Le Conseil de déontologie journalistique et de médiation, ou CDJM, est une association loi de 1901française fondée le . C'est une instance d’autorégulation et de médiation[1] entre les journalistes, les médias, les agences de presse et les publics sur toutes les questions relatives à la déontologie journalistique.
Historique
Le débat sur la création d'un organisme d’autorégulation de la déontologie du journalisme est ancien et polémique, « en raison de fortes dissensions dans la profession, certains y voyant une tentative de mettre au pas la presse », selon le quotidien Le Monde[2].
Il existe de nombreux conseils de presse en Europe[3] et dans le monde[4]. En France, l’idée a été avancée par Claude-Jean Bertrand dès la fin des années 80[5],[6]. En 2007 est créée l’Association pour la préfiguration d’un conseil de presse en France (APCP)[7] par Yves Agnès, ancien rédacteur en chef du quotidien Le Monde[8] et auteur d’un manuel de journalisme[9], afin de pousser à la création d’une telle instance. L’APCP mène une campagne auprès des médias et du monde associatif, syndical et politique pendant plusieurs années, organisant en 2013 un colloque à La Sorbonne[10] qui réunissait les principales formations politiques et de nombreux journalistes.
En 2012, les animateurs de l’APCP décident de passer à une étape plus concrète en concentrant leur action sur un Observatoire de la déontologie de l’information (ODI), lancé lors des Assises du journalisme de Poitiers[11] qui mène une veille déontologique. Pendant huit ans, l’ODI publie un rapport annuel sur les principales questions déontologiques posées pendant l’année écoulée
En 2014, un rapport rédigé par Marie Sirinelli[12] à la demande de la ministre de la Culture Aurélie Filippetti conclut à l’intérêt d’une telle structure, mais prend acte de l’absence de consensus pour sa création parmi les professionnels de l’information et note que « toute forme de régulation publique supplémentaire apparait en ce domaine difficilement envisageable ».
En 2019, l’ODI décide de passer à une nouvelle étape, en permettant au public d’interroger une instance indépendante sur le respect de la déontologie de l’information d’un article ou d’une émission, s'inspirant de procédures équivalentes en Europe[13].
Dans le même temps, l'ancien président de l'Agence France-PresseEmmanuel Hoog est chargé par le premier ministre Édouard Philippe de « réfléchir à l'instauration d'un comité d'éthique supervisant le travail des journalistes » en [14],[15]. Les conclusions de son rapport[16] diffèrent peu de celles du rapport Sirinelli. Les animateurs de l’ODI organisent de leur côté plusieurs réunions avec les professionnels intéressés[17] pour définir les statuts du futur Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) en s’inspirant notamment du Conseil de déontologie journalistique œuvrant en Belgique francophone.
Lors de ses vœux à la presse en janvier 2018, Emmanuel Macron dit aux journalistes qu’il « revient d’organiser en quelque sorte les règles de votre profession »[18]. En , la déclaration du secrétaire d’État au numérique Cédric O, qui appelait de ses vœux « un Conseil de l’ordre des journalistes » avait suscité des inquiétudes[19],[1] auxquelles le CDJM répondra.
Le CDJM est structuré autour de trois collèges représentés à part égale : les journalistes, les éditeurs et le public[23], pour un total de trente conseillers titulaires et trente suppléants[15].
Lors de l’assemblée générale du CDJM du 30 mars 2021, Kathleen Grosset a été élue présidente, Patrick Eveno (ancien président originel) et Yann Guégan vice-présidents. Après la démission de Patrick Eveno et après l'assemblée générale du 8 mars 2022, Sandrine Serpentier Linarès devient vice-présidente[24].
Activité
Instruction
Un des objectifs du CDJM est de répondre à la défiance croissante envers les médias en France[2]. Les membres du CDJM instruisent en commission les dossiers dont ils sont saisis et proposent des avis qui doivent être adoptés en session plénière par le conseil d’administration[15].
Fin 2021, le CDJM annonce avoir reçu un total de 487 saisines de la part du public depuis sa création, portant sur 227 actes journalistiques différents, et avoir publié 55 avis.
Au 5 août 2024, le CDJM indique avoir 40 saisines en cours de traitement, et que 870 saisines ont été déposées au total à propos de 559 actes journalistiques différents, avec 182 avis publiés[26].
Publication de référentiels
Le 11 mai 2021, le CDJM adopte une première recommandation : « Rectification des erreurs : les bonnes pratiques »[27].
Le 8 novembre 2022, le CDJM adopte une recommandation sur « Le traitement des questions scientifiques »[28],[29].
En janvier 2023, le CDJM publie une troisième recommandation : « Cadeaux et invitations : les bonnes pratiques »[30].
En juillet 2023, le CDJM publie sa quatrième recommandation : « Journalisme et intelligence artificielle : les bonnes pratiques ».
Critiques
Michel Ducrot, pour Acrimed, doute de l'indépendance et de l'utilité de l'association CDJM. Le syndicat national des journalistes CGT estime que « pour reconquérir la confiance du public, les journalistes n’ont pas besoin d’un conseil de presse. Ils ont besoin de conditions de travail correctes, de pouvoir vivre dignement de leur métier et de ne pas dépendre du bon vouloir d’actionnaires en tout genre ». 19 sociétés de rédacteurs et de journalistes[a] critiquent également le CDJM[31],[15],[32]. En 2024, la Société des journalistes et du personnel de libération (SJPL) est la première SDJ à rejoindre le CDJM[33] .
Pour l'ancien président du CDJM Patrick Eveno, « assimiler ce conseil déontologique à Emmanuel Macron est une quasi-fake news. Il est le résultat d’un processus né il y a plus de dix ans »[15]
Selon Le Point, le CDJM est « une simple association, non reconnue par le Syndicat de la presse magazine et d'information et ne représentant que sa centaine de membres »[34].
Poursuites
En janvier 2021, le magazine Valeurs actuelles assigne en référé le CDJM pour « atteinte à la présomption d’innocence » de son directeur de publication. Le magazine était poursuivi pour injure raciste par la députée de La France insoumiseDanièle Obono pour un récit fictionnel paru en août 2020 qui la dépeint en esclave, accompagné de dessins la représentant collier en fer au cou[35]. Saisi à propos de cet article, le CDJM avait rendu un avis le 20 novembre 2020[36] dans lequel il estimait que le magazine avait enfreint l’obligation déontologique de respect de la dignité humaine en représentant l'élue dans une situation dégradante.
Le tribunal de Paris a considéré que le CDJM avait usé de sa liberté d’expression en publiant son avis quant au respect des règles déontologiques, et débouté Valeurs actuelles[37],[38].
Notes et références
Notes
↑Il s'agit des sociétés des journalistes (SDJ) et sociétés des rédacteurs (SDR) de l'Agence France-Presse, Challenges, Europe 1, L'Express, Le Figaro, Franceinfo TV, France 3 National, France Inter, France Bleu, France Info, L'Obs, Le Parisien, Le Point, Mediapart, TF1, LCI, La Tribune, TV5 Monde et 20 Minutes.
Références
↑ a et b« Après une polémique sur un « conseil de l’ordre » des journalistes, Cédric O tente de rectifier le tir », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑ a et bLe Monde avec AFP, « Un conseil de déontologie journalistique sera créé en décembre », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑Le Monde avec Reuters, « Cédric O réclame un « Conseil de l’ordre des journalistes », faute de quoi « l’Etat s’en chargera » », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )