Carentan est située au milieu de vastes marais assainis et transformés en riches prairies, au confluent de la Taute et de la Douve. La Capitale des Marais, aux portes de la péninsule du Cotentin et de la baie des Veys[Note 1], est au cœur du parc naturel régional des Marais du Cotentin et du Bessin. La place qui devait être isolée des inondations contrôlait cette partie du Cotentin, et le passage se faisait au niveau des Ponts d'Ouve, qui ne laissait le passage qu'à un chariot[3]
La ville est dotée d'une gare ferroviaire sur la ligne Cherbourg-Caen-Paris et est traversée par les RN 13 et RN 174. Elle est desservie par le transport en commun départemental par bus (Manéo) via la ligne 001 Cherbourg-Octeville - Valognes - Carentan - Saint-Lô. Son port est relié à la mer par un canal.
Toponymie
Le nom de la localité est attesté sous les formes Carenton et Karentonem en 1063 et 1066[5], Karentomum au XIe siècle[6], Carentonus en 1136[5] et Carentan en 1319[5].
La localité est désignée à l'époque gallo-romaine sous la forme Carentomagus qui serait issue de l'anthroponymegauloisCarentus[6],[5], ou du substantif carento, « cher », « beau »[7], et de *magos, « marché »[6].
Sa position-clé a fait de Carentan, au gré des diverses guerres, une place forte des marais très disputée. La cité de Carentomagus fut souvent assiégée et détruite, lors des incursions vikings et des guerres franco-anglaises.
Le château de Carentan ne fut jamais une propriété particulière. Après avoir été la possession des ducs de Normandie, il fut réuni, par Philippe Auguste, à la couronne de France jusqu'à la Révolution, excepté pendant la guerre de Cent Ans avec l'occupation anglaise, le temps du roi de Navarre, et un peu durant les guerres de Religion[13].
La place est fortifiée par Blanche de Castille (1188-1252) pendant la minorité de Saint Louis[14]. Ceinte de remparts, on y accède par deux portes principales, à l'est celle de Saint-Hilaire vers Bayeux, à l'ouest celle de Saint-Cosme[12] ou porte Houlegatte, vers Valognes et Coutances. Les noms des portes rappellent les villages, Saint-Côme-du-Mont et Saint-Hilaire-Petitville, vers lesquelles elles sont tournées[15]. Le cœur de la cité est alors la place royale, actuelle place de la République. L'enceinte ne semble pas avoir été flanquée par de nombreuses tours, au vu des plans de 1674 et 1754, qui laissent supposer l'existence d'une tour ronde et de deux tours carrées[15].
Au début de la guerre de Cent Ans, l'armée d'Édouard III d'Angleterre, fraîchement débarquée à la Hougue le se fait livrer la place lors de la chevauchée qui se terminera par la bataille de Crécy et la reddition de Calais[18],[19]. C'est au cours de ce conflit que l'ancienne place forte sera modernisée : le donjon annulaire ou shell-keep est renforcé et les capacités résidentielles sont augmentées[20]. Les bourgeois de la ville refusant de se défendre, les deux capitaines de la ville, Nicolas de Grouchy et Roland de Verdun[21],[Note 2], la livrèrent sans combattre[Note 3], ce qui n'empêcha pas les Anglais de la mettre au pillage puis de raser les murailles, d'abattre les maisons et de la livrer aux flammes. Le conseiller du roi, Michaël de Northburgh, nous dit que « vins et victuailles » s'y trouve à foison. Un millier de Carentanais, parmi les plus riches seront envoyés captifs en Angleterre[12]. Après le départ des Anglais, les carantanais reprirent par les armes la ville et le château[22].
En 1449, dans le cadre de la reconquête de la Normandie occupée par les Anglais, l'armée royale de Charles VII reprend la ville au bout de cinq jours[25]. En 1460, on relève les remparts à la suite des destructions des guerres franco-anglaise[15].
Cadre de vie
Quai à vin au Moyen Âge, le port de Carentan fut certainement à l'origine de la ville[26]. Une foire annuelle dite de la Saint-Liénard se tenait tous les [27].
En 1324, des endiguements de terres prises sur la mer sont reconnus à Carentan où « les propriétaires de terrains bornés par la mer peuvent conquérir sur la ligne de leur héritage, autant de terre que leur permettent leur industrie et leurs capitaux »[28].
En 1572, Montgommery fortifie à nouveau la ville en faisant creuser par les paysans un canal pour créer des zones inondables[14]. Le la ville capitule devant les troupes royalistes[31]. Lors de la cinquième guerre de Religion, les deux chefs protestants, Gabriel Ier de Montgommery et le marquis de Colombières, François de Bricqueville, s'emparent à nouveau de la ville[30],[31], et c'est à Carentan que se retira Montgommery après son échec de la prise du château de Valognes dont il avait entrepris le siège le , et qu'il abandonna au bout de seize jours à l'annonce de la venue de Matignon[32].
En 1594, la ville qui avait pris parti pour la Ligue se soumit à Henri IV
En 1679, Carentan est pratiquement complétement détruite à la suite d'un nouvel incendie[14]. À cette époque la ville a pour gouverneur Antoine de Longaulnay auquel succéda son fils François Antoine de Longaulnay[33].
Le château, avec son donjon, est au XVIIIe siècle enfermé dans une première enceinte bastionnée construite par Vauban[34]. Il n'en subsiste de nos jours aucun vestige[35] ; elle est rasée comme celle de Cherbourg. Mais en 1754, on édifie une seconde enceinte bastionnée afin de protéger la ville[14].
En 1735, Louis XV fait construire sur la rivière d'Ouve le barrage de la Barquette avec ses seize portes de chêne remplacée tous les vingt-cinq ans, afin d'empêcher la mer de recouvrir les marais[3].
Époque contemporaine
Elle est chef-lieu de district de 1790 à 1795. En 1853, on démantèle toutes les fortifications. En 1870-1871, lors de la guerre franco-allemande on dispose au niveau de la Douve une ligne de 35 batteries (pièces de marine) prises dans les réserves de l'arsenal de Cherbourg ou débarquées de la flotte, et en 1871, on projette d'inonder les marais à partir de Carentan dans le plan de défense de la place de Cherbourg[14].
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, dès le , la commune est le théâtre de violents affrontements entre parachutistes américains de la 101e Airborne Division et les Fallschirmjäger allemands. C'est finalement à la baïonnette que la ville sera prise par les Américains le . Certains bâtiments assez anciens de la ville portent encore les stigmates de la bataille. Ces évènements sont relatés en détail dans le livre Frères d'armes et la mini-série qui en est tirée (épisode 3).
Selon le Général Eisenhower, Commandant suprême des Forces alliées en Europe, Carentan (l'objectif de la 101e Airborne) est la clé du débarquement. Dans ses mémoires, il écrira : « Le , j'ai fait le tour de la zone du débarquement en compagnie de l'amiral Ramsay, et je me suis entretenu avec le Field Marschal Montgomery, le général Bradley, et les commandants des forces navales. Tous étaient inquiets des conditions de débarquement défavorables et aspiraient à une amélioration de la météo qui permettrait à nos troupes d'exploiter pleinement leurs premiers succès… Sur la plage d'Omaha, qui continuait à nous causer le plus d'anxiété, le général Bradley nous a signalé une certaine amélioration, mais à la suite de cette réunion des commandants, je décidais de modifier le plan tactique immédiatement afin que toutes les forces américaines, le Ve et VIIe Corps, se concentrent sur la liaison des plages de débarquement à Carentan. »
Pour le général Bradley également, c'est l'objectif de la 101e airborne qui est primordial. « Un risque majeur de l'opération Overlord était qu’une fois à terre, les Alliés seraient incapables de relier et consolider les cinq têtes de pont avant que les Allemands ne montent une contre-attaque blindée majeure visant à diviser leurs forces et de les rejeter à la mer. Cette menace pour la liaison des plages se matérialisa. À cet instant, Carentan était sans doute le point le plus vital de toute l’opération à cause de la précarité des défenses américaines qui s’y trouvaient. Le secteur était détenu par la 101e division aéroportée, qui avait été pratiquement isolée sur le secteur.
Dans la planification de l'opération Overlord, Carentan avait été désignée comme un objectif principal du D-Day, car la ville se trouvait entre les plages de débarquement d’Omaha et Utah. Après une étude plus approfondie, sa capture avait été jugée trop ambitieuse, et il a été décidé que la ville serait prise plus tard, lorsque la situation tactique serait plus favorable. La mission révisée de la 101e division aéroportée était de prendre les rivières et canaux au nord, à Saint-Côme-du-Mont et au nord-est de Carentan. »
Cependant le général Bradley tenait à capturer Carentan au plus vite, et la voulait pour le Jour J+1. S’il n’y arrivait pas, il était prêt à la détruire, si nécessaire, et nota encore dans ses mémoires : « Nous devons rejoindre le général Gerow au plus vite. J’avais dit au général Collins, anticipant des difficultés dans ces marais : si cela devient nécessaire pour gagner du temps, envoyez 500 ou même 1 000 tonnes de bombes sur Carentan et détruisez la ville. Ensuite, précipitez-vous et vous l'obtiendrez[36]. ».
Le conseil municipal était composé avant la fusion de vingt-neuf membres dont le maire et ses adjoints[48]. Ces conseillers intègrent au complet le conseil municipal de Carentan-les-Marais le jusqu'en 2020.
En 2021, la commune comptait 6 024 habitants. Depuis 2004, les enquêtes de recensement dans les communes de moins de 10 000 habitants ont lieu tous les cinq ans (en 2008, 2013, 2018, etc. pour Carentan[50]) et les chiffres de population municipale légale des autres années sont des estimations[Note 4].
Carentan a compté jusqu'à 6 589 habitants en 1982.
La commune héberge depuis 2014 une unité de méthanisation développée par Methaneo, qui collecte des déchets agricoles et agro-industriels pour produire du biométhane injecté sur le réseau de gaz local[55].
Le marché hebdomadaire se tient le lundi.
Culture locale et patrimoine
Lieux et monuments
La ville a gardé de son passé médiéval quatre maisons à arcades des XIVe – XVe siècles bâties sur l'ancienne place royale, de nos jours place de la République. Ces arcades gothique sont uniques en Normandie. Elles sont supposées être le reste d'un ancien marché couvert. L'ensemble est partiellement inscrit au titre des monuments historiques par arrêté du [56]. Le château quant à lui a complètement disparu et on ne conserve son souvenir que dans le nom de la rue du Château[Note 5]. Quatre autres bâtiments sont inscrits : l'hôtel de Ponthergé du milieu du XVIe siècle (rue Sebline)[57], la maison du 47 rue Holgate[58], l'ancienne loge maçonnique du XVIIIe[40] (impasse des Saules)[59] et l'hôtel Hervieu-de-Pontlouis ou Dey du XVIIe siècle (7, rue de l'Église)[60].
Parmi les autres monuments protégés aux monuments historiques ont trouve encore l'église Notre-Dame des XIIe, XVe, XVIe – XIXe siècles[40], détruite en 1443 et reconstruite en style gothique flamboyant à la fin du XVe siècle. Elle est classée au titre des monuments historiques par liste de 1862[61]. L'édifice n'a conservé de l'époque romane qu'un portail latéral et des piliers[62]. Elle abrite de nombreuses œuvres classées au titre objet de 1905 à 1981[63] dont des stalles du XVIe[64],[40].
On peut encore noter :
l'hôtel de ville dans l'ancien couvent des Augustines des XVIIe – XVIIIe siècles[40]. Il servit de caserne, de collège, de garnison, etc. ;
les hôtels particuliers : Enouf du XVIIIe siècle, de Lessey du XVIIe siècle, Le Bidois, et de Maillé devenu presbytère du XVIIIe siècle[40] et qui eu l'honneur d'accueillir une nuit Napoléon Ier ;
de son passé médiéval : une maison rue Saint-Germain du XVe siècle ? sur la droite avant de déboucher sur la place de la République ; cour du no 1 de la rue de l'Arsenal ; no 10 rue du Château, un pignon en pierre de taille et en face une porte ancienne. En entrant dans la cour, on passe sous un escalier à vis de la fin du XVe siècle ; no 1 rue de l'Église, une grande maison d'époque classique, qui a conservé un pignon médiéval avec à sa base un monstre sculpté[65] ;
le pont-canal mis en service le [40]. Il fait passer la route nationale 13, à 2 × 2 voies, reliant Caen à Cherbourg sous le bassin à flot reliant le port de Carentan et la mer. Le chantier a duré 22 mois avec en moyenne 70 personnes par jour. Il mesure 615 mètres et a coûté 163 millions de francs (soit environ 24,9 millions d'euros). Sa construction a nécessité la mise en œuvre de 2 800 tonnes de palplanches, 18 000 m3 de béton, 1 741 tonnes d'acier, trois pompes de drainage de 9 kW, deux pompes d'assainissement de 44 kW, un groupe électrogène de 200 kVA. L'ensemble a généré 130 000 m3 de déblais ;
le D-Day Experience ; musée consacré à l'histoire des parachutistes allemands et américains en , situé à Dead Man's Corner (poste de commandement avancé des parachutistes allemands en ).
Pour mémoire
Chapelle Saint-Germain, dans le cimetière, près de l'église paroissiale. L'édifice était placé sous le patronage de Germain le Scot[66].
Pendant le Premier Empire : D'hermine, au coq de gueules, chef d'azur chargé de trois étoiles d'argent ; franc quartier des villes de troisième ordre[68].
↑Dans le tableau des recensements et le graphique, par convention dans Wikipédia, le principe a été retenu, pour les populations légales postérieures à 1999 de n’afficher dans le tableau des recensements et le graphique que les populations correspondant à l'année 2006, première population légale publiée calculée conformément aux concepts définis dans le décret no 2003-485 du 5 juin 2003, et les années correspondant à une enquête exhaustive de recensement pour les communes de moins de 10 000 habitants, ainsi que la dernière population légale publiée par l’Insee.
↑Le donjon roman situé Place du Petit-Valnoble, qui en était le dernier vestige fut rasé en 1800. La décoration d'une de ses anciennes portes et l'archivolte du portail de l'église sont de la même facture[11].
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