La formule de Weizsäcker, appelée aussi formule de Bethe-Weizsäcker, est une formule semi-empirique donnant une valeur approximative de l'énergie de liaison nucléaireB caractérisant la liaison entre les nucléons qui constituent le noyau des atomes (voir un résumé dans Modèle de la goutte liquide).
Dans le terme coulombien, est souvent remplacé par [11],[13],[21] car [22].
Dans certaines formules, le terme d'appariement varie en plutôt qu'en [23].
Les valeurs des constantes utilisées sont (en MeV) :
av = 15,56
as = 17,23
ac = 0,7
aa = 23,6
ap = 11,2
Il existe différents jeux de paramètres pour la formule de Weizsäcker. Le choix du jeu de paramètres se définit en fonction des noyaux étudiés. Ainsi certains jeux de paramètres donneront des énergies de liaison plus précises pour les noyaux stables tandis que d'autres jeux donneront des résultats plus satisfaisant pour les noyaux exotiques.
Cette formule permet d'expliquer avec une bonne approximation la courbe d'Aston (ci-contre), qui représente l'énergie de liaison par nucléon en fonction du nombre de nucléons dans le noyau. C'est une courbe expérimentale car chaque énergie de liaison y est calculée à partir de la masse du noyau atomique mesurée par spectrométrie de masse.
Explication des différents termes
La formule de Bethe-Weizsäcker fait apparaitre cinq termes :
Pour expliquer ces différents termes, il faut supposer que le noyau est sphérique, de rayon . Et comme il est compact (son volume est proportionnel au nombre de nucléons A), alors est proportionnel à .
Énergie de volume
Pour expliquer le premier terme, on peut utiliser une analogie avec un gaz parfait pour lequel l'énergie interne est proportionnelle au nombre de particules constituant le gaz. Ainsi, on pose que cette énergie de volume est proportionnelle à A. Elle permet d'expliquer les forces nucléaires de courtes portées, et la saturation des forces nucléaires : .
Énergie de surface
La notion de tension de surface (ou superficielle) d'une goutte liquide peut être utilisée pour interpréter le second terme. Intuitivement, les nucléons à la surface du noyau sont en contact avec moins de nucléons que ceux du centre, l'énergie de liaison en est donc diminuée, à l'instar (sans que ce soit le même phénomène physique en jeu) de ce qu'il se passe à une interface liquide/gaz telle qu'une goutte d'eau dans l'air.
En introduisant comme le second terme de la formule, on prouve, en première approximation, que la surface du noyau est proportionnelle à .
Pour cela, on approxime que le volume du noyau est proportionnel au nombre de nucléons. Il s'agit d'une approximation courante[24] :
Avec le rayon moyen d'un nucléon.
La surface d'une sphère de rayon étant , en remplaçant par son approximation, on obtient : D'où,
Répulsion électrostatique
Les protons étant tous chargés positivement, ils se repoussent mutuellement. Cela participe à diminuer l'énergie de liaison par un terme de répulsion électrostatique . Dans une approximation grossière, le noyau peut être considéré comme une sphère avec une densité de charge uniforme. L'énergie potentielle d'une telle distribution de charge est donnée par :
où est la charge totale, le rayon de la sphère. En identifiant à et en prenant le rayon proportionnel à , on obtient la forme du terme coulombien. Cependant, la répulsion coulombienne n'existe que lorsqu'il y a plus d'un proton ce qui induit que devient . La valeur de peut être calculée approximativement en utilisant l'équation ci-dessus :
L'énergie potentielle de la distribution de charge est donc :
La constante du terme de répulsion électrostatique est :
où est la constante de structure fine, , le rayon du noyau avec qui vaut approximativement 1,25 femtomètres. Cela donne une valeur théorique de de 0,691 MeV ce qui est peu éloigné des valeurs mesurées.
Énergie d'asymétrie
La répulsion électrostatique étant en compétition avec l'interaction forte pour stabiliser le noyau, les noyaux lourds ont besoin d'un surplus de neutrons afin que cette interaction forte contrebalance l'effet de la répulsion électrostatique. Il y a donc une asymétrie du nombre de neutrons par rapport au nombre de protons. Cela n'a, a priori, aucun autre effet sur l'énergie de liaison que ceux qui ont été étudiés plus haut. En réalité, un effet quantique va jouer un rôle : les nucléons se trouvent sur des niveaux d'énergie, ce qui fait qu'un surplus de neutrons va augmenter leur énergie. On obtient alors que l'effet sur l'énergie de liaison s'écrit :
.
Énergie d'appariement
Un deuxième effet quantique joue un rôle dans l'énergie de liaison : les nucléons ayant un spindemi-entier ont tendance à s'apparier deux à deux, pour se grouper préférentiellement en nombre pair. Ainsi, un nombre impair de neutrons ou de protons sera moins stable.
Une formule empirique permet de rendre compte de cet effet en ajoutant à l'énergie de liaison une énergie d'appariement (ou de parité) ayant différentes valeurs selon qu'il y a un nombre pair ou impair de nucléons, neutrons ou protons :
Les noyaux ayant un nombre pair de nucléons, neutrons et protons sont plus stables que ceux ayant un nombre impair de nucléons, eux-mêmes plus stables que ceux ayant un nombre pair de nucléons et impair de neutrons et protons, donc l'énergie de liaison varie en conséquence.
Pour un nombre de masse donné A, on s'aperçoit que la formule de Bethe-Weizsäcker fournit une équation quadratique en fonction de la charge Z. On a ainsi :
Par définition, les noyaux stables sont définis comme étant des noyaux qui maximisent l'énergie de liaison. Ainsi en cherchant les valeurs de qui annulent la dérivée par rapport à , on peut obtenir une équation donnant les noyaux de la vallée de stabilité.
De nombreux modèles ont par la suite tenter de raffiner le modèle de la goutte liquide proposé initialement par Carl Friedrich von Weizsäcker en introduisant de nouveaux paramètres afin de reproduire plus finement les masses mesurées expérimentalement.
Modèle de la gouttelette liquide
Ce modèle a été proposé par William D. Myers et Wladyslaw J. Swiatecki dans les années 1970. Il ajoute deux paramètres supplémentaires au modèle de la goutte liquide, à savoir la compressibilité de la matière nucléaire et l’asymétrie locale proton-neutron[25].
Modèle de Duflo–Zuker
Proposé initialement en 1995 par Jean Duflo et Andres Zuker[26] puis raffiné en 1999[27].
↑Guy Royer, Contribution à la description macroscopique des phénomènes nucléaires de fusion, fission et fragmentation (thèse de doctorat en physique nucléaire), (lire en ligne [PDF]), p. 14
↑(en) J. Duflo et A.P. Zuker, « Microscopic mass formulas », Physical Review C, vol. 52, , R23 (DOI10.1103/PhysRevC.52.R23)
↑(en) J. Duflo et A.P. Zuker, « Microscopic mass formulas », Physical Review C, vol. 59, , R2347 (DOI10.1103/PhysRevC.59.R2347)
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
[Khater 2009] Antoine Khater, « Introduction à la physique nucléaire », dans Ressources numériques pédagogiques pour la licence physique, (lire en ligne), § 2.10 (« Relation empirique pour l'énergie de liaison par nucléon ») (lire en ligne).