Première femme reçue à l'examen théorique du diplôme professionnel en , elle devient le mois suivant, avec Eugénie Charnier, l'une des deux premières cochères diplômées en France.
Biographie
Jeunesse et famille
Clémentine Marguerite Joly-Pottuz naît en 1881 à Franconville (Seine-et-Oise) dans un milieu populaire, fille de Louis Félix Joly-Pottuz et de son épouse Clémentine Maria Yoos, tous deux brossiers[1]. Elle est la septième d'une fratrie de huit enfants, dont quatre sont morts avant l'âge de 8 ans[2].
En , alors cuisinière, elle épouse à Clichy Alfred Dufaut, qui vit comme elle rue du Bois[3]. Installé à Paris, 20 rue Saint-Sébastien, le couple a un garçon, Roger Eugène, en 1908[4]. En 1912, alors que la famille s'est établie à Malakoff, 3 impasse Archin, Clémentine Dufaut perd successivement son fils âgé de trois ans, puis son mari, qui meurt à l'âge de 37 ans à l'hôpital Necker[5],[6].
En , l’École des cochers et des charretiers est fondée par l’Assistance aux animaux, société de bienfaisance émanant de la Société protectrice des animaux[9]. Quatre ans après son mariage, Clémentine Dufaut, qui exerce la profession de cuisinière, postule à l'école. C'est, dit-elle, son « mari qui conduit le 11 902 du dépôt de Vaugirard qui [lui] a appris depuis longtemps le métier ». Dès l'annonce de candidatures féminines, la presse s'empare du sujet, « moins par un souci féministe d’encourager une “pionnière” que par une logique de concurrence dans la production de l’information ». Elle n'est pas encore diplômée que des journalistes la photographient déjà en tenue de cochère et l'interviewent[10]. De nombreuses plaisanteries et caricatures fleurissent dans les journaux, et dans la rue on ironise, au sujet de ces quelques femmes qui prétendent embrasser une profession jusque-là réservée aux hommes.
Le diplôme, décerné à la préfecture de police par un jury masculin, comporte deux parties[11]. Les épreuves théoriques attestent que les candidates possèdent les connaissances suffisantes en matière de soin des chevaux ou d'itinéraires de déplacement dans la capitale. Clémentine Dufaut est la première à être reçue à cet examen. La partie pratique comprend des manœuvres techniques des voitures, dont le remisage que Clémentine Dufaut rate une première fois en [11]. Mais elle réussit le mois suivant, tout comme Eugénie Charnier (1882-1966). Désormais titulaires de la licence, les deux femmes débutent au sein du dépôt de fiacres des frères Rabier rue Amelot[9]. En uniforme à boutons dorés, Clémentine Dufaut conduit une victoria immatriculée 9483, attelée à un cheval bai nommé Loulou, capitonnée de velours vert et dotée d'une lanterne bleue[12]. Elle se prête volontiers à sa propre médiatisation auprès de la presse, quitte à mettre en scène avec son mari de faux problèmes de couple pour alimenter les rubriques[11].
Pendant quelques mois, les débuts des premières cochères suscitent à la fois curiosité, moqueries, mais aussi compliments. Leurs photographies sont diffusées en cartes postales, de nombreux spectacles et chansons les évoquent, souvent de façon parodique. Mais l’engouement public retombe vite. Clémentine Dufaut, enceinte, cesse son activité, et elle est ainsi dite « ménagère » en à la naissance de son fils[4]. Si, comme de nombreux employés, les Dufaut ont aspiré à ouvrir leur propre compagnie[9], leur ambition ne s'est pas réalisée et Clémentine Dufaut ne semble pas avoir repris son activité de cochère par la suite : elle est redevenue cuisinière lorsque son enfant et son mari, toujours cocher, meurent en 1912. Remariée en 1917, elle s'est précarisée et vit désormais dans le milieu des chiffonniers[Note 2], chiffonnière elle-même[7].
Dix ans plus tard, Clémentine Dufaut réside à Bagneux quand son second mari meurt[8], et elle y demeure toujours lorsqu'elle décède, veuve et sans profession, en 1932 à Châtillon, trois jours avant son 51e anniversaire[13].
Bibliographie
Juliette Rennes, « Cochères parisiennes, le risque en spectacle », Travail, genre et sociétés, vol. 2, no 36, , p. 37-59 (DOI10.3917/tgs.036.0037, lire en ligne)
Agnès Sandras, « Automédone, cocherette ou cochonnette, un accès de fièvre satirique et machiste devant les premières femmes cochers ? », L'Histoire à la BnF, (lire en ligne)
Notes et références
Notes
↑Selon les sources, elle est parfois prénommée à tort Amélie et son nom orthographié aléatoirement Duffaut, Duffault, Dufau, etc.
↑En 1917, son second mari et trois de leurs témoins de mariage exercent le métier de chiffonnier.
↑ ab et cJuliette Rennes, « Cochères parisiennes, le risque en spectacle », Travail, genre et sociétés, vol. 2, no 36, , p. 37-59 (DOI10.3917/tgs.036.0037, lire en ligne)
↑Fernand Hauser, « Les femmes-cochers », sur Gallica, Le Journal, (consulté le ), p. 1