La crispation religieuse de la fin du règne de Louis XIV, et plus tard la pudibonderie du XIXe siècle, ont mis dans l’ombre ces contes licencieux dont le défi poétique consiste à jouer de l'implicite pour ne pas nommer la sexualité, à « dire sans dire », dans un jeu de dérobade et de provocation reposant sur la complicité du lecteur[1].
Deux recueils de contes et nouvelles en vers, dont les canevas licencieux sont tirés notamment de Boccace et des Cent nouvelles nouvelles, paraissent en 1665 et 1666[2]. Continuation de cette expérience narrative mais sous une forme brève et, cette fois, respectant la morale, les Fables choisies et mises en vers, dédiées au Grand Dauphin, paraissent en 1668[3].
Auparavant, bien qu'au service de Nicolas Fouquet[4] et même s'il est connu à ce titre, il n'a encore rien vendu de sa production littéraire ; L'Eunuque (1654) passe inaperçu[5], Adonis (1658) ne paraîtra qu'en 1669, Les Rieurs du Beau-Richard (1659) est destiné à moquer les habitants de Château-Thierry[6], Élégie aux nymphes de Vaux (1660) et l'Ode au roi (1663) sont publiées clandestinement sur feuille volante[7].
La Fontaine connaît ses premiers succès littéraires grâce à ces contes qualifiés de licencieux, libertins, coquins, grivois, lestes, érotiques ou encore gaillards. Il s'inscrit dans une vieille tradition littéraire mais le fait à sa manière, en transformant les contes grossiers en œuvres plus raffinées. Il prend ainsi soin d'emprunter des détours, de suggérer, de voiler ses propos pour les rendre plus amusants[8].
Dès la sortie de son premier recueil de contes, les critiques applaudissent et le succès est tel qu'il faut réimprimer l'ouvrage par deux fois au cours de l'année[9]. La Fontaine devient célèbre, avec une réputation particulière : il est qualifié d'excellent conteur doublé d'un esprit libre et original[9].
La Fontaine a mené simultanément cette activité de conteur à celle de fabuliste, jusqu'à joindre des contes à son ultime recueil de fables de 1693.
Contenu des Contes et nouvelles en vers
Première partie (1665)
Joconde, nouvelle tirée de l'Arioste.
Richard Minutolo, nouvelle tirée de Bocace.
Le cocu battu et content, nouvelle tirée de Bocace.
Le mari confesseur, conte tiré des Cent nouvelles nouvelles.
Conte d'une Chose arrivée à C.
Conte tiré d'Athénée.
Autre Conte tiré d'Athénée.
Conte de ***.
Conte du Juge de Mesle.
Conte d'un Paysan qui avoit offensé son Seigneur.
Imitation d'un livre intitulé « Les Arrêts d'amours ».
Les Amours de Mars et de Vénus.
Ballade.
Deuxième partie (1666)
Le Faiseur d'oreilles et le raccommodeur de moules
Les Frères de Catalogne
Le Berceau
Le Muletier
L'Oraison de Saint Julien
La Servante justifiée
La Gageure des trois commères
Le Calendrier des vieillards
A Femme avare galant escroc
On ne s'avise jamais de tout
Le Villageois qui cherche son veau
L'Anneau d'Hans Carvel
Le Gascon puni
La Fiancée du roi de Garbe
L'Hermite
Mazet de Lamporechio
Troisième partie (1671)
Les Oies de frère Philippe
La Mandragore
Les Rémois
La Coupe enchantée
Le Faucon
La Courtisane amoureuse
Nicaise
Le Bât
Le Baiser rendu
Epigramme
Imitation d'Anacréon
Autre imitation d'Anacréon
Le Différend de Beaux Yeux et de Belle Bouche
Le Petit Chien qui secoue de l'argent et des pierreries
Les contes de La Fontaine ultérieurs aux trois premières parties sont tirés de différentes publications et ont par la suite été compilés dans des éditions complètes[10].
Nouveaux contes de M. de La Fontaine, Mons, Gaspar Migeon, 1674 lire en ligne sur Gallica
Poème du quinquina et autres ouvrages en vers, Denis Thierry et Claude Barbin, 1682 lire en ligne sur Gallica
Les Ouvrages de prose et de poésie des Sieurs de Maucroy et de La Fontaine, Paris, Claude Barbin, 1685
Gaston Paris, « La Source italienne de La Courtisane amoureuse », Raccolta di Studi critici dedicati ad. A. d'Ancona, Florence, 1901, p. 375-385
Gérard Genot, « La Fontaine et Boccace », Il Boccacio nella cultura francese, Florence, Olschki, 1971
John C. Lapp, The esthetics of Negligence, La Fontaine's Contes, Cambridge University Press, 1971
Gérard Genot, « Le Récit du déclassé, Boccace et La Fontaine », Revue romane, 7, 1972, p. 204-232
Fannie S. Howard, « La Fontaine's Le Tableau : a consideration of the parallel of poetry and painting », The French Short Story, Seventeenth Century French Literature Studies, n°2, 1975, p. 15-26
Fannie S. Howard, « La Fontaine on fiction writing : reality and illusion in the Contes », The French Short Story, Seventeenth Century French Literature Studies, n°2, 1975, p. 167-171
Jane Merino, « The Play of Deferred Communication in La Fontaine's La Confidente sans le savoir », Papers on French Seventeenth Century Literature, n°11, été 1979, p. 107-112
Tiphaine Rolland, L’Atelier du conteur. Les Contes et nouvelles de La Fontaine. Ascendances, influences, confluences, Paris, H. Champion, 2014
Tiphaine Rolland et Romain Weber, Ventre d’un petit poisson, rions ! Liminaires des recueils plaisants (XVe-XVIIe s.), Reims, Éditions et Presses Universitaires de Reims, coll. Héritages critiques, 2022, p. 487-500