En physique et en mathématiques, un développement limité (noté DL) d'une fonction en un point est une approximationpolynomiale de cette fonction au voisinage de ce point, c'est-à-dire l'écriture de cette fonction sous la forme de la somme :
d'un reste négligeable au voisinage du point considéré.
En physique, il est fréquent de confondre la fonction avec son développement limité, à condition que l'erreur (c’est-à-dire le reste) ainsi faite soit inférieure à l'erreur autorisée. Si l'on se contente d'un développement d'ordre un, on parle d'approximation linéaire ou d'approximation affine.
En mathématiques, les développements limités permettent de trouver plus simplement des limites de fonctions, de calculer des dérivées, de prouver qu'une fonction est intégrable ou non, ou encore d'étudier des positions de courbes par rapport à des tangentes. Ils permettent également l'obtention d'équivalents.
Définitions
Soit f une fonction à valeurs réelles[1] définie sur un intervalle I, et x0 ∈ I. On dit que f admet un développement limité d'ordre n[2] (abrégé par DLn) en x0, s'il existe n + 1 réels a0, a1, ..., an tels que la fonction définie par :
vérifie : R(x) tend vers 0 lorsque x tend vers x0, et ce « plus rapidement » que le dernier terme de la somme, c'est-à-dire que :
Il est fréquent d'écrire un développement limité en posant x = x0 + h :
Conséquences immédiates
Si f admet un DL0 en x0, alors a0 = f (x0).
Si f admet un DLn en x0, alors elle admet un DLk en x0 pour tout entierk < n.
Une condition nécessaire et suffisante pour que f admette un DLn en x0 est l'existence d'un polynôme P tel que f(x) = P(x) + o((x – x0)n). S'il existe un tel polynôme P, alors il en existe une infinité d'autres, mais un seul d'entre eux est de degré inférieur ou égal à n : le reste de la division euclidienne de P(X) par (X – x0)n+1[3]. On l'appelle la partie régulière, ou partie principale, du DLn de f en x0. On identifie parfois, par abus de langage[2], le DLn avec sa partie régulière.
Si f et g admettent deux DLn en x0, alors f + g admet un DLn en x0, dont la partie régulière s'obtient en sommant les deux parties régulières des DLn de f et g.
Multiplication par un scalaire
Si f admet un DLn en x0, alors λf admet un DLn en x0, dont la partie régulière s'obtient en multipliant la partie régulière du DLn de f par λ.
Si u admet un DLn en x0 de partie régulière P et si v admet un DLn en u(x0) de partie régulière Q, alors v ∘ u et Q ∘ P possèdent un DLn en x0, de même partie régulière.
Le théorème de Taylor-Young assure qu'une fonction fdérivable n fois au point x0 (avec ) admet un DLn en ce point :
soit en écriture abrégée
.
On le démontre[7] par récurrence sur n, grâce au théorème ci-dessus d'« intégration » terme à terme d'un DL.
L'existence d'un DL0 en x0 équivaut à la continuité en x0, et l'existence d'un DL1 en x0 équivaut à la dérivabilité en x0. En revanche, pour , l'existence d'un DLn en x0 n'implique pas que la fonction soit fois dérivable en x0 (par exemple x ↦ x3sin(1/x) — prolongée par continuité en 0 — admet, en 0, un DL2 mais pas de dérivée seconde).
Quelques utilisations
Le développement d'ordre 0 en x0 revient à écrire que f est continue en x0 :
Le développement limité d'ordre 1 en x0 revient à approcher une courbe par sa tangente en x0 ; on parle aussi d'approximation affine :
.
Son existence équivaut à la dérivabilité de la fonction en x0.
Le développement limité d'ordre 2 en x0 revient à approcher une courbe par une parabole, ou loi quadratique, en x0. Il permet de préciser la position de la courbe par rapport à sa tangente au voisinage de x0, pourvu que le coefficient du terme de degré 2 soit non nul : le signe de ce coefficient donne en effet cette position (voir également l'article fonction convexe).
Le changement de variable h = 1/x permet, à l'aide d'un DL0 en 0, de chercher une limite à l'infini, et, à partir d'un DL1 en 0, de déterminer l'équation d'une asymptote (comme pour la tangente, le DL2 permet de préciser la position de la courbe par rapport à l'asymptote).
En faisant une approximation polynomiale de fonction en x0, il devient possible, pour un calcul de limite en x0, de lever une Forme indéterminée.
Quelques exemples
Les fonctions suivantes possèdent des DLn en 0 pour tout entier n.
(la première égalité se déduit du terme général de la série géométrique).
ln(1 + x) par intégration de la formule précédente pour n = m – 1, changement de x en –x et changement d'indice k = i + 1
sin à l'ordre 2n + 2. La partie principale du DL à l'ordre 2n + 1 est la même car le terme en x2n+2 est nul (comme tous les termes d'exposant pair) et o(x2n+2) = o(x2n+1).
cos à l'ordre 2n + 1. La partie principale du DL à l'ordre 2n est la même, car le terme en x2n+1 est nul (comme tous les termes d'exposant impair) et o(x2n+1) = o(x2n).
On utilise fréquemment des développements limités d'ordre 1 (encore appelés « approximations affines », ou « approximations affines tangentes »), qui permettent de faciliter les calculs, lorsqu'on n'exige pas une trop grande précision ; ils sont donnés, au point x0, par :
↑La notion de développement limité peut se généraliser au cas où la fonction est à valeurs complexes ou vectorielles, mais ce cas n'est pas abordé dans cet article ; pour d'autres généralisations, voir l'article développement asymptotique.
↑ a et bJacqueline Lelong-Ferrand et Jean-Marie Arnaudiès, Cours de mathématiques, t. 2 : Analyse, Bordas, , 4e éd., p. 148, définition IV.7.2 ; le polynôme lui-même (qui est unique s'il existe) est appelé par eux développé limité de f, et noté DLn(f) ou, si la précision est nécessaire, DLn(f, x0).