Ernest Jones est le fils d'un ingénieur des mines. Il étudie à l'université de Cardiff puis à l'University College de Londres où il obtient son diplôme de médecine et d'obstétrique en 1901. Il devient membre du Royal College of Physicians en 1903.
Praticien hospitalier à Londres, spécialisé en neuropsychiatrie, il découvre les travaux de Freud par l'intermédiaire de son ami d'enfance, Wilfred Trotter, qui avait lu les comptes rendus sur les « Études sur l’hystérie » dans une revue de neurologie, en 1898. Trotter et Jones décidèrent d'apprendre l'allemand pour lire Freud, dont les textes ne sont pas encore traduits en anglais[1].
Après avoir vécu avec Loe Kann (qui est analysée par Freud)[4], il épouse en premières noces, en 1916, la pianiste et compositrice Morfydd Llwyn Owen, qui meurt des complications d'une appendicite dix-huit mois après leur mariage. En 1919, Jones fait la connaissance de Katherine Jokl, diplômée en économie en Moravie (actuelle République tchèque), une ancienne camarade d'école des filles de Sigmund Freud à Vienne. Ils se marient et ont quatre enfants, dont une fille, Gwenith (1921-1928), et un fils, l'écrivain Mervyn(en) (1922-2010).
Fondation de l'association psychanalytique britannique
Ernest Jones séjourne deux mois en 1913 à Budapest, pour faire une analyse didactique avec Sándor Ferenczi. Il fonde le même année la première société de psychanalyse britannique, la London Psychoanalytical Society , qu'il dissout en 1919, considérant qu'elle est sous l'influence de jungiens, et il participe à la fondation de la Société britannique de psychanalyse, dont il prend la présidence.
Durant la Première Guerre mondiale, il poursuit sa pratique de la psychanalyse, alors que les Britanniques sont séparés des analystes continentaux, du fait de la guerre. Il est l'analyste de Joan Riviere en 1916. Du fait de la guerre, Jones ne peut assister au Ve congrès international à Budapest, en 1918, alors qu'il est toujours membre de l'Association psychanalytique hongroise, mais Freud décide d’inclure la contribution prévue par Jones dans les actes du congrès, témoignant ainsi de la place importante qu'il reconnaît à celui-ci, en ce qui concerne la diffusion des théories psychanalytiques dans le monde anglo-saxon.
Durant la guerre, Jones n'est pas médecin militaire et ainsi n'est pas tenu de rendre des comptes à la hiérarchie militaire, il dispose ainsi de conditions lui permettant de réaliser des psychanalyses avec des névrosés de guerre. Il est le premier à le faire dans le mouvement psychanalytique ce qui donne du poids à ses théorisations[2].
Jones théorise le concept de rationalisation qui sera retenu par Freud au titre de mécanisme de défense. Il a aussi élaboré le concept d'« aphanisis » concernant la sexualité féminine[5].
Jones était aussi un joueur d'échecs renommé et il a aussi été champion de patinage artistique[6].
Jones invite Melanie Klein à Londres, à la demande de celle-ci, dont la position au sein de l'Association psychanalytique de Berlin était contestée à la mort de Karl Abraham. Le fils de Jones, Mervyn Jones, est analysé par Melanie Klein, dès son arrivée à Londres, en vertu d'un accord préalable établi entre Jones et elle[7]. La fille de Jones, Gwenith Jones et son épouse Katherine Jones-Jokl, sont elles aussi analysées par Klein, jusqu'au décès prématuré de Gwenith, en 1928.
D'après Phyllis Grosskurth, il a réussi à concilier son attachement à Freud et un engagement en faveur des théorisations de Melanie Klein et de l'apport de celle-ci au mouvement psychanalytique anglais, traditionnellement intéressé par la psychanalyse des enfants[8].
Ernest Jones entretient une importante correspondance avec Freud : sa première lettre du , concerne le traitement qu'il délivre à l'épouse d'Otto Gross et la dernière datée de 1939 précède la mort de Freud.
Ernest Jones exhorte dans les années 1930 un certain nombre de psychanalystes à quitter l'Europe continentale, du fait des circonstances politiques menaçantes pour les juifs et de l'interdiction qui leur est faite, depuis les lois de Nuremberg, d'exercer la psychanalyse. Il contribue avec Marie Bonaparte et Abraham Arden Brill au départ de plusieurs de ses collègues, et permet l'accueil par ses collègues britanniques d'analystes allemands, hongrois et viennois, dont un certain nombre rejoint ultérieurement les États-Unis. Au moment de l'Anschluss, en mars 1938, Jones fait lui-même le voyage à Vienne, pour négocier et organiser le départ de la famille Freud, bénéficiant pour cela du soutien du Home Secretary britannique, Samuel Hoare[9].
