Bérengère Gaullier, organisatrice en 2017 d'un colloque sur Claude Tresmontant, indique que, « né dans une famille athée, il a trouvé par hasard un exemplaire de l’évangile chrétien, vers l’âge de 17 ans, ce qui l’a passionné. Approfondissant sa quête, il est devenu chrétien, d’abord protestant avant de se tourner vers le catholicisme. Il a étudié la philosophie, appris le grec, le latin et l’hébreu, et s’est intéressé aux sciences, notamment aux sciences de l’univers, et à la métaphysique. »[2].
Travaux
Ses travaux portent sur la philosophie des sciences et sur l'histoire de la pensée chrétienne depuis ses origines hébraïques. Tresmontant défend l'idée d'une philosophie et d'une métaphysique chrétiennes. Pour lui, la pensée hébraïque, dont le christianisme a hérité, constitue, à côté de la pensée de l'Inde, de la Chine et de la Grèce, un « phylum » à part entière, possédant ses propres catégories, sa vision du temps, sa morale, son anthropologie, sa métaphysique, etc.
Il pense également que les données de la connaissance scientifique actuelle, notamment en cosmologie et en biologie, conduisent à affirmer l'existence de Dieu. La question de l'existence de Dieu ne relèverait donc pas, contrairement à ce qu'affirme la philosophie moderne depuis au moins Kant, de la seule croyance mais de la raison. La foi ne serait donc pas un saut dans l'absurde, mais tout au contraire un assentiment de l'intelligence, comme l'affirment la majorité des croyants. Il convient de remarquer que, si sa démarche s'appuie sur des inférences que l'on retrouve dans la théorie de l'Intelligent Design, il intervient uniquement sur le terrain de la métaphysique et non celui du savoir scientifique.
Selon lui[3], l'histoire de la philosophie présente deux conceptions de l'activité de l'intelligence, de la raison : la première méthode, qui pourrait être qualifiée de littéraire, consiste à poser un principe métaphysique a priori dont seraient déduites une épistémologie, une cosmologie et donc une philosophie pratique. La seconde méthode, philosophique, principalement inaugurée par Aristote et dans une certaine mesure avant lui par Socrate, se fonde au contraire sur la réalité objective déduite de l'expérience pour en tirer des enseignements métaphysiques respectueux des trois ordres de réalité (la matière physique, la vie, la conscience). Pour Claude Tresmontant, seule la seconde méthode est rationnelle, donc philosophique.
Il a également repris dans Le Christ hébreu la thèse selon laquelle « l'enseignement du rabbi (Ieshoua) aurait été donné en dialecte araméen et en hébreu et que cet enseignement aurait été écrit pour partie de son vivant ou peu après sa mort[4]. Ce n'est que plus tard que cet enseignement aurait été traduit dans le grec populaire de l'époque »[5]. En préface de cette édition, il note : « La théologie est une science [qui] a besoin de temps en temps, tout comme les autres sciences, de faire sa toilette, de se rafraîchir les idées, de revoir son vocabulaire et de repenser ses notions fondamentales. ». Cette traduction aurait été faite suivant les mêmes méthodes et en utilisant le même lexique que la Septante[6]. Il réalise et fait publier par O.E.I.L. les traductions commentées des Évangiles de Jean (1984), Matthieu (1986), Luc (1987) et Marc (1988) et de l'Apocalypse (1984) en identifiant au préalable l'hébreu sous-jacent dans les originaux grecs, puis en traduisant directement à partir de l'hébreu en français (l'abbé Jean Carmignac développe une thèse similaire, sans trancher entre l'hébreu et l'araméen pour la langue de rédaction originale, et publie lui aussi en 1984 chez le même éditeur). L'Apocalypse, selon lui, aurait été écrite entre 52 et 54 et préfigurerait la destruction de Jérusalem par les armées de Titus en 70 et la venue de la Jérusalem céleste, et non la fin du monde ou de l'univers[7]. Il considère comme probable l'unicité du rédacteur des Évangiles attribués à Jean et à Marc et de l'Apocalypse[8].
