Le mot « chanbara » provient de la contraction des onomatopées« chan-chan bara-bara » qui désignent le bruit de la lame tranchant la chair. Le genre est également appelé ken geki (剣劇) (film de sabre[3]) et est parfois assimilé à un sous-ensemble du « jidai-geki » (film historique).
Thèmes
Le genre obéit à des codes très précis quant à la définition des personnages, la forme visuelle et la structure de l'intrigue. Le héros est la plupart du temps un combattant solitaire, samouraï ou rōnin, qui doit suivre le bushido (littéralement « la voie du guerrier »), un code d'honneur dont l'irrespect entraînait le seppuku. Les combats sont souvent caractérisés par un rythme particulier : une longue attente suivie d'échanges de coups de sabre rapides et violents. Très sanglants, les films se terminent généralement en apothéose, avec une grande bataille ou un daikettō (littéralement « grand duel »).
Le style pratiqué par le personnage de Baby Cart est censé être celui de l'école Suiō-ryū Iai Kenpo. Les membres du clan Yagyū, auxquels il est confronté, pratiquent le Yagyū Shingan-ryū. Dans Soleil rouge, le personnage de Toshirō Mifune utilise une technique enseignée par le Tenshin Shōden Katori Shintō-ryū pour tuer le bandit qui fait irruption dans la grange. Il faut dire que l'acteur était lui-même un pratiquant de cette école. Enfin, dans Tabou de Nagisa Ōshima, on peut voir de nombreux styles d'escrime, ce qui illustre la grande variété des techniques enseignées dans les koryū de cette époque.
Histoire
Origine
Le chanbara, comme le cinéma japonais en général, vient du théâtre traditionnel, le kabuki[4]. Au début du XXe siècle, Shōjirō Sawada propose des combats plus énergiques encore dans ses pièces, et surtout, plus réalistes[5]. La fascination du public pour les samouraïs est donc antérieure au cinéma. Kanamori Bansho(ja) révolutionne le genre dans les années 1920 en s'inspirant des pièces de Shōjirō Sawada et aussi du cinéma occidental. Il dynamise les combats grâce à une utilisation alors inédite des techniques de montage. Le genre devient alors très populaire avec des acteurs comme Denjirō Ōkōchi qui incarnent des héros mythiques. On peut notamment citer Tange Sazen, personnage fictif, borgne et manchot, héros du film Le Pot d'un million de ryō, réalisé en 1935 par Sadao Yamanaka.
La même année que Sanjuro, en 1962, Masaki Kobayashi réalise Hara-kiri, qui donne un ton définitivement noir au genre. À travers le chanbara, le réalisateur vient interroger les valeurs communes de cette époque, à savoir l'honneur et le respect ; ces mêmes valeurs qui ont porté le Japon militariste durant la Seconde Guerre mondiale. Le genre porte alors les germes d'une vive critique sociale et politique. Le film recevra le Prix du Jury au Festival de Cannes en 1963. À la même période, c'est le début de la grande série des Zatoichi qui fera entrer l'acteur Shintarō Katsu dans la légende. La série est l'occasion pour le studio de la Daiei de mettre en avant de nouveaux réalisateurs : Kenji Misumi, Tokuzō Tanaka ou encore Kazuo Ikehiro. Et puisque ces années 1960 sont propices à la critique, même les grands mythes fondateurs sont revus, à l'exemple de Musashi. C'est Tomu Uchida qui s'occupera de réaliser les six films dans lesquels, à son tour, il questionne le bushido — littéralement « la voie du guerrier » — refusant continuellement de l'admettre comme un bien-fondé.
Dans la même idée, Kihachi Okamoto pose sur le genre un regard cynique teinté d'ironie. Il fait avec Le Sabre du mal la description d'un univers nihiliste où l'honneur des samouraïs n'est plus qu'une mascarade. Les hommes sont dominés par le respect des règles du bushido qui prend peu à peu possession d'eux jusqu’à en faire de véritables démons. Enfin, pour Hideo Gosha, les années 1960 représentent une belle période pendant laquelle il va explorer le chanbara, en jouant constamment avec ses codes. C'est ainsi que dès son premier film, Les Trois Samouraïs hors-la-loi, il renverse l'image habituelle du samouraï en le faisant patauger dans la boue. Mais surtout le réalisateur s'applique à travers ses personnages principaux à démontrer la contradiction morale de leur code de l'honneur. Un code qui les pousse à tuer, qui parle d'honneur quand il n'y a que lâcheté environnante et mépris des autres. Il amène ses personnages à se désolidariser du groupe pour suivre leur propre chemin, afin de s'épanouir spirituellement. Ce travail atteint son apogée en 1969, avec Gōyokin et Puni par le ciel. La décennie 1970 est marquée par la série Baby Cart de Kenji Misumi adaptée du manga de Kazuo Koike et Goseki Kojima, Lone Wolf and Cub. Six films seront réalisés.
Morgan Bréhinier, Simon Daniellou et Yannick Kernec’h (dir.) (dir.), Simon et Yannick Kernec’h (dir.), Découpes du chanbara : Motifs, mythes et modernités du film de sabre japonais, Presses universitaires de Strasbourg, coll. « Formes cinématographiques », , 416 p. (ISBN979-1-034-40148-2, OCLC1390595452)