Eugène Varlin naît dans une famille de paysans pauvres. Il est apprenti peintre en 1852, puis devient artisan relieur à Paris. En 1857, il participe à la fondation de la société de secours mutuels des relieurs[1]. En 1864-1865, il anime la grève des ouvriers relieurs parisiens. Il devient président de la société d'épargne de crédit mutuel des relieurs qu'il a aidé à créer (partisan de l'égalité des sexes, il y fait entrer à un poste élevé Nathalie Lemel).
En 1864 est créée l'Association internationale des travailleurs, souvent connue sous l’appellation de « Première Internationale ». Varlin y adhère en 1865 et participe, avec son frère Louis et Nathalie Lemel, à la première grève des relieurs. Il est délégué en 1865 à la conférence de l'AIT à Londres, puis en 1866 au premier congrès de l'AIT à Genève, où il défend contre la majorité des autres délégués le droit au travail des femmes. C'est à travers l'AIT qu'il fait la rencontre de Karl Marx[2].
Il est aussi membre de la Société du crédit au travail de Jean-Pierre Béluze de 1865 à 1868[1].
À la même époque, il crée la Société de solidarité des ouvriers relieurs de Paris, dont les statuts évoquent la nécessité de « poursuivre l'amélioration constante des conditions d'existence des ouvriers relieurs en particulier, et, en général, des travailleurs de toutes les professions et de tous les pays, et d'amener les travailleurs à la possession de leurs instruments de travail ». Ses efforts contribuent à la création, le , de la Fédération parisienne des sociétés ouvrières, qui plus tard passe à l'échelle nationale et devient ultérieurement la Confédération générale du travail. Varlin participe à la création d'une coopérative, La Ménagère, en 1867, et à l'ouverture, en 1868, d'un restaurant coopératif, La Marmite[1]. Ce dernier compte 8 000 adhérents et ne ferme qu'après la Commune.
En 1868, 1869 et 1870, Varlin est arrêté et emprisonné plusieurs fois en raison des grèves poussées par l'AIT en France. En 1869, il est partisan de la participation aux élections et s'oppose à ce sujet aux proudhoniens[3]. En 1870, la section parisienne de l'AIT publie un manifeste contre la guerre. Eugène Varlin constitue des sections de l'Internationale à Lyon, au Creusot et à Lille.
À la chute de l'Empire, Varlin fait partie, en , du comité central républicain des Vingt arrondissements de Paris et devient membre du comité central de la Garde nationale au titre du 193e bataillon, dont il est le commandant. Il est révoqué de son commandement après l'insurrection du contre la politique menée par le gouvernement de la Défense nationale. Pendant l'hiver et le siège de Paris par les Prussiens, il s'occupe de l'alimentation des nécessiteux en fournissant les « marmites de Varlin » avec l'aide, notamment, de Nathalie Lemel et devient secrétaire du conseil de l'AIT pour la France. Le , il est candidat, sans succès, comme socialiste révolutionnaire aux élections pour l'Assemblée nationale.
Lors du soulèvement du 18 mars 1871, Varlin participe à la prise de la place Vendôme. Le , il participe à la rédaction du manifeste-programme des sections parisiennes de l'AIT. Il est élu triomphalement le au conseil de la Commune par les VIe, XIIe et XVIIe arrondissements, et nommé à la commission des finances. Il assure la liaison entre la Commune et les sociétés ouvrières.
Plaque commémorative rendant hommage à Eugène Varlin.
Le , reconnu et dénoncé par un prêtre rue Lafayette, il est arrêté par le lieutenant Sicre et amené à Montmartre, rue des Rosiers, où il est lynché, éborgné par la foule et, finalement, fusillé par les soldats près de l'endroit où avaient été fusillés les généraux Lecomte et Clément-Thomas[4],[5].
