Le titre de roi des rois, souvent traduit de manière imprécise par le terme « empereur », remonte à l'ancienne Mésopotamie. Il fut utilisé à Axum par le roi Sembrouthes (aux alentours de 250 après J-C). Yuri Kobishchanov(en) note que ce titre fut utilisé lors de la période qui suivit la victoire des Perses sur les Romains, en 296-297[2]. Son utilisation systématique est attestée depuis au moins le règne de Yekouno Amlak. Ce titre signifie que les fonctionnaires subalternes et les dirigeants tributaires - notamment les vassaux qui gouvernent les provinces de Godjam, de Wellega, les provinces côtières et plus tard celle de Choa - recevaient le titre honorifique de nəgus, un terme qui correspond à « roi ».
L'épouse de l'empereur avait le titre d'ətege. L'impératrice Zewditou, qui dirigea l’Éthiopie entre 1916 et 1930, utilisa la forme féminisée nəgəstä nägäst (« reine des rois ») pour montrer qu'elle régnait de son propre chef et n'utilisa pas le titre de ətege.
Succession
À la mort d'un monarque, tout parent de sang masculin ou féminin de l'empereur pouvait prétendre à la succession au trône : fils, frères, filles et neveux. La tradition favorisait la primogéniture mais ne la faisait pas toujours respecter. Le système a développé deux approches pour contrôler la succession : la première, employée quelquefois avant le XXe siècle, impliquait l'internement de tous les rivaux possibles de l'empereur dans un endroit sûr, ce qui limitait considérablement leur capacité à déstabiliser l'empire en se révoltant ou en contestant la succession d'un héritier apparent ; la deuxième approche, utilisée de plus en plus fréquemment, impliquait la sélection des empereurs par un conseil des hauts fonctionnaires du royaume, laïques et religieux.
Les traditions éthiopiennes ne s'accordent pas toutes sur le moment exact où enfermer les rivaux au trône sur une « montagne des princes » devint une coutume. Une tradition attribue cette pratique au roi ZagweYemrehanna Krestos (XIe siècle), qui aurait reçu l'idée dans un rêve[3] ; Taddesse Tamrat conteste cette tradition, y opposant que les archives de la dynastie Zagwe montrent qu'un trop grand nombre de successions ont été contestées pour que cela soit plausible[4]. Une autre tradition, reportée par l'historien Thomas Pakenham(en), affirme que cette pratique est antérieure à la dynastie Zagwe (qui a régné à partir de l'an 900 environ) et qu'elle fut mise en place pour la première fois à Debre Damo (monastère éthiopien orthodoxe situé sur une plateforme montagneuse capturé par la reine Gudit au Xe siècle). On y aurait isolé 200 princes jusqu'à ce que mort s'ensuive. Cependant, Thomas Pakenham nota également que l'abbé du monastère de Debre Damo ne connaissait pas cette anecdote lorsqu'il fut interrogé sur le sujet. Taddesse Tamrat fait valoir que cette pratique a commencé sous le règne de Ouédem-Arad (1299-1314), à la suite de la lutte pour la succession qui, selon lui, se trouve derrière la série de brefs règnes des fils de Yagbe'u Seyon(en) (règne 1285-1294).
Les rivaux royaux potentiels étaient incarcérés à Amba Geshen(en) jusqu'à ce qu'Ahmed Ibn Ibrahim Al-Ghazi capture ce site en 1540 et le détruise. Par la suite, du règne de Fasiladas (1632-1667) jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, cette incarcération se faisait à Wehni(en). Les rumeurs de ces résidences royales de montagne ont été une source d'inspiration de la nouvelle de Samuel Johnson, Rasselas.
Bien que l'empereur d'Éthiopie ait théoriquement eu un pouvoir illimité sur ses sujets, ses conseillers en sont venus à jouer un rôle croissant dans le gouvernement de l'Éthiopie. En effet, de nombreux empereurs avaient été remplacés soit par un enfant, soit par l'un des princes incarcérés qui ne pouvaient réussir à quitter leurs prisons qu'avec une aide provenant de l'extérieur. Au milieu du XVIIe siècle, le pouvoir de l'empereur avait été largement transféré à ses députés, comme au ras Mikael Sehul de Tigré, qui détenait le pouvoir réel dans l'empire et qui à son bon vouloir faisait et défaisait les empereurs.
Idéologie
Les empereurs d'Éthiopie obtenaient leur droit à gouverner sur la base de deux revendications dynastiques : leur descendance des rois d'Aksoum et leur descendance de Menelik Ier, fils de Salomon et de Makeda, reine de Saba.
