du Centre universitaire Champollion, 2010
Atlantis, 1912
Publié en français sous le titre Atlantis, roman, trad. de René Lasne, Paris, Flammarion, coll. « La Rose des vents », 1952
Gabriel Schillings Flucht, 1912
Publié en français sous le titre La Fuite de Gabriel Schillings, pièce en cinq actes, trad. de Betty Ségal, Paris, Revue de Paris, 1913
Winterballade, 1917
Der Ketzer von Soana, 1918
Publié en français sous le titre La Mécréant de Soana, roman, trad. de René Guignard, Paris, Aubier, 1933 ; réédition, Paris, Presses du Compagnonnage, « Collection des Prix Nobel de littérature », 1961
Anna, 1921
Die Insel der großen Mutter oder Das Wunder von Île des Dames, 1925
Fasching, illustré par Alfred Kubin, Berlin, S. Fischer, 1925.
Des großen Kampffliegers, Landfahrers, Gauklers und Magiers Till Eulenspiegel Abenteuer, 1928
Wanda, 1928
Ährenlese, 1929
Vor Sonnenuntergang, 1932
Die Abenteuer meiner Jugend, 1937 (autobiographie)
Wolfgang de Bruyn(de), Antje Johanning, Verein zur Förderung der Gerhart-Hauptmann-Häuser e. V. (Hrsg.):
Christian Büttrich(de): Gerhart Hauptmanns „Till Eulenspiegel“. Mythologie und mythische Bildlichkeit. Verlag Hahn, Hannover 1992, (ISBN3-7752-5500-1) (zugl. Dissertation FU Berlin 1972).
Hans Daiber(de): Gerhart Hauptmann oder Der letzte Klassiker. Molden, Wien 1971.
Joseph Gregor: Gerhart Hauptmann. Das Werk und unsere Zeit. Diana-Verlag, Wien 1952 (Nachdruck der Ausgabe Wien 1944).
Karl S. Guthke(de): Gerhart Hauptmann. Weltbild im Werk. 2., vollständig überarbeitete und erweiterte Auflage. Fink, München 1980 (ISBN3-7720-1292-2).
Heiko Postma: Ein Großklassiker a. D.? Über den Dramatiker, Erzähler und Vers-Epiker Gerhart Hauptmann. jmb, Hannover 2009, (ISBN978-3-940970-11-4).
Paul Schlenther(de): Gerhart Hauptmann. Leben und Werke. Fischer, Berlin 1897.
Joachim Seyppel(de): Gerhart Hauptmann (Köpfe des 20. Jahrhunderts; 121). Überarbeitete Neuauflage. Morgenbuch-Verlag, Berlin 1993 (ISBN3-371-00378-7).
Peter Sprengel: Der Dichter stand auf hoher Küste. Gerhart Hauptmann im Dritten Reich. Berlin 2009 (ISBN978-3-549-07311-7).
Peter Sprengel: Gerhart Hauptmann : Bürgerlichkeit und großer Traum; eine Biographie, München: Beck, 2012 (ISBN978-3-406-64045-2)
Kurt Lothar Tank: Gerhart Hauptmann. Mit Selbstzeugnissen und Bilddokumenten. Rowohlt, Hamburg 1959, in 28. Auflage erhältlich (Verlagsort Reinbek) (ISBN3-499-50027-2).
↑ abcdefgh et iArticle de Rodolfo Paoli consacré à Gerhart Hauptmann inLe Nouveau Dictionnaire des auteurs, de tous les temps et de tous les pays, édition Laffont-Bompiani, 1994, Paris, volume 1, pages 1395-1396.
(en) Autobiographie sur le site de la fondation Nobel (le bandeau sur la page comprend plusieurs liens relatifs à la remise du prix, dont un document rédigé par la personne lauréate — le Nobel Lecture — qui détaille ses apports)