Il vit son enfance dans le quartier du Roule à Cherbourg. Il en évoque les murs de schiste dans plusieurs poèmes :
J'ai vécu pour garder mémoire
D'une enfance qui mérita
L'amitié du schiste et du lierre
— Daniel Lefèvre, Haute fidélité, 1972-1980
Dès l'enfance, Daniel Lefèvre écrit des poèmes. Un poème de 1946 (il a alors neuf ans) fête la victoire des Alliés en Normandie… Ensuite, on trouve des poèmes de facture très classique, des "Vieux Coppées" ; on sent les influences successives des poètes qu'il découvre avec boulimie ; on passe de poèmes dédiés à José-Maria de Heredia, à une période parnassienne… À cette période, Daniel Lefèvre publie régulièrement des vers rimés dans La Lyre normande et reçoit même un prix. À l'adolescence, il rompt avec cette poésie classique et adopte les vers libres[3].
Daniel Lefèvre fait des études littéraires à Caen et à Paris, au cours desquelles il rédige un mémoire sur Tristan Corbière. Agrégé de lettres classiques, il enseigne au lycée Malherbe de Caen et termine sa carrière comme professeur de lettres classiques en hypokhâgne dans ce lycée. Il y enseigne le latin et la littérature. L'originalité de son regard conduit à un enseignement de la poésie qui marque[4].
Il fait son service militaire dans la marine nationale à Hourtin puis à Paris, en 1962-1963, période qu'il évoque dans les poèmes assez noirs du Château pourrissant :
Trois cents corps
Pêle-mêle
Dans la fosse commune du sommeil
Trois cents corps
Pêle-mêle
Avec leurs secrets fragiles
Pendant que le ciel
Tourne très lentement au-dessus de ma tête
Pendant que la nuit
Fait rouler sur ma chair son torrent de chair noire
Jusqu'au jour
— Daniel Lefèvre, Le château pourrissant, 1963
Sa poésie est influencée par ses devanciers (Guillevic, Cadou, sûrement ; Jean Follain, certainement[5] ; Frénaud peut-être…) mais l'on entend surtout une voix bien particulière, une vibration singulière des mots une fois le livre refermé, des mots traversés de fêlures qui disent le vertige de vivre.
Il évoque aussi Pierre Jean Jouve :
Pierre-Jean Jouve
Le pèlerin mal protégé
Dans la nuit pleine de dangers
Où l'étoile en tremblant vient boire l'eau des douves
— Daniel Lefèvre, Contrepoids, 1962-1965
Il est l'un des treize poètes de Poésie autour de Caen (Éditions Rougerie, 1978), avec Christian Dorrière, François de Cornière. Il publie dans la revue La Corde raide[6] et correspond avec Pierre Autin-Grenier.
Ses courts poèmes sont pleins de fulgurances, des mille petits déchirements de l'instant.
Le fer est le fer
Et n'a que la rouille
Pour le dire
— Daniel Lefèvre, Rencontres, 2003
Ou bien, au contraire, il nous entraîne vers des monuments, des permanences, des évidences. Mais les architectures ne sont pas celles que l'on croit. Ce sont des éléments isolés du paysage, des pierres et des arbres, l'angle d'un toit ou une source, qui font frémir l'espace, qui l'emprisonnent ou l'accomplissent[7].
Son œuvre comprend de nombreux poèmes d'amour et des textes érotiques, mais sa poésie est traversée d'une angoisse. Il y établit des rapports subtils entre la quotidienneté, le temps et la mort.
Il a aussi écrit des poèmes accompagnant les dessins abstraits de Marie-Thérèse Lefèvre-Jacquet, son épouse : issus du « telephone art », ces dessins griffonnés durant une conversation téléphonique sculptent l'espace et inspirent le poète.
Poète chrétien, c'est aussi un poète du doute : dans ses derniers poèmes, il interpelle un « Dieu qui n'existes qu'en lambeaux / En faibles bouffées ineffables / Dieu qui n’existes qu’en reflets / Dans le miroir cruel du doute ».
Une poésie amère et lumineuse accompagne la maladie et l'affaiblissement dans Vers l'autre rive du silence.
Habiter pour toujours un pays sans échos
Habiter pour toujours un pays sans crépuscule et sans aurore
Habiter pour toujours un pays où ni le temps ni l'espace n'existeront plus
Habiter pour toujours un pays inhabitable
Habiter pour toujours un pays où je ne souviendrai plus de t'avoir aimée
— Daniel Lefèvre, Peindre le crépuscule, 2009
Il meurt d'un arrêt cardiaque en .
Œuvres
Recueils
Encore la poésie, La Corde Raide, 1978.
En l'absence de toutes preuves, Laurence Olivier Four, 1982. (ISBN9782728709564)
Chemins faisant, collection La Main à la pâte, éditions Le Pavé, sans date.
Richard Wilbur, Quintessence. Corpus poétique des années 1947 à 2004. Poèmes traduits de l’anglais (U.S.A.) par Jean Migrenne. Avant-propos de Daniel Lefèvre. Agneaux, Éditions du Frisson Esthétique, 2011. (ISBN9782917440094)
En analysant la pièce de Corneille L’illusion comique, on peut découvrir comment l’illusion théâtrale nous conduit à une vraie connaissance de soi et des autres et comment tragédie et comédie mêlées y contribuent.
En l’ancrant solidement dans le Saint Pétersbourg du XIXe siècle, Dostoïevski, à travers le personnage de Raskolnikov, pose le problème du mal, non en philosophe, mais en romancier. Pour lui le mal n’est pas d’abord une question qui appelle une réponse rationnelle, mais une donnée fondamentale de la condition humaine à laquelle on ne peut répondre que par une universelle pitié.
Montaigne et La Boétie, grandes figures de l’amitié, ne se sont connus que les quatre dernières années de la vie de La Boétie. La comparaison des textes que l’un et l’autre ont consacrés à l’amitié, fait apparaître des attentes différentes. Le Discours de la servitude volontaire présente une vision politique, tandis que l’essaiDe l’amitié, se rapprochant plus de l’amour, idéalise une expérience vécue.[8]