La revendication de leur relation avec les rois d'Aksoum découle de celle de Yekouno Amlak selon laquelle il était le descendant de Del Na'od, par l'intermédiaire de son père, bien qu'il ait vaincu et tué le dernier roi zagwe au combat. Sa revendication du trône avait également été aidée par son mariage avec la fille de ce roi, même si les Éthiopiens ne légitimaient généralement pas les revendications du côté maternel. L'allégation de descendance de Menelik Ier était basée sur l'affirmation que les rois d'Aksoum étaient aussi les descendants de Menelik ; sa formulation définitive et la plus connue est présentée dans le Kebra Nagast, un récit épique. Bien que les archives de ces rois ne parviennent pas à faire la lumière sur leurs origines, cette revendication d'ordre généalogique fut documentée pour la première fois au Xe siècle par un historien arabe. Les interprétations de cette revendication varient considérablement. Certains (dont beaucoup en Éthiopie) l'acceptent comme un fait évident. D'autres comprennent cela comme une expression de propagande, essayant de relier la légitimité de l'État à l'Église orthodoxe éthiopienne. Certains essayent d'adopter une approche médiane, essayant soit de trouver un lien entre Aksoum et le royaume sud-arabe de Saba, soit entre Aksoum et le royaume pré-exilde Juda. En raison du manque de matériaux primaires, il n'est pas possible aujourd'hui (2006) de déterminer quelle théorie est la plus vraisemblable.
Histoire
La dynastie salomonide
La dynastie salomonide - qui revendiquait la descendance des anciens dirigeants aksoumites - gouverna l'Éthiopie du XIIIe siècle jusqu'en 1974, avec seulement quelques usurpateurs. Par exemple le guerrier amhara Kassa Hailou, né dans la province du Qouara (ouest du Gondar) en 1818, prit le contrôle total de l'Éthiopie et fut couronné Tewodros II en 1855. Après lui, Kassa Mercha fut couronné Yohannes IV, après s'être rebellé et avoir coopéré avec les britanniques parti en expédition pour démettre Tewodros II. Son successeur fut par la suite Menelik de Choa, dit Menelik II, qui prétendait restaurer la tradition salomonide.
L'empereur Théodore (Tewodros) a passé sa jeunesse à se battre contre les envahisseurs égyptiens et les « Turcs ». Il entreprit par la suite l'unification de l'empire après les âges sombres nommés le Zemene Mesafent (« le temps des juges »). L'empereur Menelik II remporta une victoire militaire majeure contre les envahisseurs italiens en mars 1896 lors de la bataille d'Adwa. Menelik signa un traité permettant aux Italiens d'annexer l'Érythrée et vendit Djibouti à la France. Après Menelik, tous les monarques étaient descendants des Salomonides. La lignée masculine, par le biais des descendants du cousin de Menelik, le dejazmach Taye Gulilat, existait toujours, mais avait été écartée en grande partie à cause du dégoût que Menelik éprouvait personnellement pour cette branche de sa famille. Les successeurs salomonides de Menelik ont gouverné le pays jusqu'au coup d'État militaire de 1974.
Liste des empereurs d’Éthiopie
En 1936, l'Éthiopie était occupée. L'empereur Hailé Sélassié I fut alors contraint de fuir à l'étranger pour défendre son pays de l'agression italienne en portant l'affaire devant la société des nations. Mussolini créa l'Érythrée et la Somalie italienne. Le tout fit partie d'un empire colonial qui fut appelé Afrique orientale italienne.
Au cours de l'été 1936, Victor Emmanuel III d'Italie se proclame empereur d'Éthiopie, titre considéré comme illégitime par l'Union soviétique et qui perdit sa valeur avec la Seconde Guerre mondiale. Le titre perdura près de cinq ans, jusqu'en 1941. Victor Emmanuel III renonça par la suite officiellement au titre fin 1943.
Le retour de Haile Selassie
Hailé Sélassié revint au pouvoir pendant la Seconde Guerre mondiale. En janvier 1942, il fut officiellement réintégré au pouvoir.
Haïlé Sélassié fut le dernier monarque à gouverner l'Éthiopie. Il fut destitué par le Derg, le comité de fonctionnaires militaires et de policiers le 12 septembre 1974. Le Derg a offert le trône au fils de Haïlé Sélassié, Amha Selassie, qui - naturellement méfiant à l'égard du Derg - refusa de retourner en Éthiopie pour régner. Le Derg abolit la monarchie le 21 mars 1975. En avril 1989, Amha Sélassié est proclamé empereur en exil à Londres. Sa succession était antidatée à la date du décès de l'empereur Haïlé Sélassié, en août 1975, plutôt qu'à sa déposition en septembre 1974. En 1993, le Conseil de la Couronne d’Éthiopie, dont faisaient partie plusieurs descendants de Haïlé Sélassié, affirma qu'Amha Sélassié était empereur et chef légal d'Éthiopie. Cependant, la Constitution éthiopienne de 1995 maintint l'abolition de la monarchie.
↑Nathaniel T. Kenney, "Ethiopian Adventure", National Geographic, 127 (1965), p. 555.
↑Yuri M. Kobishchanov, Axum, translated by Lorraine T. Kapitanoff, and edited by Joseph W. Michels (University Park: University of Pennsylvania State Press, 1979), p. 195. (ISBN0-271-00531-9).
↑Francisco Álvares, The Prester John of the Indies, translated by Lord Stanley of Alderley, revised and edited with additional material by C.F. Beckingham and G.W.B. Huntingford, (Cambridge: The Hakluyt Society, 1961), p. 237ff.