Le filao, ou filao à feuilles de prêle ou pin australien[1] (Casuarina equisetifolia), est une espèce de plantes à fleurs dicotylédonesfamille des Casuarinaceae, originaire d'Asie du Sud-Est et d'Australie. C'est un arbre pouvant atteindre 35 m de haut, au feuillage persistant, au bois très dur, surnommé « bois de fer », qui s'adapte à tous types de sols et est tolérant au sel.
Description
Le filao peut atteindre plus de trente mètres de hauteur pour les vieux spécimens. Son tronc est droit avec une écorce grise.
Ses jeunes rameaux verts assurent la photosynthèse. Leur morphologie cannelée et filiforme, d'un diamètre de 2 mm et articulés rappellent les prêles, une ressemblance qui lui a valu le nom d'espèce equisetifolia.
Les feuilles sont nombreuses à chaque nœud (phyllotaxie verticillée) mais réduites à des écailles d'un millimètre.
Les chatons femelles sont formés de boules brunes aux aspérités piquantes.
Les fruits ressemblent à des petits cônes de 1 à 2 cm de long. Quand les cônes sont fermés, ils protègent les graines de l'eau car ils sont imperméables. En plus du vent qui dissémine les graines sur des petites distances, les cônes peuvent ainsi se disperser au moyen de l'eau.
Le filao est un arbre pionnier, capable de coloniser des sols très pauvres en éléments minéraux. Dans les zones salines, il évacue le surplus salé par ses feuilles rendant le sol à son pied infertile pour les autres espèces.
Il peut être fortement taillé sans souffrir. Au Sénégal, des arbres coupés en haut du tronc se sont « reconstitués » en une année[réf. nécessaire].
Casuarina equisetifolia possède dans ses racines des nodules fixateurs d'azote (actinorhizes) qui, en symbiose avec une bactérie du sol (Frankia), assimilent l'azote de l’air.
Taxinomie
L'espèce Casuarina equisetifolia a été décrite par Linné et publiée sous ce nom en 1759 dans Amoenitates Academicae 4: 143. Un type a été désigné en 1989 par Lawrie Johnson, botaniste australien de Nouvelle-Galles du Sud[2].
Le nom du genre est inspiré par le casoar, les rameaux très fins évoquant le plumage particulier de cet oiseau[3].
L'épithète spécifique, equisetifolia, dérivé du latin botanique equisetum, qui est le nom générique des prêles, la disposition des rameaux évoquant le port des prêles[4].
Cette plante a de nombreux noms vernaculaires. On peut citer, en français, bois de fer, filao, pin d'Australie, fialo, pitch pin[4],[5].
Casuarina equisetifolia subsp. equisetifolia. Grand arbre pouvant atteindre 35 m de haut, rameaux de 0,5 à 0,7 mm de diamètre, glabres. Asie du Sud-Est, Nord de l'Australie[8].
Casuarina equisetifolia subsp. incana (Benth.) L.A.S.Johnson. Petit arbre pouvant atteindre 12 m d haut, rameaux de 0,7 à 1 mm de diamètre, duveteux. Est de l'Australie (Est du Queensland, Nouvelle-Galles du Sud), Nouvelle-Calédonie, Sud du Vanuatu[9].
La sous-espèce incana a une distribution beaucoup plus restreinte, qui s'étend sur le littoral de l'Australie, depuis le nord du Queensland jusqu'au centre de la Nouvelle-Galles du Sud (on le rencontre vers le sud jusqu'à Laurieton[15]), ainsi qu'au Vanuatu et en Nouvelle-Calédonie[14].
Casuarina equisetifolia est le plus souvent confiné à une étroite bande littorale sur les côtes sablonneuses, se prolongeant rarement vers l'intérieur des terres. Cette espèce est souvent à la limite de la végétation dunaire soumise aux embruns salés et parfois submergée par l'eau de mer lors des grandes marées.
C'est parfois la seule espèce ligneuse capable de pousser dans les zones de végétation dunaire à dominante de graminées et de dicotylédones tolérantes au sel. On peut aussi rencontrer cet arbre dans une association végétale plus riche d'arbres et arbustes collectivement appelée « flore littorale indo-pacifique »[5].
