Le site actuel de la cathédrale a été utilisé en tant que siège d’un évêché depuis le VIe siècle. Il est probable qu’elle fut construite à la place d’un sanctuaire plus ancien.
L’ancien édifice fut complètement remplacé par une église gothique au XIIe siècle. C'est dans ses murs que, le , Henri Tudor, futur Henri VII d'Angleterre, alors en exil en Bretagne promet d'épouser Élisabeth d'York afin de rallier l'armée restée fidèle à feu Édouard IV[2]. Ce mariage effectif en 1486 scellera la fin de la Guerre des Deux-Roses et initie la dynastie des Tudor qui donnera cinq souverains à l'Angleterre dont les deux premières reines régnantes , successivement Marie Ire et Élisabeth Ire.
En 1490, la tour et la façade occidentale de l’église gothique s’effondrèrent. On entreprit dès lors une interminable reconstruction du massif occidental qui dura 163 ans et aboutit à la façade en granite que nous connaissons aujourd'hui qui est en grande partie de style classique.
La nef et le chœur cependant n’avaient pas été restaurés et menaçaient ruine. En 1730, l'architecte Jacques V Gabriel les avait jugés irréparables. L'ingénieur Abeille avait proposé de rebâtir l'ensemble de l'édifice sur un plan en croix grecque, mais il mourut en 1752 sans que le projet ait reçu le moindre début d'exécution.
Il apparut alors que pour éviter un effondrement total, il était nécessaire de reconstruire l’édifice tout entier, à l’exception de la façade de construction récente et solide. Les deux architectes préconisèrent d'inverser l'orientation de l'édifice et de ne conserver que les tours, qui se trouveraient placées au chevet.
« La Bretagne, zélée pour l'embellissement de sa capitale, a voulu encore qu'elle fût embellie d'une cathédrale bâtie dans le bon goût de l'architecture grecque […] M. Potain sera chargé sous M. Soufflot de la conduite de cet édifice. »
La démolition eut lieu de 1756 à 1768. Néanmoins, pour dégager les crédits nécessaires à la réalisation du projet de Potain, il aurait fallu mettre plusieurs abbayes « en économats » en privant leurs titulaires de leurs bénéfices. Le roi hésita et le projet fut gelé. En 1780, la Commission des Secours sollicita de nouveau les Bâtiments du roi[6]. C'est alors que l'architecte nantaisMathurin Crucy présenta un projet qui respectait l'orientation ancienne de l'édifice et un devis plus raisonnable de 840 000 livres[5]. La reconstruction débuta en 1787, mais la Révolution française arrêta les travaux. Le décret impérial du stipule dans son article premier que la cathédrale de Rennes sera achevée ; néanmoins, son application se fait attendre[7].
Les travaux reprirent en 1816 sous la co-direction de Mathurin Crucy et Philippe Binet (1742-1815). Après la mort de Crucy en 1826, ils se poursuivirent, non sans interruption[8], sous la direction de l'architecte municipal Louis-Guy Richelot[5], exécutés par les entreprises de MM. Boy et Binet (fils de l'architecte Philippe Binet). La cathédrale désormais néoclassique avec façade classique fut achevée en 1845.
Le jour de Pâques du , Godefroy Brossay Saint-Marc inaugure la nouvelle cathédrale.
À partir de , la cathédrale Saint-Pierre subit d'importants travaux de nettoyage des décors intérieurs et d'une réfection des vitraux. L'inauguration initialement prévue pour fin 2012 s'est finalement tenue en .
Extérieur
Façade ouest
La façade et ses deux tours classiques de granite de 48 mètres de haut fut édifiée en plusieurs étapes tout au long des XVIe et XVIIe siècles.
Les tours comportent quatre niveaux. De 1640 à 1704, on retrouve des architectes de l'école lavalloise pour la construction. Le premier niveau fut construit de 1541 à 1543, le second ainsi que le troisième de 1640 à 1654 (par Tugal Caris[9]), et le quatrième et dernier (par Pierre Corbineau) de 1654 à 1678. Enfin François Huguet compléta le couronnement des tours entre 1679 et 1704, les portant à leur hauteur actuelle de 48 mètres et ajouta sur le fronton au sommet de la façade la devise de Louis XIV (Nec pluribus impar, l’incomparable).
Outre le front, la façade possède cinq blasons de tuffeau (de haut en bas, de droite à gauche) :
Pour souligner la force et la solidité du nouvel ensemble par opposition à la fragilité de la construction précédente, les architectes ont doté la façade de 44 colonnes de granite.
La nef comporte quarante quatre colonnes ioniques. C’était la partie la plus austère de l’édifice. Pour atténuer cette austérité, on entreprit au XIXe siècle de revêtir de stuc les colonnes ainsi qu'une partie des murs (Il s'agit d'un mélange de poussière de marbre, de chaux éteinte et de craie), ce qui donne une plus grande luminosité à l'édifice.
