Né en 1860 à Rogny-les-Sept-Écluses (Yonne), Gaston Gauthier exerce la profession d’instituteur, comme, avant lui, son père, son grand-père et sept autres membres de la famille. Après une scolarité primaire à Saint-Fargeau et des études à Auxerre, il rejoint son premier poste d'enseignant le à Fourchambault (Nièvre). C’est d’ailleurs dans ce même département qu'il va effectuer toute sa carrière, notamment à Beaumont-la-Ferrière (où il séjourne 5 ans) et à Champvert (où il passe 8 ans). C’est également dans la Nièvre qu’il se marie, en 1887[3]. Décrit par un de ses inspecteurs comme un maître actif et zélé et comme un homme robuste bien que petit, Gaston Gauthier connaît pourtant des soucis de santé qui l’amènent à demander sa mise à la retraite anticipée. Il est vrai qu’il a, notamment à Champvert, des conditions de travail difficiles, avec des classes comptant de 65 à 72 élèves.
Mais le contexte politique n'est sans doute pas étranger à cette volonté de quitter l'enseignement avant l'heure. À l'époque, la querelle scolaire et, plus généralement, politique est vive dans le pays. Les lois instituant l'école publique gratuite, laïque et obligatoire datent des années 1881-1882. Malgré certaines dispositions conciliatoires, elles se heurtent à des résistances, venues des milieux conservateurs et cléricaux, notamment dans les campagnes. Gaston Gauthier est alors un jeune instituteur. Contrairement à bon nombre de ses collègues, on croit comprendre, à la lecture de son dossier, qu'il n'a pas de sympathies particulières pour la cause républicaine. En tout cas, il va connaître, tout au long de sa carrière, des difficultés, qu'on peut qualifier de politiques, tant avec certains parents d’élèves qu’avec sa hiérarchie. À Beaumont-la-Ferrière comme à Champvert, une partie des habitants lui reprochent sa proximité d'opinion avec le maire, son hostilité au gouvernement, bref : ses sentiments réactionnaires. Des parents l'accusent de négliger sa classe « pour aller donner des leçons aux enfants de bourgeois ». Gaston Gauthier, très affecté par ces mises en cause, se défend vigoureusement dans les nombreux courriers qu’il adresse à ses supérieurs. En 1903, le ministère dispose d’un contingent de Palmes académiques à distribuer aux instituteurs s’étant distingués par des travaux historiques - ce qui est indéniablement son cas. Gaston Gauthier est convaincu que c’est à cause des attaques dont il a été l'objet que son nom n'est pas retenu[4].
À 45 ans, il quitte donc l’enseignement. On le retrouve ensuite à Nevers, conservateur adjoint à la bibliothèque municipale jusqu'à sa mort, survenue dans cette même ville le [5]. Il a alors 51 ans[6].
Travaux d’érudition
C’est en classant les archives communales de Beaumont-la-Ferrière, où il est instituteur, que l’idée vient à Gaston Gauthier de rédiger une monographie de sa commune d’exercice. Peut-être veut-il ainsi répondre à l’injonction du ministère de l’Instruction publique, qui, dans les années 1880-1890, à l'approche du centenaire de la Révolution, incite les instituteurs à mener des travaux d’érudition locale. Le ministère entend ainsi œuvrer, à grand renfort de conférences, concours et autres expositions, à la mobilisation de ses troupes et à une meilleure acceptation de l'école, à laquelle on reproche souvent, entre autres griefs, de favoriser l'exode rural. Sans doute s'agit-il aussi de ne pas laisser le champ libre à l'initiative de certains évêques, invitant, à la même époque, les curés à se faire les historiens de leur paroisse.
Initialement, Gaston Gauthier ne prévoit qu’une brève notice, destinée aux élèves de l’école communale. Quatre ans plus tard, il livre, finalement, une somme de plus de 250 pages. Ce travail considérable lui vaut une médaille d’argent à l’Exposition universelle de Paris de 1889[7], où il semble avoir été le seul représentant de la Nièvre dans sa catégorie. Travail considérable, d'un rare intérêt, recommandé tout spécialement au Ministère., peut-on lire dans le rapport du jury[8].
Tout au long de ses travaux de recherches, Gaston Gauthier rencontre le soutien des autorités locales et régionales, ainsi que de la Société nivernaise des lettres, sciences et arts. Mais c’est avant tout aux encouragements de son voisin et mentor, le poète nivernais Achille Millien, qu’il attribue l’accomplissement de son projet. La monographie de Beaumont-la-Ferrière, dont Achille Millien est le plus illustre habitant, lui est d’ailleurs dédiée. La rencontre entre les deux hommes a donc été déterminante pour le jeune instituteur. Sa voie est désormais tracée. Au hasard de ses nominations, il consacre dès lors l’essentiel de ses loisirs à des travaux d’histoire locale. À Champvert, par exemple, il mène les fouilles qui aboutissent à la mise au jour d’une importante villa gallo-romaine située à l’ouest du bourg. Au total, Gaston Gauthier est l’auteur d’une quarantaine de publications, dont la Monographie de Beaumont-la-Ferrière (1892) et un précis, encore fort utile aujourd'hui, des anciennes mesures du Nivernais (1904).
En 1890, il adhère à la Société nivernaise des lettres, sciences et arts. Il en devient le secrétaire adjoint en 1893 et la représente à l’occasion de divers congrès. Cet engagement lui sera parfois reproché, la Société nivernaise ayant mauvaise presse dans les milieux républicains. Gaston Gauthier est également membre correspondant de plusieurs autres sociétés savantes, dont la Société des sciences historiques et naturelles de l’Yonne, la Société des antiquaires de France[9] et la Société éduenne des lettres, sciences et arts. Enfin, il collabore régulièrement à la Revue du Nivernais d’Achille Millien - notre guide et notre soutien, écrit-il à son sujet -, laquelle publie une vingtaine d’articles signés de son nom.
Portrait
On ne connaît à ce jour qu’une seule photo de Gaston Gauthier[10], datant certainement de la dernière décennie du XIXe siècle. De facture académique, elle représente un personnage jeune et élégant, au crâne prématurément dégarni, aux fines besicles et aux moustaches tombantes. Une plume à la main, le regard droit, l’homme est assis à sa table de travail, sur laquelle on croit distinguer le manuscrit de son œuvre principale : la monographie de Beaumont-la-Ferrière.
↑Le 3 octobre 1911, une messe de quarantaine sera dite pour le repos de son âme dans une quinzaine d’églises nivernaises, dont celle de Beaumont-la-Ferrière (Journal du Centre, 5 novembre 2012).
↑Pour l'essentiel, les renseignements figurant dans le présent article sont extraits de la Notice personnelle de Gaston Gauthier (Archives départementales de la Nièvre, 1 T 699).
↑Monographie de Beaumont-la-Ferrière, Gallica, Vue n° 1.
↑Exposition universelle de 1889 à Paris. Rapports du jury international publiés sous la direction d'Alfred Picard.
↑François Ploux, Une mémoire de papier. Les historiens de village et le culte des petites patries rurales (1830-1930), Presses universitaires de Rennes, 2011.