Elle a effectué des recherches pour l'ethnologie conjointement avec son premier mari, Claude Lévi-Strauss et a notamment eu pour élève Françoise Héritier.
Entre 1935 et 1938, Dina Dreyfus participe à la mission culturelle française de la nouvelle université de São Paulo et donne un cours d'ethnologie qui attire un grand public. Avec Mário de Andrade, elle fonde la première société d'ethnologie du Brésil et publie son premier texte, en portugais. Entre 1936 et 1938, elle mène des enquêtes chez les Bororo et les Nambikwara, avec son mari et leur jeune collègue brésilien Luiz de Castro Faria. En 1938, elle doit quitter l'expédition à cause d'une infection oculaire et rentre à São Paulo, puis à Paris. Le couple Lévi-Strauss se sépare en 1939. Le divorce est prononcé au plus tard en 1945, quand Claude se remarie[2].
En 1937, des objets collectionnés auprès des Bororo sont exposés à Paris dans une exposition dont le titre « Indiens du Mato-Grosso (Mission Claude et Dina Lévi-Strauss) », reconnaissait la contribution scientifique des époux. Pourtant, après leur séparation, Dina Dreyfus ne publie plus rien en ethnologie. Sa contribution aux recherches de terrain en particulier auprès des groupes de femmes, les seules que Claude Levi-Strauss ait jamais entreprises, est largement oubliée. Dans Tristes Tropiques, Claude Lévi-Strauss ne mentionne son ex-compagne qu'une seule fois, pour son départ de l'expédition ; dans son album Saudades do Bresil, Levi-Strauss exclut toutes les photographies qui la représentent. Ce n'est qu'en 2001 que paraissent enfin des documents photographiques authentiques et non retouchés de l'expédition attestant l'important travail de terrain de Dina[2].
Après la guerre, Dina Dreyfus enseigne à nouveau la philosophie, d'abord en classe préparatoire à Versailles et au lycée Molière de Paris. Elle tient pendant longtemps la chaire de philosophie de première supérieure du lycée Fénelon, tout en étant parallèlement chargée de cours à la Sorbonne auprès de Vladimir Jankélévitch.
Quittant la khâgne de Fénelon, elle est nommée en 1962 « Inspecteur[3] de l'Académie de Paris », et se consacre aux questions de pédagogie et de didactique de la philosophie. Avec son collègue Claude Khodoss, elle publie en décembre 1965 un article fondateur qui contribue à la mise en place de nouveaux programmes d'enseignement de la matière dans les lycées[4]. Elle devient alors la première femme à être nommée à l'Inspection générale de philosophie. Elle travaille à la modernisation de la discipline, intégrant entre autres les nouveaux médias parmi les dispositifs pédagogiques. Elle inaugure ainsi les premières émissions de radio télévision scolaire en philosophie, réalisées de 1964 à 1968 par Jean Fléchet, avec la collaboration d'Alain Badiou[5].
Instruções práticas para pesquisas de antropologia física e cultural, Boletim da Sociedade de Etnografia e Folclore, São Paulo, 1936.
Indiens du Mato-Grosso (Mission Claude et Dina Lévi-Strauss), catalogue, 1937.
La Transcendance contre l'Histoire chez Simone Weil, Mercure de France 1053 (1951).
Imposture et Authenticité dans l'Œuvre de Bernanos, Mercure de France 1069 (1952).
Cinéma et langage, DIOGÈNE - revue trimestrielle publiée sous les auspices du Conseil International de la Philosophie et des sciences humaines et avec l'aide de l'UNESCO / Gallimard (1961)
Freud : Psychanalyse, textes choisis, coll. « Les grands textes », Paris : PUF, 1963.
Présentation des émissions de philosophie à la télévision, in L'Éducation nationale, no 36 (1964), repris dans Cahiers philosophiques, no 55 (1993).
(Avec Claude Khodoss) « L’enseignement philosophique », Les Temps Modernes, no 235, décembre 1965, p. 1001-1047.
(Avec Florence Khodoss) Hume : L'Homme et l'expérience, textes choisis, coll. « Les grands textes », Paris : PUF, 1967.
Figures de la pensée philosophique : écrits de Jean Hyppolite, 1931-1968, coll. « Epiméthée », Paris : PUF, 1971.
Le temps des philosophes, textes des émissions de philosophie conçues par Dina Dreyfus en 1965 et 1966 repris dans Cahiers philosophiques, n° hors série (juin 1993).
Écrits, édités et présentés par Christiane Menasseyre et Bertrand Saint-Sernin, Paris : Hermann, 2013.
Notes et références
Bibliographie
Bertrand Saint-Sernin, « Dina Dreyfus ou la raison enseignante », Les Temps modernes, vol. 44, no 516, , p. 142-157.
(de) Ellen Spielmann et Antonio Arnoni Prado, Das Verschwinden Dina Lévi-Strauss' und der Transvestismus Mário de Andrades : Genealogische Rätsel in der Geschichte der Sozial- und Humanwissenschaften im modernen Brasilien, Berlin, Wissenschaftlicher Verlag Berlin, , 105 p. (ISBN978-3-936846-16-4).
Annabelle Bonnet, « Dina Dreyfus et Simone de Beauvoir, deux horizons pour des temps nouveaux », in La Barbe ne fait pas le philosophe. Les femmes et la philosophie en France (1880-1949), CNRS Éditions, 2022, p. 289-309.
↑Première femme à être nommée, quelques années plus tard, « inspecteur générale de philosophie », elle a toujours refusé la féminisation du nom de sa fonction.
↑Les nouveaux programmes n'entrent en vigueur qu'en 1973 après de longues délibérations, mais trouvent leur point de départ dans le projet de février 1966 de l'Inspection générale. Sur cette histoire et le rôle de l'article de Dreyfus et Khodoss, voir Bruno Poucet, Enseigner la philosophie : histoire d'une discipline scolaire 1860-1990, CNRS éditions, 2002, chapitre 12, p. 331-357.