Danse des sept voiles

Maurycy Gottlieb : La Danse de Salomé (1879).

Dans plusieurs œuvres remarquables de la culture occidentale, la danse des sept voiles (qu'on présente généralement comme exécutée par Salomé) est un des développements apportés au récit biblique de l'exécution de Jean-Baptiste. Les détails qui ont enrichi l'histoire dans les écrits apocryphes tardifs du christianisme ont donné le nom de cette danse, et indiqué son objet : enflammer le roi Hérode Antipas d'un désir incestueux pour qu'il traitât Jean-Baptiste comme sa belle-fille le souhaitait.

Les récits

Le récit biblique

Selon Matthieu 14 et Marc 6, Jean-Baptiste fut emprisonné pour avoir critiqué le mariage du tétrarque Hérode Antipas avec Hérodiade, qui avait été la femme d'Hérode II (appelé aussi par les historiens modernes Hérode Philippe Ier ou Hérode Boëthos), fils d'Hérode le Grand et frère d'Hérode Antipas. Hérodiade avait répudié son époux pour se marier avec Antipas, un scandale chez les juifs et un viol de la Torah. Comme Hérode Antipas avait promis à sa nièce et belle-fille une récompense de son choix si elle acceptait de danser pour son anniversaire, Hérodiade persuada sa fille de demander la tête de Jean-Baptiste sur un plateau en échange de sa danse. Contre sa volonté profonde, Antipas dut accéder à cette requête.

Le récit de Flavius Josèphe

L'historien Flavius Josèphe donne le nom de Salomé à la belle-fille d'Hérode, mais ne fait aucune mention d'une danse[1].

Origine mythologique possible

La danse des sept voiles a peut-être son origine dans le mythe de la déesse Ishtar et du dieu Tammuz[2] qui appartiennent aux croyances assyriennes et babyloniennes[3]. Selon ce mythe, après la mort de Tammuz, l'amant d'Ishtar, la déesse s'approcha des portes des enfers et voulut à tout prix que le gardien leur ouvrît. Le gardien la laissa pénétrer dans le monde souterrain, en n'ouvrant qu'une porte à chaque fois. À chacune d'entre elles, Ishtar devait se dépouiller d'un vêtement, si bien qu'elle se retrouva nue après avoir passé enfin la septième porte. De colère elle se jeta sur Ereshkigal, déesse des Enfers, mais celle-ci ordonna à sa servante Namtar d'emprisonner Ishtar et de déchaîner contre elle soixante maladies. Après la descente d'Ishtar vers le monde inférieur, toute activité sexuelle cessa sur la terre. Papsukkal, le dieu-messager, rapporta la situation au roi des dieux, Ea. Celui-ci créa un eunuque appelé Asu-shu-Namir et l'envoya vers Ereshkigal, en lui demandant d'invoquer contre elle « le nom des grands dieux » et de lui réclamer le sac contenant l'eau de la vie. Ereshkigal fut prise d'une rage folle en entendant ce qu'on lui demandait, mais elle ne pouvait que céder. Asu-shu-Namir aspergea Ishtar de cette eau, ce qui la ramena à la vie. Ishtar refit alors le chemin inverse en passant par les sept portes (sans Tammuz malheureusement) en recevant une pièce de vêtements à chacune, et elle était entièrement habillée quand elle franchit la dernière porte.

Références culturelles

Gaston Bussière : La Danse des sept voiles ().

Salomé, la pièce d'Oscar Wilde, et l'adaptation qu'en a faite Richard Strauss dans son opéra utilisent toutes les deux la danse des sept voiles. Celle-ci reste anonyme sauf dans les indications scéniques, mais c'est la fascination sexuelle que Salomé éprouve pour Jean qui semble motiver sa demande, même si on nous montre qu'Hérodiade en a été heureuse. La musique si fameuse de la danse des sept voiles est presque le point culminant de l'opéra. Le contenu visuel de cette scène (sept minutes environ avec les tempos standard) a varié considérablement selon les notions esthétiques du metteur en scène, du chorégraphe, et du soprano, ainsi que selon l'adresse chorégraphique et l'aspect physique de la cantatrice.

Au début du XXe siècle, Ida Rubinstein et Maud Allan se firent une spécialité de la danse des sept voiles, subissant les foudres de la censure.

L'interprétation de cette danse par Rita Hayworth est un moment fort du film Salomé ().

Dans le film tourné par Nicholas Ray en , Le Roi des rois, Salomé, interprétée par Brigid Bazlen, effectue une danse du même genre[4], sa façon voluptueuse de séduire le vieil ivrogne libidineux qu'est Hérode Antipas lui vaut encore tous les éloges et à l'heure actuelle on y voit généralement la meilleure performance de Bazlen[5],[6].

Le point culminant du roman de Tom Robbins Skinny Legs and All évoque Salomé, une mystérieuse danseuse du ventre, en train de se livrer à une version de la danse des sept voiles qui dure des heures. À chacun de ses voiles qui tombe, le personnage principal en arrive à une révélation sur la vie.

En anglais, l'expression « faire la danse des sept voiles » est une métaphore qui désigne la révélation progressive d'une information, où l'on va d'étape en étape, quitte à faire languir ses interlocuteurs[7].

Guillaume Apollinaire écrit dans son recueil Alcools, le poème Salomé[8].

Notes et références

Notes

Références

  1. On lit dans les Antiquités juives de Flavius Josèphe (Livre XVIII, Chapitre 5, 4) :

    « Hérodiade, [..], épousa Hérode, le fils d'Hérode le Grand, qui était né de Mariamne (troisième femme d'Hérode), fille de Simon le Grand-Prêtre, qui avait une fille, Salomé ; après la naissance de laquelle Hérodiade la prit avec elle pour outrager les lois de notre pays, et divorça de son mari alors qu'il était en vie, et épousa Hérode Antipas, le frère de son mari du côté paternel, il était tétrarque de Galilée ; mais sa fille Salomé épousa Hérode Philip II, fils d'Hérode et tétrarque de Trachonitis ; et comme il mourut sans enfants, Aristobule, fils d'Hérode de Chalcis, le frère d'Agrippa, se maria avec elle ; ils eurent trois fils Hérode, Agrippa et Aristobule. »

    .
  2. On trouvera ici traduit en anglais le texte babylonien de la descente aux enfers de la déesse Ishtar.
  3. Mireille Dottin-Orsini, « Le Développement du mythe de Salomé », Catalogue de l'Exposition Salomé dans les collections françaises (Musées de Saint-Denis, Tourcoing),‎ , p. 13 (lire en ligne, consulté le )
  4. King of Kings - Variety.
  5. Nicholas Ray's - King of Kings - DVD Review Jeffrey Hunter DVD Review Nicholas Ray King of Kings DVD Review Jeffrey Hunter DVD Review
  6. King of Kings (1961) - Ferdy on Films, etc..
  7. Cette expression apparaît fréquemment dans les romans d'espionnage de John le Carré, notamment La Taupe, Comme un collégien et Les Gens de Smiley.
  8. « Alcools, Salomé », sur fr.wikisource.org (consulté le )

Article connexe

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