Le château de Chanteloup était un château du XVIIIe siècle situé dans la vallée de la Loire, plus précisément dans les hauteurs de la ville d'Amboise (Indre-et-Loire), qui fut construit pour le compte de la princesse des Ursins, puis fut considérablement embelli et agrandi par le duc de Choiseul, ministre de Louis XV.
Détruit avant 1830 par des marchands de biens, il ne reste du domaine de Chanteloup que la pagode de Chanteloup et son parc, monument historique édifié par Louis-Denis Le Camus pour le compte du duc de Choiseul en 1775, et ouvert à la visite depuis la fin des années 1990 par la famille André.
Après plusieurs protections successives (première inscription en 1937), le domaine fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis le [2]. Ce classement comprenant le pavillon ouest, le pavillon est et leurs grilles, la maison du jardinier, le pavillon du concierge et la pagode de Chanteloup et son parc de 20 hectares. Sont inscrits au titre des Monuments historiques la sucrerie, la terrasse et le jardin.
Il se composait d'un long corps de logis élevé sur deux niveaux et couvert d'un comble mansardé.
Il fut considérablement étendu et transformé à partir de 1761[3] pour Étienne-François de Choiseul (1719-1785), principal ministre de Louis XV entre 1758 et 1770.
Le duc de Choiseul
Disgracié en 1770 en raison de sa trop grande proximité avec les parlements et de son opposition parfois publique à la politique du roi, ainsi que de ses quolibets sur Mme du Barry, favorite du roi, il se retire au château de Chanteloup sur ordre du roi jusqu'à la mort de ce dernier en 1774 et y reçoit des visiteurs venus de toute l'Europe, tenant une véritable cour et donnant de fastueuses réceptions.
Grâce à lui, Chanteloup devient une magnifique résidence de campagne, entourée de beaux jardins, qu'on n'hésite pas à comparer à Versailles.
Les travaux, effectués sous la direction de l'architecte du duc de Choiseul, Louis-Denis Le Camus, commencent en 1761 et se terminent avec la construction de la pagode, entre 1775 et 1778.
Le Camus prolonge le corps de logis par deux longues ailes ornées de colonnades et terminées l'une par une chapelle, l'autre par un « pavillon des Bains ». Il procède aussi à des aménagements intérieurs, dessine de nouveaux parterres et édifie de vastes communs.
« On entretenait un petit orchestre au château. Choiseul "avait six musiciens", précise Cheverny, "outre un jeune homme qui touchait supérieurement du clavecin ; soit lui, soit la duchesse jouaient aussi d'un piano-forte organisé[4]. Une pièce après le salon était destinée pour la musique, et tous les jours, de midi à une heure, on y exécutait en symphonie[5] ce qu'il y avait de mieux et de plus nouveau". Le duc engagea aussi un compositeur réputé, [l'organiste Claude] Balbâtre qui, selon [Jean-Jacques] Barthélemy, donnait à la duchesse des leçons de clavecin et se produisait lui-même en concert au piano-forte ou au clavecin devant la compagnie assemblée[6]. »
Le , c'est encore l'architecte Le Camus qui signa sur place un marché, pour la construction du château de Leugny à Azay-sur-Cher (Indre-et-Loire).
Après la mort de Choiseul en 1785, les créances, entre autres du menuisier tourangeau Thomas Bodin à qui le fleuriste du château avait commandé des caisses pour les orangers, et de Jacques-Joseph Duquesne, ingénieur au château depuis 1779, qui mentionne l'intervention d'un plombier ayant fourni des bronzes pour la letterie et le Rocher et les ouvriers qui mirent en place le nouveau bosquet vert, furent enregistrées au bailliage d'Amboise.
- suite de douze chaises du modèle dit "à la Reine", estampillées Jacob (vers 1785 ?) et portant la marque au fer du château, provenant de la descendance du duc, figura dans la vente mobilière par l'étude Delorme / Collin du Bocage a Paris le 8/06/2012 (n°407 du catalogue, reprod. coul. du lot p.122 et d'une chaise p.123).
- ensemble mobilier de style Transition (grand canapé, fauteuil "à la Reine et "Tête-à-tête" en bois redoré, plus deux fauteuils d'époque postérieure) commandé à Jacob par Choiseul pour le château et ayant appartenu ensuite à Pentehièvre figura dans une vente aux enchères publiques à la fin du XXème siècle (reprod. coul. du fauteuil dans "La Gazette de l'Hôtel Drouot").
- fauteuil en bois doré (vers 1770) dit "exécuté pour la maison de campagne du duc de Choiseul - Chanteloup" est conservé au Victoria et Albert Museum (reprod. coul. p.94 de L'art européen au Victoria and Albert Museum par A. Burton et S.Haskins, 1983).
