Ferdinand Béghin

Ferdinand Béghin
Ferdinand Béghin photographié à Paris par le magazine le Point.
Fonction
Maire de Thumeries
-
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 92 ans)
FribourgVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Activités
Père
Mère
Louise Sophie Legrand (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conjoint
Simone de Lenzbourg (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfants
Roselyn Beghin (d)
Françoise Béghin (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Parentèle
Jean d'Ormesson (gendre)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Propriétaire de
J. W. Enqvist (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conflit
Distinctions

Ferdinand Béghin, né le à Thumeries et mort le à Fribourg (Suisse), est un industriel et homme d'affaires français, dans les secteurs du sucre, des cartons, du papier, de la presse et de l'édition.

Biographie

Famille

Héritier de la famille Béghin, dynastie de l'industrie sucrière, fils d'Henri Béghin et de Louise Sophie Legrand, il porte le prénom de son arrière-grand-père Antoine Ferdinand Béghin co-directeur dès sa création de la sucrerie Cogez Béghin de Thumeries que ce dernier a fondé avec son ami et beau-frère[1] Joseph Cogez en 1826[2],[3],[4],[5]. La croissance du groupe Béghin s'accélère lorsque son père Henri et son oncle Joseph lancent une SNC au capital de 800 000 francs pour la reprise et la modernisation des équipements de la sucrerie de Thumeries en 1898, dans un contexte où les aléas de l'industrie sucrière de l'époque combinés à une habile gestion font s'emballer la production[6]: La sucrerie de Thumeries peut traiter 600 tonnes de betterave en une journée en 1900[7] et en traite effectivement 150 000 tonnes en 1914[8].

En 1910, à huit ans, ses parents le jugeant trop faible pour le faire entrer à l'internat embauchent un précepteur afin que son éducation lui soit donnée à domicile[9].

Fin 1914, Ferdinand Béghin entre au collège de Gerson à Paris, alors que la Première Guerre mondiale fait rage. Les bombardements, l'abandon du château familial de Bellincamps, à Thumeries, la mort des proches (dont sa mère en 1919 à l'âge de 40 ans), mais aussi le défilé du l'ont marqué profondément.

Détenue par sa famille, une sucrerie dans la Somme, à Beauchamps, épargnée par les Allemands, redémarre très rapidement et acquiert à très bon marché ses rivales. Les indemnités pour dommages de guerre sont ainsi investies dans l'acquisition de sucreries, notamment à Caudry, Courrières et Arras, de râperies à Marquillies et de raffineries à Denain et Marcq-en-BarÅ“ul. La famille acquiert aussi la première sucrerie du pays (3 000 tonnes par an) à Corbehem, près de Douai.

Débuts

Il poursuit ses études à Paris, au lycée Janson-de-Sailly, obtient son bac et suit les cours de préparation à l'Institut agronomique. Il n'obtiendra pas d'autre diplôme que le baccalauréat[10], car son père le rappelle avant la fin de ses études pour le seconder dans la direction de l'usine, vers 1925. Fils du patron de l'entreprise, il ne bénéficie pourtant d'aucun passe-droit et travaille à tous les postes comme un ouvrier, dans le but d'acquérir une parfaite connaissance du métier. Il fait aussi quelques voyages à l'étranger afin d'étudier de nouvelles techniques sucrières.

Dès 1926, la famille, à la suite d'un conflit avec son fabricant de carton, possède une usine papetière à Corbehem[11], qui a trois machines à papier au début des années 1930[11]. Les familles Béghin et Prouvost s'allient ensuite pour acquérir en 1930 le quotidien Paris-Soir[12], qui va battre en quelques années son rival L'Intransigeant, en misant sur des photos spectaculaires imposant un papier satiné, fourni par Béghin[13].

L'empereur du sucre, du papier et de la laine, détenteur pendant 30 ans du monopole du procédé transformant la betterave[14] peut ainsi écouler une partie de la surproduction de papier de ses usines, au moment du Krach de 1929, dans la presse[14],[12]. En 1938, le pôle papetier est reparti et Béghin achète la société finlandaise Enqvist, qui détient 34 000 hectares de forêts, destinés à la papeterie de Corbehem, qui a investi dans des machines en 1926 et 1929.

Front populaire et Seconde Guerre mondiale

À la suite du décès de son oncle Joseph, maire de Thumeries[15], en 1938, il dirige le groupe avec son beau-frère Pierre Malle (père du cinéaste Louis Malle) et son cousin Claude Descamps, futur banquier. En 1939, le groupe comprend dix unités. Ferdinand Béghin se souvient de la période du Front populaire comme d'un cauchemar : « Le dimanche, on dormait sur ses deux oreilles. Le lundi matin, on se réveille : c’était la révolution [16]! Â».

Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, Ferdinand Béghin est mobilisé. Rendu à la vie civile à la fin juillet 1940, il rentre à Thumeries, au château de Bellincamps, dont il est propriétaire depuis 1925. Contacté par un officier anglais de l'Intelligence Service, il entre dans le réseau de résistance OFACM comme responsable de recrutement. Il est blessé d'une balle au poumon le 11 septembre 1944 lors de la libération alors qu'il défend mitraillette à la main son usine attaquée[17]. Il recevra plusieurs distinctions dont la Légion d'honneur. Son père Henri était décédé la semaine précédente[18].

Guerres coloniales

Pendant la guerre d'Indochine, il est l’ami proche de Christian de La Croix de Castries, officier sur le terrain pendant 8 ans[19], promu général lors de la bataille du camp retranché de Dien Bien Phu[20]. Il figure alors au comité de patronage de la Revue Défense nationale[21] fondée en 1939 et traitant des grandes questions militaires, politiques, sociales.

En , il devient directeur d'une usine de papier et cartonnerie au Maroc[11], ouverte en 1945, où il rencontre Jean-Marc Vernes[11], qui avait rejoint depuis 1945 la banque fondée par la famille Béghin[11] et qu'il considère ensuite comme le fils qu’il n'a jamais eu[11]. Ce dernier se lie avec sa fille aînée. Plus tard, sa benjamine rencontrera en 1956 son futur mari Jean d'Ormesson, de 13 ans son aîné.

Investissements dans Paris-Match et Le Figaro

Il est en 1949 l'associé dans la presse de Jean Prouvost : tous deux sont actionnaires à parité de Paris-Match, fondé en mars 1949.

Puis c'est l'investissement dans le quotidien Le Figaro, propriété du parfumeur François Coty, qui a réussi un doublement de ses ventes entre 1945 et 1950[22], sur fond de couverture équilibrée du procès Kravtchenko[22]. Sa veuve, Mme Léon Cotnareanu, veut en reprendre le contrôle quand elle revient en France mais perd en justice dès juillet 1948 face au fondateur Pierre Brisson[22]. En mai 1950[22], elle accepte de céder la moitié de ses parts[23],[22] à une nouvelle association entre la famille Béghin et les Prouvost, via une « société fermière d'indépendance Â», dotée d'un conseil de sept membres dont seulement 2 représentants des propriétaires[24], qui garantit l'indépendance de la rédaction[23].

Contrôle de l'empire familial

En 1956, il prend finalement le contrôle de la firme familiale[25] et la fait entrer en Bourse sur les conseils de Jean-Marc Vernes[11]. Ce dernier sera nommé numéro deux du groupe en 1965[11].

Il ne cessera de se renforcer dans le domaine du carton et du papier. C'est à lui que l'on doit l'idée d'un papier toilette à base d'ouate de cellulose, plus agréable au toucher[26], avec les marques Lotus et Vania, qui permet de diversifier les débouchés quand s'achève la pénurie des papiers de presse. Il sera le leader français de ce marché[11], d'abord développé par celui des mouchoirs en papier et des produits d’hygiène féminine lors du rachat en 1960 de la cartonnerie de Kaysersberg en Alsace, dont il devient PDG tout étant administrateur d'autres sociétés du secteur[27]. En 1976, le secteur papier-carton pèse 40% des ventes du groupe après avoir progressé de 58% en 1974 [28].

En 1967, la société Béghin prend le contrôle de la société Say qui est alors plus grande qu'elle[11]. L'opération prend la forme d'une offre publique d'achat (OPA) avec la participation du Britannique Tate & Lyle, de l'Italien Eridania et du Belge Tirlemont[11]. Les deux entités fusionnent en , pour créer la société Béghin-Say[29] qui contrôle 28% du sucre français[11] et devient le numéro un européen[12].

Dans le secteur de l'édition, il gère un groupe de presse et Télé 7 jours de 1965 à 1972, est administrateur du Figaro de 1950 à 1970, et de quelques autres entreprises de presse et d'édition[27]. Ferdinand Béguin se brouille avec Jean Prouvost en 1965 à propos d'une « tribune libre Â» publiée par lui dans Le Figaro sur les relations des sucriers et du gouvernement[30] et lui vend ses parts[30] cinq ans après. Marie-France Garaud, conseillère de Jacques Chirac, négocie en 1976 la vente du Figaro à Robert Hersant[31] et dès le , son gendre Jean d'Ormesson, qui a été placé la tête du journal, prend la défense dans la presse du nouvel acquéreur, contesté par une grève des journalistes[20].