La voûte en plein cintre par contre est décorée d'ors, œuvre d'Auguste Louis Jobbé-Duval, qui fonda en 1843 la Maison Jobbé-Duval spécialisée dans la décoration, la restauration de tableaux et la dorure sur bois. Il est le cousin germain de Félix Armand Marie Jobbé-Duval (1821-1889) qui exécuta le décor des plafonds de l'aile sud-ouest du Parlement de Bretagne. La voûte comporte des écussons aux armes de la Bretagne et des diocèses suffragants de l'archevêché de Rennes. Ceci contribue à créer une apparence plus somptueuse.
Chœur
Le revêtement du sol du chœur est composé d'austères dalles de granite. Celles-ci offrent un violent contraste avec le maître-autel réalisés avec des marbres offerts par le pape Pie IX et provenant du forum romain.
Le cul-de-four de l'abside est orné d'une peinture représentant la dation par le Christ des clés du Royaume des Cieux à saint Pierre, réalisée vers 1871 par le peintre du XIXe siècle Alphonse Le Hénaff .
Alphonse Le Hénaff, La Remise des clés du Royaume des Cieux à saint Pierre, par le Christ (vers 1871), cul-de-four de l'abside.
Dans le chœur au premier plan, le mobilier d'Arcabas (1995).
Alphonse Le Hénaff, Les Saints du diocèse de Vannes (vers 1875-1876), déambulatoire nord.
Transept
Les deux croisillons du transept possèdent chacun une somptueuse chapelle ornée de fresques remarquables. Celles de la chapelle méridionale sont consacrées à sainte Anne, patronne de la Bretagne. On y trouve aussi le tableau de la délivrance de saint Pierre du peintre Henri-Joseph de Forestier donné par Charles X. L’œuvre date de 1827 et représente saint Pierre délivré de sa prison par un ange[10].
La chapelle septentrionale abrite une série de fresques consacrées à Marie. Elles participent ainsi au culte marial très répandu en Bretagne.
Le culte de sainte Anne en Bretagne.
La délivrance de saint Pierre.
Alphonse Le Hénaff, Reconnaissance de la ville de Rennes envers la Vierge.
Ce projet du sculpteur Laurent Esquerré consiste en l'installation de quatre statues de trois mètres de hauteur chacune, dans les quatre pendentifs sous la coupole. Selon le Père Heudré, curé de la cathédrale, « il s'agit d'un ensemble de statues en terre cuite, qui représenteront les tétramorphes symboliques des quatre évangélistes, associés à des scènes tirées des Évangiles : L'homme pour saint Matthieu, le lion pour saint Marc, le taureau pour saint Luc, et l'aigle pour saint Jean ». Les quatre statues d'argile ont été réalisées à Vietri sul Mare, près de Naples, (Italie), à partir de février 2018.
La nouvelle salle du Trésor[11], ainsi que les quatre nouvelles statues ont été inaugurées dans la cathédrale le [12].
Les quatre pendentifs, avant aménagement.
Deux des quatre pendentifs, avant aménagement.
Crypte
L'entrée se trouve sous la lourde dalle gravée des noms des évêques inhumés, au milieu de l'allée centrale de la cathédrale. Cette crypte est seulement ouverte à l'occasion de sépultures. On y descend lors de l'inhumation d'un évêque ou d'un archevêque, y sont enterrés, entre autres :
La cathédrale héberge un grand chef-d'œuvre : un retable flamand anversois du XVIe siècle, orné de 80 personnages, qui fut restauré en 1984. Le retable est classé au titre objet des monuments historiques depuis 1901[13].
En , des voleurs se sont introduits dans la cathédrale en se laissant enfermer dans l'édifice. Ceci leur laissa toute la nuit pour démonter et voler les trois éléments de la prédelle du retable datant du XVIe siècle, dans la dernière chapelle avant l'entrée du transept droit. Sept mois plus tard, seule la scène du mariage d'Anne et Joachim fut retrouvée en Belgique et solennellement restituée à Mgr d'Ornellas, archevêque de la province ecclésiastique de Rennes pour regagner sa place d'origine[14]. Une statuette représentant une bergère de l’adoration des bergers avait précédemment été volée le [13].
Les grandes-orgues de la cathédrale datent de 1874. L'instrument, construit dans une esthétique romantique par le facteur Aristide Cavaillé-Coll, est logé dans un buffet, œuvre de l'architecte Alphonse Simil. Après quelques modifications opérées par Victor Gonzalez en 1939-1940, l'instrument est totalement reconstruit par la manufacture Haerpfer-Erman en 1970 dans un esprit néo-classique. Un positif dorsal est alors ajouté, les tuyaux trouvant place dans un buffet conçu par l'architecte en chef des monuments historiques Raymond Cornon. Aujourd'hui, les grandes-orgues de la cathédrale de Rennes constituent l'instrument le plus important du département d'Ille-et-Vilaine[17].
