Le processus étant réversible, il est possible de produire un gradient de température à partir d'une tension électrique dans le même type de circuit, c'est-à-dire produire du froid d'un coté tout en réchauffant l'autre, suivant le sens du courant appliqué. Il s'agit de l'effet Peltier.
Ce phénomène physique est découvert en 1787 par Alessandro Volta[1] et redécouvert par le physicien allemand Thomas Johann Seebeck en 1821. Ce dernier remarque que l'aiguille d'une boussole est déviée lorsqu’elle est placée entre deux conducteurs de natures différentes et dont les jonctions ne sont pas à la même température T (voir figure). Il explique alors ce phénomène par l’apparition d’un champ magnétique, et croit ainsi fournir une explication à l'existence du champ magnétique terrestre. Ce n’est que bien plus tard que fut comprise l’origine électrique du phénomène. La découverte de l'effet inverse sera faite en 1834 par le physicien Jean-Charles Peltier.
L’utilisation la plus connue de l’effet Seebeck est la mesure de température à l’aide de thermocouples. Cet effet est également à la base de la génération d'électricité par effet thermoélectrique.
Principes
La figure ci-contre montre le circuit thermoélectrique de base. Deux matériaux conducteurs de natures différentes a et b sont reliés par deux jonctions situées aux points X et W. Dans le cas de l’effet Seebeck, une différence de température dT est appliquée entre W et X, ce qui entraîne l’apparition d’une différence de potentiel dV entre Y et Z.
En circuit ouvert, le coefficient Seebeck du couple de matériaux, Sab, ou pouvoir thermoélectrique, est défini par :
Si pour TW > TX la différence de potentiel est telle que VY > VZ, alors Sab est positif.
Le coefficient Seebeck de chacun des matériaux est lié au coefficient du couple par la relation :
Le coefficient Seebeck s'exprime en V.K-1 (ou plus généralement en µV.K-1 au vu des valeurs de ce coefficient dans les matériaux usuels).
où Πab est le coefficient Peltier du couple, T est la température (en kelvins) de la jonction considérée, et τa le coefficient Thomson d'un des matériaux.
Mesure du coefficient Seebeck
Dans la pratique, le coefficient Seebeck ne peut être mesuré que pour un couple de matériaux. Il est donc nécessaire de disposer d'une référence. Ceci est rendu possible par la propriété des matériaux supraconducteurs d’avoir un coefficient Seebeck S nul. En effet, l’effet Seebeck est lié au transport d’entropie par les porteurs de charge au sein du matériau (électrons ou trous), or ils ne transportent pas d’entropie dans l’état supraconducteur. Historiquement, la valeur de Sab mesurée jusqu’à la température critique de Nb3Sn (Tc=18 K) pour un couple Pb-Nb3Sn permit d’obtenir SPb jusqu’à 18 K. La mesure de l’effet Thomson jusqu’à la température ambiante permit ensuite d’obtenir SPb sur toute la gamme de température, ce qui fit du plomb un matériau de référence.
Dispositif expérimental
Le principe de la détermination du coefficient Seebeck repose sur la détermination d'une différence de potentiel induite par une différence de température connue (voir schéma).
Un échantillon dont le coefficient Seebeck est inconnu (Sinconnu) est fixé entre un bain thermique à la température T, qui évacue de la chaleur, et une chaufferette à la température T+dT qui fournit de la chaleur à l'échantillon. Celui-ci est donc soumis à un gradient de température, et une différence de potentiel apparaît.
Deux thermocouplesde même nature, généralement un alliage or+fer, du chromel ou du constantan, dont le coefficient Seebeck est connu (Sref) sont fixés sur l'échantillon aux points a et b. Ces thermocouples permettent à la fois de mesurer les potentiels Va et Vb et les températures Ta et Tb. Le coefficient Seebeck du matériau est alors obtenu par la relation :
Coefficient Seebeck de quelques métaux à 300 K
Il est notable que deux métaux très courants et bon marché ont des coefficients Seebeck parmi les plus élevés en valeur absolue, mais de signes opposés : le fer (+11,6 µV/K) et le nickel (−8,5 µV/K). Ils constituent une paire a priori idéale pour la constitution d'un générateur thermoélectrique : le fer est sensible à la corrosion, mais une couche de nickel déposée dessus le protège, ce qui permet de constituer une paire diélectrique à partir d'une seule et unique fine plaque de fer nickelé. Dans certaines applications, l'efficacité est augmentée en les superposant en sandwich avec un bon conducteur électrique comme le cuivre qui sert à récupérer le potentiel induit dans les plaques de fer nickelé.