Les œuvres parues au Seuil, qui fut un temps un éditeur catholique indépendant, sont traduites en de nombreuses langues. Il fut l'exécuteur testamentaire de Pierre Teilhard de Chardin pour ses œuvres théologiques tandis que Théodore Monod l'était pour les œuvres scientifiques.
Œuvres
Essai sur la pensée hébraïque, éd. O.E.I.L., 1953 (réédition 1956).
Études de métaphysique biblique, éd. O.E.I.L., 1955 (réédition 1998).
Problèmes de notre temps : chroniques, éd. O.E.I.L, 1991.
La question du miracle : à propos des Évangiles : analyse philosophique, éd. O.E.I.L., 1992.
Enquête sur l'Apocalypse : auteur, datation, signification, éd. O.E.I.L., 1994.
L'activité métaphysique de l'intelligence et la théologie, éd. O.E.I.L., 1996 (ISBN2-86839-393-4).
Le Bon et le Mauvais. Christianisme et politique, éd. O.E.I.L., 1996.
La finalité de la Création, le salut et le risque de perdition, éd. O.E.I.L., 1996.
Judaïsme et christianisme, éd. O.E.I.L., 1996.
La pensée de l'Église de Rome. Rome et Constantinople, éd. O.E.I.L., 1996.
La Prescience de Dieu, la prédestination et la liberté humaine, éd. O.E.I.L., 1996.
La question de l'immortalité de l'âme, éd. O.E.I.L., 1996.
La christologie du bienheureux Jean Duns Scot, l'Immaculée Conception et l'avenir de l'Église, Éditions du Seuil, 1997.
Quel avenir pour le christianisme ? : « Tâches de la pensée chrétienne aujourd'hui » et autres textes sur la problématique générale du christianisme, éd. O.E.I.L., 2001.
Réalisme intégral : Claude Tresmontant, métaphysicien de la création ; Anthologie de l'œuvre publiée, présentation Paul Mirault, préface Yves Tourenne, éd. François-Xavier de Guibert, 2012.
↑Antonio Abreu Freire, « Claude Tresmontant, Comment se pose aujourd'hui le problème de l'existence de Dieu », Revue Philosophique de Louvain, no vol. 64, n° 82, , p. 327-329 (lire en ligne)
Pierre Grelot, Évangiles et tradition apostolique. Réflexions sur un certain « Christ hébreu », coll. « Apologique », Éditions du Cerf, 1984. Recension sur le site Persée.
Philippe Gagnon, Christianisme et théorie de l'information : science et théologie dans l'œuvre de Claude Tresmontant, Éditions François-Xavier de Guibert, 1998
Jean-Yves Chevallier, De la métaphysique biblique à la philosophie chrétienne, itinéraire de Claude Tresmontant, Éditions François-Xavier de Guibert, 1998
Paul Mirault, Une initiation à la philosophie de Claude Tresmontant, ou la mélodie de l'univers, Éditions l'Harmattan, 2008
Yves Tourenne, Introduction à la métaphysique de Claude Tresmontant, Éditions Lethielleux, 2010
Michèle Juin, Le christianisme : une pensée puissante d'après Claude Tresmontant, Éditions l'Harmattan, 2016
Yves Tourenne, Claude Tresmontant et l'ontologie de la métamorphose, Éditions Franciscaines, 2016 (ISBN978-2850206375)
Yves Tourenne, Les conditions fondamentales de la prière : Métaphysique et prière chez Claude Tresmontant, Éditions Lethielleux, 2017
Philippe Gagnon (dir.), Claude Tresmontant, métaphysicien de l'inachevé (1925-1997). Actes de la journée d'étude du 2 février 2019, Paris, L'Harmattan, 2022. (ISBN978-2-14-025695-0)