L'orgue comporte :
une console en fenêtre dotée de 4 claviers manuels de 56 notes et d'un pédalier à l'allemande de 30 notes ;
Il est logé dans un buffet néo-classique en chêne et occupe la section centrale du déambulatoire ceinturant le chœur, au fond de l'abside de la cathédrale. Portée par un haut soubassement, partiellement en encorbellement, sa tuyauterie est masquée par de faux tuyaux en bois peints et dorés. Groupés par sept, en deux plates-faces encadrées par des pilastres sommés de chapiteaux corinthiens pour les façades latérales, ces chanoines sont au nombre de vingt-neuf pour la façade principale, deux plates-faces de sept faux tuyaux encadrant une section centrale de quinze.
Datant de 1867, cette œuvre de la maison Merklin-Schütze, a été présentée à Paris lors de l'Exposition universelle de 1867[18]. L'instrument a été par la suite expertisé en atelier le par Eugène Henry, alors organiste titulaire de la cathédrale, César Franck, Louis Lebel, Édouard Batiste, organistes à Paris de Sainte-Clotide, Saint-Étienne-du-Mont et Saint-Eustache. Commandé dès 1867 par le chapitre métropolitain, l'instrument ne sera installé que courant 1869 pour être reçu en la cathédrale seulement le 9 décembre[19].
Cet orgue remplace un instrument de la manufacture Daublaine-Callinet datant de 1843, augmenté par le même facteur en 1859 et vendu à la fabrique de Notre-Dame de Pontorson. Relevé en 1881 par Jean-Baptiste Claus, ancien contremaître de Cavaillé-Coll, il a été légèrement modifié en 1936-1937 par Victor Gonzalez.
L'orgue comporte :
une console retournée, au centre l'abside, dotée de 2 claviers manuels de 56 notes et d'un pédalier à l'allemande de 30 notes ;
Les tours de l'église métropolitaine de Rennes abritent une sonnerie de cinq cloches. Le bourdon, nommé Godefroy, se trouve logé dans la tour nord. Fondue par l'entreprise Bollée du Mans, cette cloche, donnant Fa#2, a été bénie le [21]. Elle pèse environ 7 900 kg. Son battant de 240 kg a été changé le [22].
Les quatre autres cloches, situées dans la tour sud, portent les noms de Marie, Pierre, Amand et Melaine. Elles donnent La2, Do#3, Mi3 et La3. Elles pèsent 3 950 kg, 1 467 kg, 1 155 kg et 475 kg. Pierre est l'unique cloche conservée de la fonte Bollée de 1843 qui comptait trois vases sonores, Marie (3 052 kg), Pierre (1 467 kg) et Amand (820 kg), bénies le [21]. Les trois autres cloches ont été fondues le par l'entreprise Paccard d'Annecy et baptisées le 15 avril suivant[23].
Le bourdon, portant le prénom du premier cardinal-archevêque de Rennes, Mgr Brossay-Saint-Marc, constitue la plus grosse cloche de volée en Bretagne [24]. Les noms de ses consœurs évoquent le saint-patron de la cathédrale, Pierre, celui de l'archidiocèse de Rennes, Dol et Saint-Malo, Melaine, et son prédécesseur sur le trône épiscopal, Amand.
↑La cathédrale est occupée pendant 18 mois, entre et mi 1832, par un dépôt de matériel d'artillerie, qui stoppe les travaux. Archives nationales, travaux de restauration de la cathédrale de Rennes, cotes F/19/7840 et F/19/7841.
↑ Il réalise la façade d ont les travaux avaient été arrêtés un siècle plus tôt. Il réalise le grand portail et une partie des tours de 1640 à 1654.
↑Sabine Morvézen (dir.), Orgues en Ille-et-Vilaine. Inventaire national des orgues, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, 358 p. (ISBN2-7535-0153-X), pp. 209-213.
↑Constant Plard, La cathédrale Saint-Pierre de Rennes, Lyon, Imprimerie Lescuyer, , p. 8.
↑Sabine Morvézen (dir.), Orgues en Ille-et-Vilaine. Inventaire national des orgues, Rennes, Presses universitaires de Rennes, , 358 p. (ISBN2-7535-0153-X), p. 214.
↑La cathédrale Saint-Pierre de Rennes. Guide du visiteur, Rennes, Imprimerie Simon, s.d., p. 11-12.
Georges Nitsch, La cathédrale, l'abbaye Saint-Melaine, l'église Saint-Germain de Rennes. Notes historiques., Rennes, Librairie Larcher, , 93 p..
« Dans les hautes tours de la cathédrale, d'habiles spécialistes préparent les travaux de descente des cloches », L'Ouest-Éclair, Rennes, no 13620, , p. 8 (lire en ligne).