Comme vous le savez sans doute, Jérémie participait assidûment et depuis longtemps à Wikipédia et à de nombreux autres projets, comme le Wiktionnaire, Wikimedia Commons ou Wikidata. En plus de dix ans, il a eu le temps d'y tisser des liens d'amitiés, aussi bien via des échanges en ligne que via des rencontres « dans la vraie vie ». L'annonce du décès de Jérémie a provoqué nombre de réactions au sein de la communauté « Wikipédia ». Pour nous tous, il était Coyau. Pour lui rendre hommage, nous — ses nombreux amis « Wikipédiens » — avons rédigé cet éloge, ensemble et collaborativement, comme sans doute il aurait aimé que cela soit fait.

Notre globe en puzzle perd une de ces précieuses pièces. Les témoignages sont nombreux, tant il a touché un grand nombre de personnes dans notre communauté. Les mots qui reviennent le plus souvent évoquent son érudition, son humour, sa force de travail, son implication et sa gentillesse. Malgré sa discrétion, il a laissé une empreinte marquante sur tous les projets de partage de la connaissance. Et s'il contribuait toujours sans compter, nous avons fait le compte pour lui : en 10 ans, ce sont des milliers d'heures, plus d'un million de contributions et plus de 10 000 photos qu'il a librement partagées.

Éclectique, il contribuait sur tous les sujets. D'une part parce que son intelligence lui permettait d'appréhender les subtilités de nombreux domaines ; intelligence notamment rappelée par Sandrine Vallée de la Cité de la céramique de Sèvres dont il a photographié les différents métiers ces trois dernières années. D'autre part, parce qu'il refusait de hiérarchiser les savoirs. Un article, une photo, un dessin, une partition de musique, une entrée de dictionnaire, un élément wikidata : tout, pour lui, était digne d'être partagé. On pouvait ainsi le voir rédiger une notice sur une œuvre d'art ou retranscrire une partition de musique, passion familiale dont il nous avait fait part. Puis il allait photographier un ballon dégonflé dans un arbre, filmer le montage d'un échafaudage près de chez lui, le pigeon du coin ou la collection de cafetières de sa mère. Difficile de le suivre tant ses connaissances et ses centres d'intérêts étaient variés.

Heureusement, et comme toute personne digne d'être connue, il n'était pas parfait. Capable d'oublier de prendre sa carte d'identité pour se rendre en Suisse rejoindre des amis, il était aussi parfois incapable de se lever assez tôt pour en rejoindre d'autres en sortie wikipédienne.

Personnage entier, refusant les distinctions, les récompenses, les cartes de membre et les adhésions, il savait esquiver avec ironie et autodérision toutes les breloques honorifiques. Impossible à ranger dans une case et à cataloguer, il savait se rendre toujours indispensable sans jamais se croire irremplaçable. Ses côtés irrévérencieux et iconoclaste, son humour pince-sans-rire, et ses blagues vaseuses, paradoxalement associés à la rigueur et au souci du détail de ses contributions wikipédiennes, font certainement de lui le plus sérieux des contributeurs qui ne se prennent pas au sérieux.

Coyau, pour nous, c'était aussi ces soirées interminables, parfois bien arrosées d'alcool de sapin, à l'écouter parler du dernier nanard, des films d'animation Barbie qu'il nous a fait découvrir ou à refaire le monde. C'était des traversées de Paris à pieds ou à vélo... jamais en voiture ni en transport en commun. C'était une égale humeur à visiter le château de Versailles ou un squat dans un immeuble abandonné. C'était une information ou une anecdote partagée en quelques mots anodins devant un bâtiment ancien, un film, une musique. C'était un compagnon joyeux, un puits de savoir et une personne d'une très grande modestie. C'était un ami.