Gerhard Johann David von Scharnhorst (né le à Bordenau, aujourd’hui un quartier de Neustadt am Rübenberge dans le Hanovre ; mort le à Prague) est un général prussien. Avec le comte August von Gneisenau, il réforma de façon décisive l’armée prussienne en instituant notamment une armée de réserve, qui augmentait notablement l’effectif potentiellement mobilisable. Il abolit en 1807 les châtiments corporels dans l’armée.
Biographie
Débuts dans l’armée de Hanovre
Gerhard Scharnhorst était le fils du maréchal des logis Ernst-Wilhelm Scharnhorst, lui-même issu d'une vieille famille(de) paysanne de Bordenau, et de Wilhelmine Tegtmeyer, fille d’un propriétaire foncier de ce village. Le père de Scharnhorst avait dû mener un procès en succession pour que sa femme hérite des terres de ses parents. La partie adverse était formée de membres de la puissante assemblée provinciale du pays de Calenberg-Grubenhagen. Les terres de Bordenau étaient anoblissantes jusqu’au XVIIe siècle, mais par la suite elles ne furent plus qu’un bien foncier, de maigre rapport au demeurant. Pour les officiers de la Garde royale de Prusse, l’héritage de Scharnhorst (qui ne fut anobli qu’en 1804), était un sujet de plaisanterie.
À la tête d’un escadron de cavalerie, il combattit au cours de la Première Coalition de 1793 à 1795 dans les Flandres et les Pays-Bas aux côtés des forces coalisées, et joua un rôle notable dans la défense de Menin.
Au service de la Prusse
Promu lieutenant-colonel en 1796 à la fin des hostilités et chargé dès lors de tâches administratives, il s’engage en 1801 dans l’armée prussienne, où il est versé dans l’artillerie en conservant le bénéfice de son grade. Nommé directeur de l’École des cadets d'Infanterie et de cavalerie, son enseignement eut une influence durable dans l'armée prussienne.
Il crée en 1802 la Société militaire de Berlin, vouée à promouvoir une réforme en profondeur de l'armée. Le général Ernst von Rüchel en est le premier président. Anobli en 1804 et promu colonel, von Scharnhorst devient en 1806 chef d’état-major du général von Rüchel, et est affecté ensuite à l'état-major du duc de Brunswick. Il y croise et remarque le déjà brillant intellect de Carl von Clausewitz et devient son mentor.
Malgré une blessure au côté gauche reçue à la bataille d'Iéna, il parvient à se joindre à la retraite du général Blücher vers Lübeck. Fait prisonnier avec Blücher, mais bientôt échangé contre des officiers français en même temps que lui, il prend part à la bataille d'Eylau avec le grade de commandant du train dans le corps de cavalerie du général Anton Wilhelm von L'Estocq.
Après la paix de Tilsit, en , il est nommé chef du Département de la Guerre, chef d'État-major et membre de la Commission de réforme de l'Armée. De concert avec Gneisenau et Boyen, il réorganise l’appareil militaire de fond en comble[1] : il fait renvoyer les officiers incompétents, supprime les sergents-recruteurs. Il constitue une armée de réserve importante à l’insu des autorités d’occupation française[Note 1] en accélérant au maximum la formation des volontaires (mesure dite du Krümpersystem). En substituant à l’ancienne armée de mercenaires une armée de citoyens volontaires, davantage portés au patriotisme et de mœurs mieux réglées, Scharnhorst préparait la mobilisation d’une armée nationale et la reconquête des territoires allemands. Il fonde l'académie de guerre de Prusse à Berlin en 1810.
Renversement d'alliances
À la demande des autorités françaises, il fut contraint de démissionner « pour la forme » du cabinet de la Guerre en , mais n’en demeura pas moins chef d’État-major et employa le reste de ses loisirs à organiser un corps de sapeurs.
Lorsqu’au début de 1813 les forces russes, poursuivant les débris de la Grande Armée, atteignirent les marches de Silésie, Scharnhorst organisa audacieusement le soulèvement de la Prusse, et le il assistait à Kalisch à la conclusion d’un traité d’alliance avec la Russie[Note 2]. Il proposa au roi de Prusse l’institution de l’Ordre de la Croix de fer et lorsque la guerre avec la France éclata, il était général de l’armée de Silésie, sous les ordres du général en chef prussien Blücher, avec lequel il partageait le crédo de l’attaque.
Scharnhorst fut blessé d’une balle au genou à la bataille de Lützen (), et faute de soins mourut de gangrène deux mois plus tard à Prague, alors qu’il était en route pour Vienne, afin de tenter de rallier l’Autriche à la coalition. Son corps fut inhumé au Cimetière des Invalides à Berlin. Le sculpteur Friedrich Tieck réalisa un monument pour son tombeau. Le roi Frédéric-Guillaume demanda en 1822 à Rauch de dresser sa statue en face de la Garde Royale à Berlin. Un autre monument lui est dédié en face de sa maison natale, à Bordenau.