Il meurt à Londres et une cérémonie est organisée au Golders Green Crematorium, durant laquelle Donald Winnicott prononce l'éloge[10]. Jones est ensuite enterré à Cheriton, dans la péninsule galloise de Gower.
Le cas de Paul Morphy. Contribution à la psychologie du joueur d'échecs, in Essais de psychanalyse appliquée, Paris, Payot-Rivages, 1973 (ISBN2228216100)
Free Associations. Memories of a psycho-analyst, London: Hogarth Press, 1959 (ISBN978-0887388330).
Références
↑ a et bPearl King, « Contexte et déroulement des controverses freudo-kleiniennes », p. 31-32, in Les Controverses Anna Freud Melanie Klein 1941-1945, coll. « Histoire de la psychanalyse », Paris, Puf, 1996, 858 p. (ISBN978-2130474401).
↑ a et bGilles Tréhel. Ernest Jones (1879-1958) : psychanalyse et choc de guerre. L’Information psychiatrique, 2006, 82, no 7, p. 611-621.
↑Nathan Hale, Freud et les Américains : l'implantation de la psychanalyse aux États-Unis (1876-1917), Les Empêcheurs de penser en rond, 2002, (ISBN2846710236)
↑"Correspondance 1904-1938", préface d'Élisabeth Roudinesco, Fayard, p. 13
↑L'aphanisis serait « dans les deux sexes, l’objet d’une crainte plus fondamentale que la crainte de la castration », Jean Laplanche et J.-B. Pontalis, Vocabulaire de la Psychanalyse, p. 31, Paris, Puf, coll. « Quadrige », 2011, (ISBN978-2-13-056050-0).
↑Jean-Pierre Bourgeron : Marie Bonaparte et la psychanalyse. À travers ses lettres à René Laforgue et les images de son temps, Champion-Slatkine, 1993 (ISBN2051009090)
↑Selon Phyllis Grosskurth, il s'agit alors d'une invitation pour une année, cf. Melanie Klein, p. 199.
↑Phyllis Grosskurth Mélanie Klein : Son monde et son œuvre, Paris, Puf, (ISBN2130523641).
↑Brenda Maddox, Freud’s Wizard: The Enigma of Ernest Jones. London: John Murray, 2006.
↑Donald Winnicott, « Ernest Jones: Funeral Addresses. Spoken at Golders Green Crematorium on Friday, 14 February, 1958 », The International Journal of Psychoanalysis, 39, 1958, p. 305-306.
↑Paul Roazen : Sigmund Freud, Da Capo Press Inc, 1987, (ISBN0306802929)
↑Max Schur : La Mort dans la vie de Freud, Gallimard-Tel, (ISBN2070257940)
↑Didier Anzieu, L'auto-analyse de Freud et la découverte de la psychanalyse, Paris, Puf, 3e édition 1998, Coll.: Bibliothèque de psychanalyse, (ISBN2130420842)
↑André Haynal: La psychanalyse 100 ans déjà, Georg, 1997, (ISBN2825705349)
↑Alain de Mijolla : Freud, fragments d'une histoire : Qui êtes-vous Sigmund Freud ?, Paris, Puf, coll. « Le fil rouge », 2003, (ISBN2130533604)
↑Élisabeth Roudinesco et Michel Plon, Dictionnaire de la psychanalyse, Le Livre de poche, 2011, (ISBN2253088544)
↑Jones est cité une trentaine de fois dans l'ouvrage d'Henri Ellenberger, Histoire de la découverte de l'inconscient, Paris, Fayard, 2001, (ISBN2213610908)
↑Pierre-Henri Castel, « La psychanalyse depuis les années 80 : crises, dévoiements et replis », [lire en ligne]
↑Elle dit notamment « Freud a su s’appuyer sur l’engagement exceptionnel de ce Gallois quasiment fanatique » et « […] Jones choisit de présenter de lui-même dans son autobiographie : l’identification ambivalente à Freud, l’emballement pour une cause, le fanatisme prosélyte ». Cf. « Autobiographie et biographie d'Ernest Jones », Le Coq-Héron 2/2004, no 177, p. 107-123 [lire en ligne].
Voir aussi
Bibliographie
Henriette Michaud, « Autobiographie et biographie d'Ernest Jones », p. 107-123, Le Coq-Héron, no 177, 2004/2, [lire en ligne]