La delphinidine fait partie avec la cyanidine, la pélargonidine, la malvidine, la péonidine et la pétunidine, des principaux anthocyanidols rencontrés dans la nature. Dans ce groupe, elle se caractérise par la présence de trois groupements hydroxyles en position 3', 4' et 5' sur le cycle aromatique B (voir la numérotation dans la table 1).
En raison de son noyau flavylium possédant une forte réactivité avec les nucléophiles, la delphinidine est une molécule relativement instable et donc pratiquement absente sous forme libre dans les tissus végétaux[3].
L'addition d'un sucre en position C-3 (par O-glycosylation) lui confère une meilleure stabilité et solubilité. Les hétérosides formés par condensation de la delphinidine et d'un ose font partie de la famille des anthocyanosides ou anthocyanes, une vaste famille de pigments colorés.
La delphinidine est l'aglycone le plus fréquent dans la nature après la cyanidine, puisque 22 % des anthocyanosides sont construits à partir de la delphinidine.
La delphinidine et ses dérivés possèdent une activité anti-oxydante notable.
En comparant la capacité in vitro à piéger les radicaux libres du DPPH•[N 1] par les anthocyanidols et leur 3-glucosides, Azevedo et als[4] (2010) ont montré que l'activité antiradicalaire était la plus grande pour la delphinidine et son 3-glucoside puis venait la cyanidine et la malvidine (et leur 3-glucosides). Plusieurs études épidémiologiques ont montré l'effet protecteur contre les maladies coronariennes et cardiovasculaires de la consommation d'anthocyanosides[5].
La base phenol-explorer[6] recense 13 hétérosides de delphinidine présent dans les fruits et légumes :
Table 1Hétérosides de delphinidine dans les aliments
Les hortensias (Hydrangea) peuvent fleurir rouge ou bleu suivant l'acidité du sol et la présence d'aluminium. Dans un sol basique, les sépales sont rouge fuchsia, mais s'il est acide, ils sont bleu pourpre.
Hydrangea macrophylla
1 Cation flavylium de Delphinidine-3-glucoside de couleur ROUGE FUCHSIA
2 Complexe de la base quinonique de Del-3-gl avec Al3+ de couleur BLEU MAJORELLE
Il est surprenant d'apprendre que toute cette palette de couleurs vient d'un seul anthocyanoside, le 3-glucoside de delphinidine (1), car en général, les fleurs rouges et bleues ont des chromophores anthocyanidoliques différents.
Yoshida et als ont pu mesurer le pH des vacuoles des cellules colorées qui se trouvent dans la seconde couche des sépales[9]. Lorsque les sépales sont rouges le pH est faible (pH=3.3) donc relativement acide mais il l'est un peu moins quand ils sont bleus (pH=4.1). L'acidité des vacuoles évolue inversement à celle du sol de culture. C'est cette acidité vacuolaire qui explique le passage sous forme de cation flavylium rouge[N 3] de la delphinidine. Mais pour bien comprendre le bleuissement de l'hortensia deux autres facteurs interviennent : des cations métalliques d'aluminium Al3+ et des co-pigments : 3 l'acide 3-caféylquinique (3-Caf), 4 l'acide 3-p-coumarylquinique (3-pC) et 5 l'acide 5-caféylquinique (5-Caf) (ou acide chlorogénique). Dans les vacuoles des cellules bleues, la concentration relative d'ions Al3+ et des co-pigments d'acides 3-acylquiniques 3 et 4 (3-Caf et 3-pC) est beaucoup plus élevée que dans les cellules rouges (où 5-Caf est en grande quantité plutôt que 3-Caf et 3-pC). La présence de ces co-pigments est essentielle pour la stabilité de la couleur bleue. Kondo et als[10] ont proposé un schéma de formation d'un complexe dans lequel, au centre, l'ion Al3+ coordonne le pigment 1 de delphinidine-3-glucoside et coordonne simultanément les atomes d'oxygène des co-pigments[11].
Pigment bleu d'hydrangea (modèle de Kondo et als[10])
Dans les sols acides, les racines de l'hortensia sécrètent de l'acide citrique qui forme un complexe avec Al3+ du sol pouvant être ensuite absorbé par les racines. Cet aluminium est subséquemment transporté dans la plante et s'accumule dans les vacuoles. Par contre dans les sols basiques, les ions Al3+ ne sont pas absorbables par les plantes. L'aluminium joue donc le rôle central dans le bleuissement du pigment normalement rouge du flavylium (en sol basique mais milieu acide de la vacuole). C'est la chélation (par des liaisons de coordination) entre ce cation métallique et le ligand anthocyanidolique qui provoque le déplacement de l'absorbance vers des longueurs d'onde plus grandes.
Le déplacement vers le bleu[N 4] de la couleur perçue peut se faire comme pour l'hortensia, par la formation d'un complexe avec un métal, mais aussi très souvent par une association entre le pigment anthocyanidolique et un co-pigment incolore, ou jaune clair tel qu'un glycoside de flavone qui vient s'empiler sur la molécule. C'est le cas par exemple, de la couleur bleue de la véronique.
Le pigment coloré de la Véronique de Perse (Veronica persica) est un glycoside de delphinidine (1) qui a été identifié[N 5] dans les pétales. L'autre flavonoïde important à avoir été identifié est un dérivé de l'apigénine (2) de la famille des flavones[N 6]. Le rôle de co-pigment de ce composé a été parfaitement démontré in vitro. Le déplacement du pic d'absorption du glycoside de delphinidine 1 vers les grandes longueurs d'onde a été observé[12] d'une manière dépendante de la dose quand on lui ajoute le co-pigment 2 (le glucuronide d'apigénine). Dans les pétales, le pigment 1 et le co-pigment 2 sont dans un rapport molaire de 1 pour 9 capable de donner la belle couleur bleu ciel typique des véroniques.
↑2,2-diphényl 1-picrylhydrazyl .Quand un agent antiradicalaire est ajouté au DPPH•, l’électron libre est apparié et la couleur pourpre change en jaune. L'effet se mesure par l'absorbance à 515 nm
↑(en) AFAQ Farrukh; SYED Deeba N.; MALIK Arshi; HADI Naghma; SARFARAZ Sami; KWEON Mee-Hyang; KHAN Naghma; MOHAMMAD ABU ZAID; MUKHTAR Hasan, « Delphinidin, an anthocyanidin in pigmented fruits and vegetables, protects human HaCaT keratinocytes and mouse skin against UVB-mediated oxidative stress and apoptosis », Journal of investigative dermatology, vol. 127, no 1, , p. 222–232 (PMID16902416, DOI10.1038/sj.jid.5700510)
↑P. Sarni-Manchado, V. Cheynier, Les polyphénols en agroalimentaire, Lavoisier, Editions Tec & Doc, , 398 p. (ISBN2-7430-0805-9)
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