Clémentine Clattaux naît le [1] à Chaumousey, dans le département des Vosges, de parents agriculteurs[2]. Son enfance est marquée par les travaux des champs[2]. À partir de la puberté, sa pilosité commence à se développer plus que la normale pour une jeune fille, notamment au niveau de la lèvre supérieure dont elle rase fréquemment le duvet[2].
Le [3], à vingt ans, elle épouse à Chaumousey Joseph Delait, boulanger à Thaon-les-Vosges, et sert les clients de la boulangerie[2]. La clientèle est nombreuse et la barbe rasée de Clémentine ne serait pas étrangère à cette affluence[2]. Cependant, Joseph est atteint de rhumatismes et ne peut continuer son métier de boulanger[2]. Toujours à Thaon-les-Vosges, le couple ouvre alors un débit de boissons et Clémentine est derrière le comptoir à servir les clients[2]. Tout comme à la boulangerie, la clientèle est alors nombreuse[2]. Femme de caractère et charpentée, Clémentine est apte à tenir son bar et à en sortir les clients turbulents[2].
C'est à partir de 1901, à l'âge de 36 ans, que Clémentine se laisse pousser la barbe[2]. Le couple se rend à la foire de Nancy et, se faisant alpaguer par un bonimenteur, il assiste à l'exhibition d'une femme à barbe[2]. Cette dernière ne peut s'empêcher de remarquer à voix haute l'abondante pilosité de Clémentine malgré le rasage[2]. Racontant l'anecdote à son bar, elle accepte le pari d'un des clients qui lui promet vingt-cinq louis (soit 500 francs[4], forte somme à l'époque, environ 5 000 €[Quand ?][réf. nécessaire]) si elle se laisse pousser la barbe[2]. Elle cessera de se raser bien qu'elle n'ait jamais touché l'argent promis[2]. Dès lors, elle arbore une barbe frisée qui se dédouble en deux panaches[2]. Attirée par le bouche-à-oreille, la clientèle se presse au café des époux, renommé « Le café de la Femme à Barbe », pour y admirer Clémentine[2]. Profitant de l'engouement, elle pose contre rémunération pour des photographes qui éditent une quarantaine de cartes postales dont elle est la vedette et sur lesquelles elle signe des autographes à ses clients[2]. Lors de ces poses variées, en calèche, promenant son chien ou lisant le journal, Clémentine reste coquette dans des robes très féminines[2]. Elle obtient même la permission de travestissement, autorisation obligatoire pour une femme s'habillant en homme ; elle pose alors en tenue masculine, un cigare à la bouche et une chope de bière à ses côtés[2].
Mises en scène de Madame Delait (cartes postales Homeyer & Ehret).
Dans son salon.
Dans son jardin.
En promenade.
En gentleman.
En aéroplane.
Sa célébrité prend une ampleur nationale lorsqu'elle s'enrôle dans la Croix-Rouge durant la Première Guerre mondiale et devient la mascotte des Poilus[2]. Au lendemain de la guerre, le couple accompagné de Fernande, une orpheline de guerre adoptée à cinq ans, ouvre une mercerie à Plombières-les-Bains, Joseph étant trop malade pour tenir à nouveau un bar[2]. Comme lors de leurs précédents métiers, la clientèle se presse[2]. C'est à cette période que le cirque Barnum fondé par Phineas Taylor Barnum, le célèbre directeur de cirque spécialisé dans les phénomènes de foire, propose à Clémentine de le rejoindre pour la somme de trois millions de francs, offre qu'elle décline[2],[5],[6]. Elle commence à effectuer des déplacements en Europe où de nombreuses personnalités la réclament : le prince de Galles dans les années 1920 à Londres ou encore le Chah de Perse à Vittel[2]. Devenue veuve en 1928, Clémentine se consacre désormais pleinement à sa célébrité tout en rouvrant un bar à Thaon-les-Vosges[2]. Là, elle propose des spectacles de cabaret dont elle est la vedette, déguisée et accompagnée de sa fille et d'un perroquet[2]. Les clients viennent alors de la France entière et même d'Angleterre et d'Irlande pour la voir[2].
Elle meurt à Épinal le d'une crise cardiaque à l'âge de 74 ans[2]. Elle est inhumée à Thaon-les-Vosges au côté de son mari[7]. Son épitaphe, comme elle l'a souhaité, est[2],[7] :
« La Femme à Barbe »
Postérité
En 2021, elle fait l'objet d'un documentaire, un poil différent.e ; ce documentaire est diffusé au sein de ciné-débats au sujet de l'intersexuation[8]. Pour les personnes intersexes, son refus d'entrer dans un cirque et sa manière de gérer elle-même son image est source d'inspiration quant à l'autonomisation des personnes intersexes en général[9].
Le film françaisRosalie de 2024 s'inspire de l'histoire de Clémentine Delait[10]mais il a été critiqué dans ses choix narratifs par l'association Collectif Intersexe Activiste - OII France (Association française par et pour les personnes intersexes)[11]. Il est ainsi en particulier reproché au film de présenter un personnage tragique alors que Clémentine Delait parle très fièrement dans ses mémoires[12].
↑Adrian Murphy, « Madame Delait, la femme à barbe », Europeana, (lire en ligne, consulté le )
↑Clément Cosandier, « Clémentine Delait : L'hirsutisme de Clémentine Delait (1865 – 1939) questionne le genre, la perception d'autrui et l'estime de soi-même. », DicoPolHis, (lire en ligne, consulté le )
↑Michal Raz et Loé Petit, « Les femmes à barbe », dans Intersexes: du pouvoir médical à l'autodétermination, Éditions du Cavalier bleu, coll. « Convergences », (ISBN979-10-318-0617-4), p. 43
↑Delait Clémentine et Pol Ramber (arrangements), Les mémoires de la femme à barbe, BANQUISES COMET, (1re éd. 1934), 90 p. (ISBN979-1094569887, lire en ligne)