Casuarina equisetifolia a été introduite dans plus de soixante pays et s'est souvent naturalisée dans de nombreux pays tropicaux et subtropicaux, où cette espèce est souvent devenue un trait caractéristique du paysage littoral.
C'est notamment le cas des Antilles, du Mexique, de l'Amérique du Sud, de l'Afrique occidentale et orientale, et d'autres régions asiatiques (comme l'Indonésie). Il est présent le long des plages de l'île Maurice, où il a été introduit par l'abbé Rochon au XVIIIe siècle[réf. nécessaire]. Des plantations importantes ont été réalisées notamment en Chine, en Inde, en Thaïlande, au Viêt Nam, à Cuba, à Porto Rico, au Kenya et dans de nombreux pays d'Afrique[14].
La bande de filaos du Sénégal s'étend sur le littoral de la grande côte de Dakar à Saint-Louis. Cette bande a une longueur de 150 km, une largeur moyenne de 400 m avec des intervalles réguliers non plantés suivant la longueur et la largeur et se trouve à 100 m de la mer. Elle est une forêt classée et surveillée par les gardes forestiers des Eaux et Forêts[16].
La bande de filaos joue plusieurs rôles. Un premier rôle de fixer les dunes pour éviter l'érosion côtière due à la mer et au vent. La bande de filaos permet d'enrichir le sol pauvre en matières organiques. Cette enrichissement du sol a permis le développement de plusieurs espèces d'herbes sauvages et d'insectes et rend le sol très favorable à la culture maraîchère. Cependant, elle abrite parmi les plus grandes plantations de maraîchage au Sénégal. Les arbres de filaos constituent un lieu de vie des mammifères qui sont devenus rares au Sénégal tels que les chacals, les singes et plusieurs espèces d'oiseaux. La bande de filaos est un lieu de production de grande quantité de tourbe et de la paille de filao qui est exploitée et transportée chaque jour par des charretiers à l'intérieur de la bande et des camions hors la bande. C'est un lieu de procuration de bois. L'exploitation du bois est interdite mais des traces de coupe de bois massif sont présentes. Les agents des Eaux et Forêts ne s'attaquent pas à ceux qui coupent les arbres morts.
La bande de filaos de la banlieue de Dakar est presque totalement éliminée durant la décennie précédente et est remplacée par des lotissement et des bâtiments d'administration tels que que le nouveau palais de justice de pikine Guédiawaye et la gare du Bus Rapid Transit BRT. L'exploitation du sable marin par des camions et les charrettes est la plus grande menace de cette magnifique bande écologique.
Aux États-Unis, où la première introduction date d'avant 1825, la plante s'est naturalisée au début du XXe siècle et les ouragans de 1960 et 1965 aurait facilité son expansion dans les Everglades et en Floride. Le filao prospère aussi aux île Hawaï où son introduction daterait de 1882[14].
Plusieurs maladies fongiques sont susceptibles d'affecter Casuarina equisetifolia. L'une des plus graves est la rouille vésiculeuse de l'écorce. Les arbres infectés meurent rapidement après avoir présenté des symptômes de flétrissement foliaire et de fissuration de l'écorce sur laquelle apparaissent des vésicules enfermant une masse de spores noires pulvérulentes. L'agent pathogène est un champignon ascomycète, Trichosporum vesiculosum (syn. : Subramanianospora vesiculosa). La maladie a été signalée pour la première fois en Inde, dans l'État d'Odisha (Orissa). Elle a ensuite été signalée dans tous les États de la péninsule indienne, au Sri Lanka, à l'île Maurice et en Indonésie, en Thaïlande, au Viêt Nam[14].
Rhizoctonia solani (syn. : Thanatephorus cucumeris) entraine de fortes mortalité dans les pépinières en Inde[17].
En Polynésie française, on peut trouver le filao (ou pin australien) sous le nom de aito ou toà, son bois très dur sert à fabriquer tiki, casse-têtes, javelots, hameçons, et battoirs à tapa. Il est aujourd'hui très utilisé comme combustible ou charbon de bois pour les fours polynésiens ou la marche sur le feu. Les statuettes emblèmes du dieu 'Oro, dieu invoqué en temps de guerre, étaient confectionnées en aito. Les cônes sont utilisés comme perles en bijouterie[18].