- « meuble » de salon composé de deux bergères et six chaises en bois sculpté et doré (avec tissu original brodé) estampillés vers 1745 par l'ébéniste Nicolas Q. Foliot, portant la marque des châteaux de Chanteloup et de Sceaux, ayant appartenu au duc de Penthièvre et décrit sur place en 1794, est conservé dans la collection Rothschild de Waddesdon Manor, Bucks, Grande-Bretagne[7].
En 1792 l'administration du district d'Amboise le met sous séquestre et fait faire un inventaire de tout ce qui contient le château et les communs dont ses archives (Archives départementales d'Indre-et-Loire). Les ministres de l'Intérieur et des Finances réclament alors pour Paris notamment des tapisseries des Gobelins.
Après la mort du duc de Penthièvre, en 1793, il devient bien national, est saisi et vidé de son mobilier, partiellement transféré au musée des beaux-arts de Tours, qui conserve depuis des dessins et des tableaux dont des Boucher peints pour Madame de Pompadour, une commode laquée de Demoulin, un grand bureau plat marqueté à cartonnier attribué à Simon Oeben.
Chaptal cultive des betteraves[8] dans le parc pour produire du sucre mais, à la suite des difficultés rencontrées par son fils Jean-Baptiste-Marie, vicomte Chaptal de Chanteloup qui est un industriel spécialisé dans la chimie, il charge son homme d'affaires et fondé de pouvoir Baudrand de vendre terres et bâtiments à partir de 1823 ; les ventes par lots s'accélèrent après la faillite prononcée de ce dernier, en 1827, et jusqu'en à 1829. N'ayant pas trouvé preneur, le corps du château est finalement vendu à un démolisseur appartenant à la Bande noire, association de marchands de biens et liquidateurs de grands domaines fonciers qu'ils dépècent pour en vendre les matériaux, et sous les directives des banquiers Prosper Enfantin et de Jacques Laffitte, devenus les principaux créanciers du fils Chaptal[9].
La demeure est ainsi entièrement détruite en 8 semaines, à l'exception de la pagode, acquise le par le duc Louis-Philippe d'Orléans, avec 228 hectares de forêt[10] ; il n'en reste aujourd'hui que le pavillon dit du Concierge et deux pavillons de l'avant-cour encadrant la grille, visibles sur le tableau reproduit ci-contre.
Le musée Hôtel Morin d'Amboise conserve un grand plan aquarellé encadré intitulé Environs de Chanteloup, où figure au centre le domaine.
La pagode
La pagode de Chanteloup, appartenant à une série de fabriques de jardin propres au XVIIIe siècle, s'élève à la lisière de la forêt d'Amboise, au bord d'une vaste pièce d'eau demi-circulaire qui se prolongeait au sud par un grand canal aujourd'hui engazonné et formant un boulingrin[11],[12],[13],[14]. Située au sud du château au sommet d'une colline, elle formait le point de rencontre de sept longues avenues tracées dans la forêt d'Amboise.
Véritable temple dédié à l'Amitié et la Reconnaissance aux Amis, elle fut construite entre 1775 et 1778 par Le Camus à la demande du duc de Choiseul, comme un tribut élevé à la fidélité de ceux qui, bravant le roi, venaient le visiter à Chanteloup durant sa disgrâce.
Devant l'absence de sources et les difficultés de recueillir des eaux de ruissellement, Choiseul fit venir de Valenciennes l'ingénieur hydraulique Pierre-Joseph Laurent, créateur des canaux, qui, afin d'amener les eaux de l'étang des Jumeaux, traça un canal à travers la forêt sur treize kilomètres, qui fut détruit à la Révolution de 1789 pour récupérer le plomb du réseau des canalisations.
Cette construction, et l'aménagement d'un grand « miroir d'eau » en demi-lune terminé par un grand canal dans laquelle elle se reflète, achevèrent la transformation des jardins de Chanteloup ; elle fut destinée à des fêtes nocturnes.
Au premier étage, Choiseul aurait fait graver les noms de ses visiteurs sur des tables de marbre blanc, ensuite retournées face contre le mur aux dires du colonel Thornton, touriste anglais en 1802, et de l'architecte Fontaine, chargé en 1823 par le duc Louis-Philippe d'Orléans d'examiner la pagode foudroyée ; en 1935, le résultat d'une éventuelle remise en place de ces tables fut jugé aléatoire par René-Edouard André, propriétaire du domaine.
La silhouette générale évoque ces « chinoiseries » de fantaisie en vogue au XVIIIe siècle, comme celle des Jardins botaniques royaux de Kew (Kew Gardens), près de Londres, édifiée par William Chambers pour la princesse de Galles — lourde construction cylindrique en briques reposant sur un énorme soubassement — d'où le nom de « Pagode », mais la colonnade, les quatre balcons de ferronnerie et toute la décoration sont de pur style Louis XVI.
L'audace de l'architecte, qui a construit chaque étage « en coupole » est d'avoir coupé chacune d'elles, supportant les étages, par l'escalier intérieur de 149 marches qui monte jusqu'au sommet.
