La création de la collection remonte à la première moitié du XVIe siècle. C'est le prince-électeur de SaxeAuguste Ier qui fonde en 1560 la Kunstkammer (« Cabinet d'art »), qui rassemblait toute sorte d'objets, dont des tableaux. Mais c'est surtout entre la fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe siècle, en une cinquantaine d'années, que les acquisitions d'Auguste le Fort et celles, encore plus nombreuses, de son fils Auguste III firent de la Galerie des peintures de Dresde l'une des plus célèbres d'Europe et une référence en matière de collection princière[1]. Ainsi, l'objectif affiché par Caroline-Louise (1723-1783), épouse de Charles Ier de Bade, pour son cabinet de Karlsruhe, est de le rendre « supérieur à celui de Dresde »[2]. La collection du prince Électeur de Saxe contribua ainsi à faire de Dresde une étape privilégiée des voyageurs européens du Grand Tour : l'un d'entre eux, en 1709, écrit ainsi que la Galerie « réunit ce que l'on ne trouve que disséminé dans toute l'Europe, même si c'est en plus grande quantité »[3].
Sous Auguste le Fort, la collection de peinture grandit et dut être séparée des autres objets pour être finalement placée au château de la Résidence (Residenzschloss). Puis, sous Auguste III, la Collection élut domicile dans le bâtiment des écuries royales, place du Nouveau Marché, à l'issue de récentes acquisitions du roi. En effet, celui-ci avait acheté en 1745 une centaine de toiles issues de la collection du duc de Modène. La pièce maîtresse de sa collection, La Madone Sixtine, fut acquise en 1754. Par la suite, les finances royales imposèrent un sérieux ralentissement des acquisitions.
Auguste II le Fort et Auguste III accordaient une importance extrême aux acquisitions d'œuvres. En effet, ils espéraient par ce biais hisser leur État au niveau de prestige des principales puissances européennes[4]. Le premier ministre lui-même, Heinrich von Brühl, aidé par son secrétaire Karl-Heinrich von Heineken, se chargeait de procéder aux acquisitions. Un réseau de peintres, marchands d'art et diplomates permettaient aux chefs-d'œuvre en provenance de toute l'Europe de venir compléter la collection. L'un de ces intermédiaires les plus actifs à cette époque reste Carl Heinrich von Heineken[5].
Entre 1751 et 1753, sont imprimés deux recueils contenant les traductions en gravures des 100 plus célèbres tableaux de la collection royale, travail coordonné par Noël Le Mire, Charles Eisen et Charles-François Hutin[6],[7].
Au XIXe siècle, un bâtiment à la hauteur de la collection
Le « Semperbau », l'aile du Zwinger où se trouve encore aujourd'hui la Gemäldegalerie Alte Meister, est mis en chantier en 1847 d'après les plans de Gottfried Semper. Il est ouvert au public le . Le besoin d'un édifice correspondant à la taille de la collection et aux exigences du XIXe siècle se faisait ressentir depuis le début du XIXe siècle et était devenue affaire d'État.
Durant les années 1820, 1830 et 1840, adviennent de nombreuses éditions de catalogue. Dans une nouvelle édition du catalogue consacré à la Galerie établi à partir de 1856, Julius Hübner écrit : « Dans des salles attrayantes, dignes d'un véritable palais des arts, le nouveau musée présente sa collection de tableaux mondialement célèbre aux visiteurs qui, sitôt le seuil franchi, sont saisis par le caractère solennel des lieux. (...) Les chefs-d'œuvre de maîtres immortels, de toutes les écoles et de toutes les époques, présentés sous un jour nouveau, brillent et resplendissent doublement sous le regard enchanté des visiteurs »[8].
Une collection ballotée par les guerres du XXe siècle
En 1937, sous le régime nazi, le département des peintures modernes, séparé des autres peintures depuis 1916 à cause de la taille de la collection, se voit privé de chefs-d'œuvre déclarés « art dégénéré ». Avant même le début de la guerre, la Galerie doit fermer ses portes, en 1938.
À partir de 1942, les attaques aériennes, nombreuses et s'intensifiant, les tableaux doivent être évacués. Ils sont mis à l'abri dans des endroits sûrs et éloignés de la ville, comme par exemple, le tunnel de Cotta des grésières de Rottenwerndorf ou dans les mines de calcaire de Pockau-Lengefeld.
Le , Dresde est bombardée par les Alliés américains et britanniques, et une partie de la Galerie n'y échappe pas. Mais c'est l'Armée rouge qui en profita : lorsqu'elle entra dans la ville, des "Commissions chargées des trophées" furent chargées de sélectionner des œuvres que l'armée a ensuite confisquées. On les croyait perdues pour toujours et un musée central avec ce qu'il en restait fut établi dans le château de Pillnitz, épargné par les bombes.
En 1955 une nouvelle parvint : l'URSS décidait de rendre les œuvres « empruntées » à la ville de Dresde. Des expositions de la collection furent organisées à Moscou puis à Berlin avant de retrouver définitivement Dresde et son public dans un nouvel écrin, puisque la Galerie subit de grands travaux de reconstruction afin de pouvoir accueillir ces œuvres.
La galerie attire des centaines de milliers de personnes par an (569 583 visiteurs en 2011)[9].
Le bâtiment a été profondément restauré pour la dernière fois en 1992.
Elle accueille parfois des expositions temporaires, notamment l'exposition Le Jeune Vermeer en 2010, qui regroupait notamment quatre tableaux du maître aux 36 œuvres seulement. Mais d'autres expositions de peintres de renom y ont été organisées, dernièrement sur Titien, Giambattista Pittoni (Morte di Agrippina) ou encore Canaletto.
Notes et références
↑Charlotte Guichard, « Les circulations artistiques en Europe (années 1680-années 1780) », in Pierre-Yves Beaurepaire et Pierrick Pourchasse (dir) Les circulations internationales en Europe, années 1680-années 1780, Presses Universitaires de Rennes, 2010, p. 394.
↑citée par Charlotte Guichard, « Les circulations artistiques en Europe (années 1680-années 1780) », in Pierre-Yves Beaurepaire et Pierrick Pourchasse (dir) Les circulations internationales en Europe, années 1680-années 1780, Presses Universitaires de Rennes, 2010, p. 393-394.
↑cité par Charlotte Guichard, « Les circulations artistiques en Europe (années 1680-années 1780) », in Pierre-Yves Beaurepaire et Pierrick Pourchasse (dir) Les circulations internationales en Europe, années 1680-années 1780, Presses Universitaires de Rennes, 2010, p. 393.
↑Thomas Gaehtgens, L'image des collections en Europe au XVIIIe siècle, Paris, Collège de France, 1999, p. 29.
↑(de) Christian Dittrich, « Heinecken und Mariette. Eine Untersuchung zur Erwerbungspolitik des Dresdener Kupferstich-Kabinettes im zweiten Drittel des 18. Jahrhunderts », in: Jahrbuch der Staatlichen Kunstsammlungen Dresden, 1981, p. 43–66.