En Nouvelle-Calédonie, dans les tribus kanak, son bois était utilisé pour fabriquer des armes telles que des massues. Cette espèce est un symbole de parole ; avec le vent, les ramilles feraient entendre la voix des ancêtres[3].
Fixation des dunes
Le filao est très abondamment planté pour stabiliser les zones côtières avec des sols sablonneux[19]. Ainsi, il est souvent utilisé pour fixer les dunes de sable et faire barrière au vent en reboisant les zones littoral où peu d'espèces survivent aux conditions difficiles : par exemple, près de 10 000 hectares de filaos ont été plantés sur le littoral sénégalais depuis 1948[20].
Traitement des eaux usées
Le Casuarina est également utilisé pour son potentiel de réhabilitation des eaux usées par les colorants textiles. Les feuilles de Casuarina se sont avérées utiles comme matériau adsorbant pour éliminer les colorants textiles des teintures tels que l'orange G[21], la rhodamine B[22], le bleu de méthylène, le vert malachite[23] et le violet de méthyle 2b. De même, le cône séché de Casuarina serait également capable d'éliminer la rhodamine B et le violet de méthyle 2b. L'écorce de Casuarina pourrait éliminer le bleu de méthylène. Même la graine de Casuarina s'est également révélée utile pour éliminer le colorant du rouge neutre et du vert malachite. Le carbone dérivé des cônes de Casuarina s'est avéré être un bon adsorbant pour le lixiviat de décharge et pour les ions cuivre des solutions aqueuses[réf. nécessaire].
Notes et références
↑Muséum national d'Histoire Naturelle / Jardin botanique Val Rahmeh-Menton, « Filao », sur mnhn (consulté le )
↑ a et bEmmanuel Kasarhérou, Béalo Wedoye, Roger Boulay, Claire Merleau-Ponty, Guide des plantes du chemin kanak, Nouméa, Agence de développement de la culture kanak, , 77 p. (ISBN978-2-909407-76-0), p. 56-57
↑ a et b(en) D. J. Boland, M. I. H. Brooker, G. M. Chippendale et M. W. McDonald, Forest trees of Australia, Collingwood, Vic., CSIRO Publishing, (ISBN0-643-06969-0, lire en ligne), p. 82.
↑Munzinger, J., Lebigre, J.-M. 2007. The flora of the Neo Caledonian mangrove swamps. p. 63-67 [In] Payri, C. E., Richer de Forges, B. (Eds). Compendium of marine species from New Caledonia. Documents Scientifiques et Techniques, Institut de Recherche pour le Développement, Nouméa, 435 pages. pdf
↑Colin Lago, « Travailler dans le monde de la diversité », Approche Centrée sur la Personne. Pratique et recherche, vol. n° 1, no 1, , p. 6–20 (ISSN1774-5314, DOI10.3917/acp.001.0006, lire en ligne, consulté le )
↑(en) C. Mohanan & J.K. Sharma, « Diseases of Casuarina equisetifolia in India », The Commonwealth Forestry Review, vol. 72, no 1, , p. 48-52 (résumé).
↑Nathalie Vidal, Le grand livre des étonnantes graines : entre Nature et Cultures, Saint-Denis (Réunion), Orphie, , 193 p. (ISBN978-2-87763-639-1), p. 79.
↑Nathalie Vidal, Le grand livre des graines voyageuses sur les trois océans Atlantique, océan Indien et Pacifique, Éditions Orphie, , 240 p. (ISBN979-10-298-0444-1), Famille : Casuarinaceae : Casuarina equisetifolia pages 99 et 100
↑(en-US) R. S. Singh, B. S. Giri, Surendra Kumar et B. N. Rai, « Biodegradation of reactive orange 16 (RO-16) dye in packed bed bioreactor using seeds of Ashoka and Casuarina as packing medium », IJBT Vol.16(2) [April 2017], (ISSN0975-0967 et 0972-5849, lire en ligne, consulté le )
↑Muhammad Khairud Dahri, Muhammad Raziq Rahimi Kooh et Linda B. L. Lim, « Application of Casuarina equisetifolia needle for the removal of methylene blue and malachite green dyes from aqueous solution », Alexandria Engineering Journal, vol. 54, no 4, , p. 1253–1263 (ISSN1110-0168, DOI10.1016/j.aej.2015.07.005, lire en ligne, consulté le )