Mais Ferdinand Béghin a seulement trois gendres et ne veut pas les voir lui succéder[30]. Jean-Marc Vernes le conseille entre-temps pour l'absorption de la société Say, terme logique d'une bataille qui avait commencé en 1967 par une OPA et s'achève en en 1973. Ferdinand Béghin ressentira par la suite avec amertume la cession du contrôle de Béghin-Say à des raffineurs étrangers lors de cette OPA, qui voit certains autres membres de la famille vendre massivement leurs actions[6] ou la montée au capital de la Compagnie financière de Suez et de la Banque Vernes et Commerciale de Paris, à l'occasion de cette phase de croissance[30].

Jean-Marc Vernes est entre temps devenu administrateur général de Béghin-Say en 1972. Il se pose alors « en pur manager, attentif à la seule gestion, étranger aux querelles de clan et indifférent à la défense des patrimoines Â»[10]. Seuls lui et Claude Descamps sont alors administrateurs d'autres sociétés dominantes[10] et quatre des autres administrateurs sont apparentés à la famille Béghin : Pierre Malle a épousé Françoise Béghin, sÅ“ur de Ferdinand Béghin, Claude Descamps a épousé Jenny Béghin, fille de Joseph Béghin et Étienne Pollet a épousé une fille de Joseph Béghin[10]. Mais le lancement de la sucrerie géante de Connantre en Champagne en 1974 se révélera un désastre financier[6],.

Retrait des affaires en 1977

C'est seulement en 1977 qu'il se retire, à 75 ans[30]. Jean-Marc Vernes devient officiellement président-directeur général de Beghin-Say dont le chiffre d'affaires atteint presque 4 milliards de francs[30] avant de vendre aux Italiens en 1984. Son manoir en Corse est investi par des militants nationalistes en 1978 et il décède en 1994 à l'âge de 92 ans[32].

Famille

Marié à Simone de Lenzbourg (1904-1966), le à Bösingen en Suisse[25], ils ont trois filles :

  • Roselyne (née en 1931), qui épouse Bertrand Pernot du Breuil, directeur de sociétés[27] ;
  • Pascaline (1937-2017), qui épouse Charles de Ganay, puis François Moreuil ;
  • Françoise (née en 1938), qui épouse en 1962 l'écrivain et académicien, Jean d'Ormesson[25].

Sa sœur Françoise (1900-1982) épousa en 1921 à Thumeries, l'officier de marine[33] Pierre Malle (1897-1990). De leur mariage naîtront quatre fils et trois filles, dont le cinéaste Louis Malle[25].