Son œuvre réformatrice sera poursuivie par un officier qu'il avait lui-même formé, Job von Witzleben.
Œuvres
Handbuch für Offiziere in den angewandten Teilen der Kriegswissenschaften. 3 vol., Hanovre, 1787–90; nouvelle édition augmentée par Hoyer, 1817–20.
G. von Scharnhorst (trad. M. A. Fourcy), Traité sur l'artillerie [« Handbuch der Artillerie »], Hanovre, J. Corréard, (réimpr. 1806, 1814 ; 1840, Paris pour l'éd. en français), 284 + 160 p. de tables numériques
Militärisches Taschenbuch zum Gebrauch im Felde. Avec une présentation d’Ulrich Marwedel, réimpression de la 3e éd. de 1794, Osnabrück: Biblio Verlag, 1980 (=Bibliotheca Rerum Militarium, XXXI), (ISBN3-7648-0841-1).
Über die Wirkung des Feuergewehrs. Für die Königl. Preußischen Kriegs-Schulen. Réimpression de l'édition de 1813, avec une introduction de Werner Hahlweg, Osnabrück: Biblio Verlag, 1973 (=Bibliotheca Rerum Militarium, XXVI), (ISBN3-7648-0181-6).
(de) Ausgewählte Schriften, Osnabrück, 1983, coll. « Bibliotheca Rerum Militarium, vol. XLIX », (réimpr. Introduction d’Ursula von Gersdorff), 520 p. (ISBN978-3-7648-1273-7 et 3-7648-1273-7).
(de) Ausgewählte militärische Schriften, Berlin, Militärverlag der DDR, (réimpr. 1re édition), 1re éd. (ISBN978-3-327-00024-3 et 3-32700-024-7).
Postérité
Le fils aîné de Scharnhorst, Wilhelm von Scharnhorst (1786-1854), fut inspecteur d’artillerie à Stettin et Coblence, commanda l’artillerie en 1849 contre les insurgés en Bade et après la reddition de Rastatt fut nommé commandant de cette forteresse. Il prit sa retraite en 1850 avec le grade de général d’infanterie et mourut le à Bad Ems. Il avait épousé Agnès von Gneisenau. La lignée des Scharnhorst s’éteignit avec la mort de leur fils unique, August von Scharnhorst, décédé le alors qu’il commandait la place de Pillau.
La fille de Gerhard von Scharhorst, Julie, qui avait épousé le comte Friedrich zu Dohna-Schlobitten en 1809, compte en revanche plusieurs descendants.
Il y avait aussi à Dortmund une société minière Scharnhorst ; par ailleurs, un quartier de la ville porte ce nom. L’Allemagne de l’Est avait institué une décoration militaire appelée « l’ordre de Scharnhorst ».
Lorsque la Bundeswehr est créée en 1955, la date du est intentionnellement retenue, en l'honneur des deux cents ans de la naissance du général Scharnhorst. La célébration des deux cent cinquante ans de sa naissance, et celle des cinquante ans de la Bundeswehr ont eu lieu le dans sa ville natale de Bordenau : au cours de la cérémonie, les nouvelles recrues de la Bundeswehr ont prêté serment.
↑Le traité de Tilsit interdisait à la Prusse de lever une armée sans l'autorisation de Napoléon, et de limiter ses effectifs à 42 000 hommes.
↑S’il n'y a aucun doute que Scharnhorst avait recommandé de signer un traité d’alliance avec la Russie et était favorable à l’institution de la Croix de fer, il est exagéré de voir en lui le principal artisan de ces décisions. La conclusion du traité de Kalisch le est essentiellement l’œuvre du chancelier von Hardenberg.
Andreas Broicher(de): Gerhard von Scharnhorst. Soldat – Reformer – Wegbereiter. Aachen: Helios-Verlag, 2005, (ISBN3-938208-20-1). Mit 85 Abbildungen.
Olaf Jessen: Preußens Napoleon? Ernst von Rüchel (1754–1823) Krieg im Zeitalter der Vernunft. Paderborn u. a.: Schöningh Verlag, 2006, (ISBN3-506-75699-0).
Ralph Thiele: Gerhard von Scharnhorst. Zur Identität der Bundeswehr in der Transformation. Bonn: Bernard & Graefe Verlag, 2006, (ISBN3-7637-6261-2).
Michael Sikora(de): Scharnhorst, Lehrer, Stabsoffizier, Reformer. In: Karl-Heinz Lutz, Martin Rink(de), Marcus von Salisch (Hrsg.): Reform, Reorganisation, Transformation. Zum Wandel in den deutschen Streitkräften von den preußischen Heeresreformen bis zur Transformation der Bundeswehr. Im Auftrag des Militärgeschichtlichen Forschungsamtes, Oldenbourg, München 2010, (ISBN978-3-486-59714-1), S. 43–64.
Heinz Stübig(de): Gerhard von Scharnhorst – preußischer General und Heeresreformer. Studien zu seiner Biographie und Rezeption. Lit, Berlin 2009, (ISBN978-3-643-10255-3).