Toutefois le thermocouple obtenu a une résistance relativement élevée et induit également un effet ferromagnétique qui génère une impédance élevée. En pratique, un tel assemblage permet d'en faire un capteur de température fonctionnant à faible puissance et en courant quasi-continu pour alimenter le drain d'un transistor amplificateur de puissance, destiné à en faire un instrument de mesure de température. Toutefois des coefficients beaucoup plus élevés sont obtenus avec des semi-conducteurs dopés à structure cristalline complexe mais régulière (donc non amorphe, pour une bonne conductivité électrique) et dont le dopage ne rompt pas cette structure.
La table ci-dessous n'est valable que pour les composés purs (non dopés) dans leur structure cristalline normale. Elle prend comme métal de référence le Hafnium, qui est un des meilleurs conducteurs existants à température ambiante (~ 300 K) et dont le coefficient de Seebeck est alors fixé à zéro, même s'il est difficile à produire très pur (il reste souvent significativement dopé au zirconium).
Il est possible de produire des matériaux thermoélectriques qui convertissent de la chaleur en thermoélectricité sans pièces mécaniques ni mouvement. Mais jusqu'à récemment, le potentiel de production électrique était si faible qu'il n'était pas considéré comme rentable à grande échelle ou pour des productions importantes. On estime généralement son rendement (rapport entre énergie électrique récupéré et l'énergie thermique fournie), calculé à partir des coefficients Seebeck individuel des deux matériaux, à 10 %[2]. Il était réservé aux coûteuses piles atomiques des sondes spatiales, fonctionnant à très basses températures dans le vide spatial (−120 °C pour la face non exposée d'un satellite[3]), ou pour alimenter de petits « moteurs » silencieux.
En 2015, des travaux de recherche universitaires laissent entrevoir de rendements bien plus importants grâce à l’utilisation de certains oxydes présentant de très bons coefficients de conversion énergétique, qui sont en outre résistants à la chaleur et non toxiques. Des tests ont permis d'obtenir des valeurs de thermoélectricité record[Combien ?], à basses températures[2]. Dans le futur, des machines thermiques, moteurs de voitures ou processeurs d'ordinateurs pourraient convertir en électricité la chaleur qu'ils dissipent.
Parmi les substances testées (qui doivent aussi présenter certaines caractéristiques en matière de conductivité thermique et conductivité électrique) figurent aussi les chalcogénures et oxydes de molybdène[4] et surtout deux oxydes LaAlO3 et SrTiO3[5]. Selon Jean-Marc Triscone (de l'UNIGE), « d'une façon aussi surprenante, elles nous indiquent la présence d'électrons piégés dans le matériau », un état électronique depuis longtemps recherché, mais jamais observé, précise Daniele Marré (de l'Université de Gênes et associé au CNR-SPIN)[5]. Un modèle théorique d'interprétation de ce comportement des atomes a été développé[5].
Une application envisageable concerne les zones isolées du réseau de distribution ; l'électricité pourrait alors être produite par un poêle à bois équipé d'un générateur thermoélectrique. Cette solution serait plus fiable que des panneaux solaires. Des modules thermoélectriques à placer entre la plaque de cuisson et une casserole sont commercialisés[6].
↑(en) Lukyan Anatychuk, John Stockholm et Giorgio Pastorino, « On the discovery of thermoelectricity by A. Volta », Proceedings of the 8th European Conference on Thermoelectrics, Côme, 2010, pages 15-18 (lire en ligne [PDF]).
Jaworski, C. M., Yang, J., Mack, S., Awschalom, D. D., Myers, R. C., & Heremans, J. P. (2011). Spin-Seebeck effect: A phonon driven spin distribution. Physical review letters, 106(18), 186601 (résumé).
Uchida, K. I., Adachi, H., Ota, T., Nakayama, H., Maekawa, S., & Saitoh, E. (2010). Observation of longitudinal spin-Seebeck effect in magnetic insulators. Applied Physics Letters, 97(17), 172505 (résumé).
Walter, M., Walowski, J., Zbarsky, V., Münzenberg, M., Schäfers, M., Ebke, D., ... & Heiliger, C. (2011). Seebeck effect in magnetic tunnel junctions. Nature materials, 10(10), 742-746.