Haute de 44 mètres, la pagode comporte sept étages, en retrait les uns sur les autres (principe de la longue-vue), qui reposent sur un péristyle du plus pur style Louis XVI circulaire de seize colonnes et seize piliers.
Il semble que sa structure ne doive rien au hasard : elle a été construite au point de convergence de sept allées forestières longues de trois lieues chacune, elle compte sept étages, l'escalier d'entrée à sept marches, elle est surmontée d'un globe doré symbolisant le soleil et la pièce d'eau à ses pieds a la forme d'une demi-lune. Sans qu'on puisse l'affirmer, il faut peut-être y voir un symbolisme maçonnique, très en vogue à l'époque[15].
La pagode a été restaurée en 1908-1910 sous la direction de l'architecte et ingénieur René Édouard André, fils du célèbre botaniste, architecte et paysagiste Édouard André (1840-1911) auteur de L'art des Jardins, traité général de la composition des parcs et jardins (Paris, Masson, 1879), et appartient aujourd'hui à ses descendants.
Les « anciens jardins de Chanteloup : parties comprenant des parties architecturées (...) le site en terrasse de la pagode (..), le pavillon dit du Concierge et celui dit de la grille dorée ; une partie du parc boisé entourant l'ancien grand canal » ont été inscrits à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques les 30 mai et 11 juillet 1994[2].
En 1913, l'écrivain Jehanne d'Orliac fait l'acquisition du pavillon dit de la « grille dorée », un des bâtiments encore existant du château de Chanteloup. Une de ses amies, Lucie Delarue-Mardrus, parle de son « petit château de rêve ». C'est dans ce lieu historique, que Jehanne d'Orliac s'intéresse au passé de ce château et à ses célèbres occupants d'autrefois, notamment le comte Étienne-François de Choiseul[16].
Jehanne d'Orliac, morte en 1974, avait légué ce bien à la ville d'Amboise et au département d'Indre-et-Loire[17].
Le pavillon du Concierge de la Pagode, construit à l’entrée de l’esplanade de la Pagode, abrite aujourd'hui un petit musée dans lequel on voit une exposition de reproductions de plans du château et des jardins de Chanteloup, ainsi que des tableaux et portraits des personnes illustres de Chanteloup. Les visiteurs pourront notamment suivre une visite virtuelle du château et des jardins du temps de Choiseul en visionnant le film 3D diffusé à l'intérieur du musée.
Quelques éléments du décor sculpté du domaine se trouvent en Touraine :
les deux grands vases en marbre de forme dite « Médicis », godronnés, sur l'esplanade - côté ville - du pont Wilson à Tours ;
↑« Le piano-forte organisé est un instrument de salon hybride tenant du piano et de l'orgue, qui a connu un certain succès dans les dernières décennies du XVIIIe siècle. »
↑De Saint-Aulaire, « Lettres à Madame du Deffant », 10 octobre 1772, in : Correspondance complète de Marie de Vichy, marquise du Deffand avec la duchesse de Choiseul, l'abbé Barthélémy, ..., Paris, 1877. Cité par Claude Petitfrère, dans : « De Versailles à Chanteloup, la disgrâce de Choiseul (1770-1785) », Bulletin de la Société archéologique de Touraine, LXI, 2015, p. 193-205 (p. 202-203).
↑reprod. par Pierre Verlet dans Les meubles français du XVIIIe siècle P.U.F., 1982
↑VIEL Claude, Deux propriétaires terriens éminents : Lavoisier, dans le Blésois et Chaptal, en Touraine, Mémoires de l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Touraine, Tome 8, 1995, p. 75-92
↑Georges Kersaint, « Sur l'usine de Chaptal aux Ternes », in: Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, Paris, Bachelier, mars 1961, p. 1407-1409 — lire sur Gallica.
↑L'acte notarié parisien daté du 18 mars décrit sommairement l'édifice et la pièce d'eau
René-Edouard André, Document inédits sur l'histoire du château et des jardins de Chanteloup, texte de sa communication à la Société de l'Histoire de l'Art Français, bulletin, 1er fascicule (Librairie Armand Colin, 1935, p. 21-39, ill. de photographies et de plans, dont celui gravé par Le Rouge en 1775, et un plan colorié inédit).
« La pagode de Chanteloup, Amboise », in Caroline Holmes, Folies et fantaisies architecturales d'Europe (photographies de Nic Barlow, introduction de Tim Knox, traduit de l'anglais par Odile Menegaux), Citadelles & Mazenod, Paris, 2008, p. 124-125 (ISBN978-2-85088-261-6).
Farid Abdelouahab (dir.) (préf. Jack Lang), Regards objectifs : Mieusement et Lesueur photographes à Blois, Paris, Somogy, , 183 p. (ISBN2-85056-436-2), p. 127
Chanteloup, un moment de grâce autour du duc de Choiseul, catalogue de l'exposition au Musée des Beaux-Arts de Tours, 7/04/-8/07/2007 (éditions Somogy).