« Place Cadet, il fut reconnu par un prêtre qui courut chercher un officier. Le lieutenant Sicre saisit Varlin, lui lia les mains derrière le dos et l'achemina vers les Buttes où se tenait le général de Laveaucoupet. Par les rues escarpées de Montmartre, ce Varlin, qui avait risqué sa vie pour sauver les otages de la rue Haxo, fut traîné une grande heure. Sous la grêle des coups sa jeune tête méditative qui n'avait jamais eu que des pensées fraternelles, devint un hachis de chairs, l'œil pendant hors de l'orbite. Quand il arriva rue des Rosiers, à l'état-major, il ne marchait plus on le portait. On l'assit pour le fusiller. Les soldats crevèrent son cadavre à coup de crosse. Sicre vola sa montre et s'en fit une parure[5]. »
Les ouvriers relieurs lui avaient en effet offert une montre qui lui fut volée, après qu'il eut été massacré[6].
« Si Eugène Varlin ne peut être considéré comme anarchiste stricto sensu, le mouvement anarchiste se réclame communément de ce militant précurseur du syndicalisme révolutionnaire, proche de Bakounine au sein de la Première Internationale, et membre de la minorité anti-autoritaire de la Commune de Paris[7]. »
Mémoire
Plusieurs écoles portent le nom d'Eugène Varlin, ainsi que des voies publiques, notamment une rue, un square et un pont du 10e arrondissement de Paris. Il y a une avenue Eugène Varlin dans le quartier historique de Saint Sauveur à Lille (Lille-centre). Une place à son nom a été inaugurée le dans le 3e arrondissement de Lyon, entre la bourse du travail et le palais de justice. Eugène Varlin est né dans une maison de la rue Berthe, dans le quartier Voisin de l'actuelle Claye-Souilly, rue qui aujourd'hui porte son nom. Une rue de Saint-Junien (Haute-Vienne), près de la place Lénine, au chevet de la collégiale et de la bourse du travail, porte le nom de Varlin depuis 1932.
↑Déclaration lors du procès de la deuxième commission de Paris de l'Association internationale des travailleurs, tenu devant la 6e Chambre du Tribunal correctionnel de Paris, en mai 1868.
Procès de l'Association internationale des travailleurs : Première et deuxième commissions du Bureau de Paris, Paris, AIT, (lire en ligne), p. 164 ; voir également Michel Cordillot, Eugène Varlin : Chronique d'un espoir assassiné, Éditions Ouvrières, , p. 94
Maurice Foulon, Eugène Varlin, relieur et membre de la Commune, Clermont-Ferrand, Éditions Mont-Louis, , 245 p., in-8°
Jean Bruhat, Eugène Varlin, militant ouvrier, révolutionnaire et communard, Paris, EFR et Club Diderot, 1975.
Eugène Varlin, Pratique militante & écrits d'un ouvrier communard, présenté par Paule Lejeune, « Petite collection Maspero », éditions Maspero, Paris, 1977 (ISBN2-7071-0906-1)
Michel Cordillot, Eugène Varlin, chronique d'un espoir assassiné, Éditions de l'Atelier, coll. La part des hommes, 261 p., 1991. Réédition revue et augmentée : Michel Cordillot, Eugène Varlin, internationaliste et communard, Éditions Spartacus, 2016.
Jean-Michel Leterrier, Aux livres citoyens!, Le temps des cerises éditeurs, 2013 - page 15.
• Maurice Colombo, Un enfant de Seine-et-Marne • Michel Cordillot, Réunir les relieurs • Michel Cordillot, Paris, 1864-1871 - La Première Internationale, • André Devriendt, Pour faire bouillir la marmite • Sébastien Basson, Tout ça n'empêche pas Nicolas... • Gérard Conte, La vie quotidienne des Parisiens • Georges Host, Action d'un communard • Itinéraire, Ce mort-là est tout aux ouvriers • Pascal Bedos, Chronique d'un espoir assassiné • Heiner Becker, Varlin à livre ouvert.