Distinctions

Références

  1. ↑ La relation affirmée entre les deux hommes de beau-père - Joseph Cogez - à gendre - Antoine Ferdinand Béghin - n'est pas confirmée et est à l'évidence une erreur due à la tradition en cours à l'époque de la transmission du prénom du père: trois Joseph Cogez se succèdent directement et trois Ferdinand Béghin se succèdent sur 4 générations. De plus, Joseph Cogez père est un cultivateur de 54 ans qui décèdera un an après la création de l'entreprise quand les deux garçons, Joseph Cogez et Antoine Ferdinand Béghin, ont le même âge (20 et 21 ans)« Actes de mariage n°114 Bulteau-Béghin et n°17 Béghin-Cogez, Registre des mariages pour les années 1860 et 1834, communes de Faches-Thumesnil et Thumeries, cantons de Lilles sud et de Pont-à-Marcq- Archives départementales du Nord Â», sur archivespasdecalais.fr
  2. ↑ La date supposée de création de l'entreprise de 1824 est issue d'une page généalogique privée à propos de Ferdinand Béghin et non-sourcée, et la date supposée de 1821 est tirée de l'ouvrage Histoire de l'entreprise et des chefs d'entreprise en France, Jean Lambert-Dansette, 1991 et constitue, à nos yeux, une source de même catégorie mais moins fiable que la suivante datant de 1946 plus proche de la création de l'entreprise et cohérente avec les âges de 20 et 21 ans des protagonistes à l'époque« Annales de l'Institut national agronomique : administration, enseignement et recherche - Tome XXXIII - Ministère de l'agriculture et du ravitaillement - page 55 - III. Bordure sud de la Flandre intérieure - L'industrie compte... Â», sur Gallica
  3. ↑ Confirmation du nom Joseph Cogez comme entrepreneur sucrier Lillois« L'Indicateur de Bordeaux - 13 janvier 1848 - page 1 - 2ème colonne milieu - Question des sucres - Signatures des résolutions citées Â», sur Retronews
  4. ↑ Nom de l'entreprise en 1826« Souscription ouverte à Paris pour un don destiné aux enfants du général Foy,et pour élever un monument à sa mémoire - 9 janvier 1826 - page 2 - 2ème colonne bas - Première liste des sommes reçues à Lille chz M. Dutilloy - 17ème ligne, 4ème souscripteur Â», sur Retronews
  5. ↑ Localisation de l'entreprise en 1827« Journal du commerce - 31 décembre 1827 - page 3 - 2ème colonne milieu - Liste des fabriques de sucre de betteraves Â», sur Retronews
  6. ↑ a b et c "Echecs d'entrepreneurs : l'exercice solitaire du pouvoir l'a conduit à la faillite" par Tancrède Blondé, le 9 juillet 2012 [1]
  7. ↑ « La Sucrerie à l'Exposition universelle de 1900, P. Horsin-Déon, E. Bernard & Co.,1902 - page 109 bas Â», sur Gallica
  8. ↑ François Lecocq, « Les Béghin à la conquête de l'or blanc Â», dans Cent ans de vie dans la région, Tome 1 : 1900-1914, La Voix du Nord éditions, hors série du 17 novembre 1998, p.88-89.
  9. ↑ « Le Gaulois - 14 juin 1910 - page 6 - 5ème colonne haut - Institutrices - On demande, pour octobre,... Â», sur Retronews
  10. ↑ a b c et d H. Jannic, Les grandes successions, L'Expansion, 52, mai 1972, cité par Pierre Bourdieu dans "Le patronat" dans la revue Actes de la Recherche en Sciences Sociales" en 1978 [2]
  11. ↑ a b c d e f g h i j k et l "La saga du sucre: Entre douceur et amertume" par Joseph Garnotel aux Editions Quae, en 2020 [3]
  12. ↑ a b et c "Le jour où... Ferdinand Beghin démissionne", La Voix du Nord du 3/01/2015 [4]
  13. ↑ "L'Année 1978" par Universalia, Encyclopædia Universalis France, page 620 et 621 [5]
  14. ↑ a et b Article dans Le Nouvel Observateur du 21 janvier 1965 [6]
  15. ↑ « Journal des débats politiques et littéraires - 9 septembre 1938 - page 2 - 6ème colonne milieu - Hier ont été célébrées à Thumeries... Â», sur Gallica
  16. ↑ Philippe Videlier, « La revanche des patrons : le patronat français face au Front populaire Â», sur Le Monde diplomatique,
  17. ↑ « France Libre - 12 septembre 1944 - page 1 - 7ème colonne milieu - Monsieur Ferdinand Béghin blessé Â», sur Gallica
  18. ↑ « France Libre - 13 septembre 1944 - page 2 - 5ème colonne bas - Mort subite de monsieur Henri Béghin Â», sur Gallica
  19. ↑ Nécrologie dans Le Monde du 31 juillet 1991 [7]
  20. ↑ a et b "Le dernier roi soleil" par Sophie des Déserts Editions Fayard 2018 [8]
  21. ↑ Comité de patronage de la Revue de la défense nationale 1959 [9]
  22. ↑ a b c d et e Le Figaro littéraire, de la revue politique et littéraire au news magazine, par Claire Blandin, dans la revue Matériaux pour l'histoire de notre temps en 2004 [10].
  23. ↑ a et b Le créateur de " Paris-Soir ", par Pierre Viansson-Ponté, dans Le Monde du 19 octobre 1978 [11].
  24. ↑ La bataille du Figaro par Maurice Roy, dans L'Express du 19 mai 1969 [12].
  25. ↑ a b c et d « Béghin Â», sur thierryprouvost.com (consulté le )
  26. ↑ « PQ: les Français au bout du rouleau. Â», sur Les Echos, (consulté le )
  27. ↑ a b et c « Béghin (Ferdinand) Â», dans Who's Who in France, 1973-1974, p. 214.
  28. ↑ "Bon appétit, messieurs...: Les empires alimentaires" par Alain Cohen et François Lourbet
  29. ↑ « Ferdinand Béghin Â», sur geni.com (consulté le )
  30. ↑ a b c d e et f M. Jean-Marc Vernes devient P.D.G. de Beghin-Say M. Beghin : l' " empereur " du sucre et du papier", Le Monde du 3 juin 1977 [13]
  31. ↑ "Les derniers bouclages de Robert Hersant" par Revel Renaud dans L'Express du 20/10/1994 [14]
  32. ↑ "Aventures industrielles" par Éric Fottorino
  33. ↑ Ancien de l’École Navale, lieutenant de vaisseau, quitte l'armée en 1923 pour entrer comme directeur chez Beghin-Say.

Sources bibliographiques

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes