Les travaux débutent le à Rome (New York). Aucun des responsables de la construction n'est expérimenté en génie civil. Les hommes qui établissent le tracé, James Geddes et Benjamin Wright, étaient d'anciens juges. On trouve également Canvass White, un ingénieur amateur de 27 ans, qui part étudier le système des canaux en Angleterre, et Nathan Roberts, un professeur de mathématiques. La construction se heurte à de multiples difficultés. Le défrichement de la forêt vierge s'avère tout d'abord plus délicat que prévu. En 1819, lors de la traversée du marais de Montezuma, en bordure du lac Cayuga, plus de 1 000 travailleurs meurent de fièvre, probablement de la malaria. Enfin, le percement de la tranchée dans l'escarpement du Niagara, réalisée avec des explosifs à base de poudre noire, cause de multiples accidents.
La première section du canal est ouverte en 1819, et le reste le . Il est à cette époque long de 584 kilomètres, pour une largeur de 12 mètres et une profondeur de 1,20 mètre. 83 écluses, au gabarit de 27 mètres sur 4,50, permettent de compenser la différence d'altitude de 183 mètres entre le fleuve Hudson à Albany et le lac Érié. Le tonnage maximal des navires est de 75 tonnes. Le canal Érié permet de réduire de 90 % les coûts de transport entre la côte est et les zones de l'intérieur du continent, qui sont alors encore sauvages. Sa mise en service accélère la colonisation de l'État de New York, avec le développement des villes de Buffalo, Rochester, Syracuse, Rome, Utica et Schenectady. Le canal Érié contribue largement à l'expansion de la ville de New York, qui devient un port de premier plan, au détriment de Philadelphie, de Boston et de Baltimore. Il permet l'expansion des cultures le long de son parcours. Les journaux des villes qu'il dessert veulent recevoir les cotations et nouvelles des autres marchés, et créent dès 1846[1], la New-York State Associated Press, en réunissant les quotidiens existant les plus à l'ouest d'Utica. Ils obtiennent une ligne télégraphique achevée dès l'été 1846, avec une qualité de service meilleure que sur les autres lignes américaines. Un tiers des nouvelles reçues concerne les marchés financiers ou de marchandises[2].
Le canal Érié est remplacé par le canal New York Barge, ouvert en 1918 aux embarcations de 1 800 tonnes. Le tracé de la nouvelle voie fluviale emprunte quelques portions du premier canal, mais exploite largement les rivières existantes, comme la Mohawk, la Seneca, la Clyde, ou encore le lac Oneida. Avec la concurrence accrue de la voie maritime du Saint-Laurent, du chemin de fer et du réseau autoroutier, le trafic fluvial a diminué considérablement dans la seconde moitié du XXe siècle.
Le canal New York Barge est officiellement rebaptisé canal Érié en 1990 et sert de nos jours à la navigation de plaisance. L'ouverture, un peu plus tard, du canal de l'Ohio permet le transport fluvial entre New York et le bassin du Mississippi.
Un canal atypique
Le canal Érié est le seul canal où le partage du bief s’effectue non pas en altitude, mais plus bas (et à l’origine par deux fois) que sa cote terminale (Buffalo).
Après un bref canal éclusé en amont des chutes Niagara et un bief canalisé de quelque 44 km dans la rivière Tonawanda(en), le canal descend d’abord à Lockport, à l’origine par une quintuple échelle de 55 pieds de chute totale (+- 17 m) pour un long bief de quelque 100 km jusque Rochester. Après le confluent avec le Genesee Valley Canal(en) rive sud (aujourd’hui déclassé), sur une distance comparable, il descendait encore de 119 pieds (± 36 m) en 13 écluses. Après avoir reçu la rivière Seneca, l’exutoire des Finger Lakes, le canal montait de 16 pieds (± 3,6 m) en deux écluses, pour redescendre à nouveau de 6 (± 1,8 m), quittant ainsi le lit de la Seneca, pourtant un tributaire de la rivière Oswego canalisée jusqu’au lac Ontario. Ce raccourci était possible grâce à deux rigoles d’alimentation (Skaneateles et Camillus), le premier approvisionné par un lac.
Après être à nouveau descendu de 6 pieds, la liaison devenait un canal de bief de partage classique : en trois écluses, ascension jusqu’à la cote de 426 pieds (130 m), puis, après un long bief de quelque 80 km, la descente jusqu’au niveau de la mer à Troy (Albany) en 47 écluses (voir profil ci-dessus).
À partir des années 1900, le canal rectifié dans le vaste projet du New York State Barge Canal, reprend à un degré près le même schéma avec deux fois moins d’écluses (35 au lieu de 71).
Cette configuration tout à fait atypique[3] s’explique de plusieurs façons :
territoriale : après la réalisation des quatre premiers canaux aux États-Unis, diverses résolutions politiques[4] font la promotion des voies d’eau pour fins de colonisation et de commerce ;
logistique : la chute de quelque 100 m entre les lacs Érié et Ontario n’a d’abord été contournée que par un portage de quelque 40 km. (Du côté britannique, le premier canal Welland était d’abord destiné aux meuniers et n’a reçu des écluses en bois qu’en 1829) ;
historique : durant la guerre canado-américaine de 1812, « en raison des difficultés de communication terrestre, le contrôle des Grands Lacs et du couloir du fleuve Saint-Laurent était crucial. » Après le statu quo ante consacré par le traité de Gand, les deux belligérants ont chacun assuré leurs liaisons fluviales par un canal : le canal Érié n’est jamais à plus de 30 km du lac Ontario dans sa partie ouest, ni à plus de 40 à l’est ;
technique : le Corps du génie des États-Unis ayant été mis à contribution durant le conflit, ils devenaient disponibles pour des travaux civils ;
commerciale et industrielle : d’abord largement critiquée comme une « folie », la réalisation du gouverneur Dewitt Clinton s’est avérée un succès sans précédent : sur l’embranchement de Rochester, Kodak, l’une des marques de commerce mondialement les plus connues. Succès tel qu’il a été élargi à peine 10 ans après son inauguration, puis rectifié. En dépit de son gabarit moindre, le canal Érié connaît un tonnage beaucoup plus important que son concurrent, le canal Welland, jusqu’au quatrième exemplaire de ce dernier.
Érié n° 1
Érié n° 2
Érié n°3
(New-York State Barge Canal)
construit
approuvé
1817
1836
1905
construit
1817
1862
inauguré
1823
de
Buffalo
Buffalo
Buffalo
à
Troy
Troy
Troy
altitude
max.
571 pi
174 m
571 pi
174 m
571 pi
174 m
interm.
390 pi
119 m
372 pi
113,5 m
min.
1.3 pi
0,40 m
1.3 pi
0,40 m
1.3 pi
0,40 m
chute
totale
676 pi
206 m
625 pi
190 m
moyenne
8.1 pi
2,48 m
18 pi
5,5 m
longueur
363 mi
584 km
350 mi
560 km
310 mi
499 km
écluses
nombre
83
71
35
longueur
90 pi
27, 5m
110 pi
33,6 m
300 pi
91,5 m
largeur
15 pi
4,58 m
18 pi
5,49 m
43.5 pi
13,27 m
t. d’eau
4 pi
1,22 m
7 pi
2,14 m
13 pi
3,97 m
dist./écluse
4.37 mi
7,04 km
4.9 mi
7.9 km
8.8 mi
2,7 km
tonnage
75
1 800
trapèze
40 pi
12,2 m
70 pi
21,3 m
120 pi
34,6 m
28 pi
8,5 m
56 pi
17 m
(94 pi)
(29 m)
Pas remis aux normes du Haut-Mississippi et de ses principaux tributaires, la voie d’eau a beaucoup perdu de son importance commerciale aujourd’hui et n’est plus en mesure de concurrencer les chemins de fer et, surtout, le transport routier très largement subventionné.
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
(en)Richard Schwarzlose, The Nation's Newsbrokers: The formative years, from pretelegraph to 1865, Volume 1, Northwestern University Press, .