Quittant le Brésil et s'installant à Berlin en 1899, il devient connu sous le nom de Dina Alma de Paradeda. La prétendue comtesse déménage à Paris, où elle est très en vue. Durant l'été 1906, elle tombe amoureuse d'un instituteur de Breslau. Sans le mettre au courant de son sexe, Paradeda se fiance avec lui et s'installe dans un appartement à Breslau. Les amis de l'instituteur découvrent que Paradeda est un homme par son beau-père, un médecin de Berlin. L'instituteur rompt les fiançailles et un médecin vient pratiquer un examen de Paradeda. Celle-ci feint d'accepter et ingère secrètement du poison avant qu'on ait le temps de l'ausculter. Face à la découverte de son identité masculine, la presse allemande de l'époque la surnomme die männliche Braut (« la Fiancée mâle »).
Né en 1871 à Rio de Janeiro au Brésil, Alfred P. est le fils d'une Brésilienne et d'un médecin allemand, et avait au moins un frère. Devenue veuve, sa mère épouse un autre médecin allemand, puis meurt à Rio avant 1925, dans un hôpital psychiatrique où son autre fils était toujours interné[1].
Très riche, Paradeda réside à Berlin à partir de 1899, attirant l'attention par ses toilettes luxueuses, éveillant des doutes sur son identité de genre[2]. Paradeda devient rapidement célèbre dans les bals populaires homosexuels[4], se présentant comme un marquis brésilien ou une marquise de Paris[2]. La mystification est telle que Paradeda reçoit une permission de travestissement en homme de la police de Berlin[5]. Le riche héritier s'installe dans la capitale française, se faisant connaître comme « comtesse » de Paradeda. On remarque ses nombreux et magnifiques vêtements, ses cosmétiques onéreux et son entretien d'une importante maisonnée[1].
Sa haute stature et sa voix, fluctuant entre le grave et l'aigu, font douter quelques personnes de son identité, mais son tour de taille fin (52 cm) et ses petits pieds étaient vus comme trop féminins pour être ceux d’un homme. Par sa conversation charmante, la « comtesse » donne des détails de la vie brésilienne et de la haute société parisienne, où elle était très appréciée et les soupçons sur son identité s'éteignent[1].
Breslau
En 1906, Paradeda tombe sous le charme d'un dénommé Meyer[6], un modeste instituteur de Breslau, installé à Paris pour apprendre le français. Ils se fiancent, mais Meyer n'est pas au courant du travestissement de la Paradeda[7]. Il retourne chez lui après ses études et Paradeda le suit le . La « comtesse » loge dans une élégante pension de famille de Breslau en attendant de régler les papiers du mariage ; la fille de sa logeuse l’appelle affectueusement « tante Didi ». Paradeda voit régulièrement son fiancé, leurs rencontres sont très cordiales et affectives. L'instituteur se rend compte que sa fiancée est d'une jalousie maladive envers ses amis, et plusieurs ont des doutes sur sa féminité. Dans leurs recherches, ils retrouvent le beau-père de Paradeda à Berlin, qui leur dit avoir un beau-fils appelé Alfred mais aucune belle-fille appelée Alma[1].
Décès
Meyer confronte la « comtesse », qui n'avoue rien et menace de se suicider si son fiancé rompt sa promesse de mariage. Il le fait malgré tout et signale Paradeda à la police. Le , un inspecteur de police se rend à son appartement, mais ne trouve aucune raison d'intervenir contre elle. Cette intervention affole cependant Paradeda, qui demande son médecin de confiance, qui l'avait déjà auscultée pour une « oppression thoracique ». Celui-ci étant indisposé, il envoie son assistant, qui trouve la Paradeda entièrement désespérée en raison de sa rupture[1]. La « comtesse » refuse qu'il lui fasse un examen physique. Comme l'assistant insiste, Paradeda demande à se préparer dans une pièce voisine, où elle s'empoisonne. Revenue rapidement, elle dit : « Voilà, docteur ! » Soudainement, elle vomit, convulse et meurt dans les bras de l'assistant, désemparé[1].
On découvre à l'autopsie que la « comtesse » est de sexe mâle, que ses seins et ses hanches sont factices, et que sa longue chevelure est une perruque. Selon l’Albuquerque Evening Citizen, à sa mort en décembre 1906, cela faisait vingt ans que Paradeda se travestissait. La découverte du sexe de sa fiancée est un tel choc pour Meyer qu'il en tombe malade[6]. Les journaux germanophones s'emparent rapidement de l'affaire, Paradeda est surnommée die männliche Braut (« la fiancée mâle »)[1]. La mort de Paradeda est aussi relayée par des journaux étrangers[8],[6].
Postérité
S'inspirant de l'affaire, Walter Homann écrit et publie Tagebuch einer männlichen Braut (« Journal d'une fiancée mâle ») en 1907[9] ; le roman est un succès d'édition[10].
Identité de genre
Le médecin et sexologueMagnus Hirschfeld a rencontré Paradeda à plusieurs reprises à Paris, ce qui lui a permis de donner plusieurs détails sur sa vie et d'aborder son cas dans ses œuvres. Hirschfeld est formel sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une femme transgenre, mais bien d'un homme homosexuel et travesti[11],[12]. Suivant l'opinion des médecins de son temps, il considérait Parededa comme un malade mental, et il soutient son opinion en s'appuyant sur l'internement de la mère et du frère de la « comtesse »[1].
D'après ce que lui dit son confrère Hirschfeld, Franz Ludwig von Neugebauer voit Paradeda comme un homosexuel efféminé et fétichiste des vêtements féminins[2].
↑(de) Harald Neckelmann, Die Geschichte von Lili Elbe: Ein Mensch wechselt sein Geschlecht, be.bra verlag, (ISBN978-3-8393-0140-1, lire en ligne), p. 10
↑(en) Ace Lehner, « The Future Is More than Female: Post-Feminist Trans/Feminism in Contemporary Art », dans Expanding the Parameters of Feminist Artivism, Springer International Publishing, (ISBN978-3-031-09377-7, DOI10.1007/978-3-031-09378-4_15, lire en ligne), p. 287–307
Voir aussi
Bibliographie
: Tout ou une partie de cet ouvrage a servi comme source à l'article.
(de) Franz Ludwig von Neugebauer, Hermaphroditismus beim Menschen, Leipzig, Werner Klinkhardt, , 764 p. (lire en ligne).
(de) Magnus Hirschfeld, Die Homosexualität des Mannes und des Weibes, Berlin, , 1067 p. (lire en ligne).
(de) Magnus Hirschfeld, Die Transvestiten, Leipzig, , 572 p. (lire en ligne).