Construit autour de nombreuses archives souvent inédites, de caricatures originales de Rita Mercedes (spécialiste de caricatures d’écrivain), de lectures de textes de Camus et Sartre, le film s’écarte des chemins balisés du documentaire-fiction habituel et prend une forme originale qui renouvelle le genre, ce qui n’a pas manqué d’être souligné par la presse [1] : les personnages de Camus et de Sartre sont évoqués par des ombres qui évoluent dans des décors d’époque...
Le thème central du film, toujours d’actualité comme l’a souligné Annick Cojean en présentant le film [2] : la légitimation de la violence. C’est sur cette question, à travers les prises de position divergentes qu’ils prirent sur la légitimation des goulags, que leur amitié vint se briser. La diffusion du film a été l’occasion, pour la première fois et avec ampleur, dans le journal L’Humanité de se rapprocher de Camus jusque-là réduit au rang d’anticommuniste[1].
Sartre et Camus furent amis entre 1943 et 1951. En 1952, au cœur de la guerre froide, ils se déchirent publiquement avec violence, panache et mauvaise foi… Officiellement à cause des goulags en U.R.S.S… En fait pour de multiples raisons : politiques, littéraires, philosophiques et personnelles. S’y mêlent des convictions profondes, de la jalousie, de la rancœur, des ambitions contrecarrées et une forme de dépit amoureux... Au-delà de leurs biographies, il faut constater que la fonction et la signification de l'art et de la liberté révèlent de nombreux accords dans leurs œuvres[3].
1938 : Camus découvre La Nausée de Sartre et en fait la critique
1952 : Réponse de vingt pages de Camus qui s'adresse au directeur des Temps Modernes (qui est Sartre)
1952 : La rupture est définitive, ils ne se reverront plus jamais
1954 : Simone de Beauvoir écrit Les Mandarins. Le personnage de Henri, central dans le roman, est largement inspiré d'Albert Camus.
1956 : Dans La Chute, Camus fait discrètement un portrait peu flatteur de Sartre. Le lecteur ne peut s’en rendre compte. Seul Sartre a pu s’y reconnaître. Il ne réagit pas.
↑Heiner Wittmann: Sartre and Camus in Aesthetics. The Challenge of Freedom. Hg. Dirk Hoeges. Reihe: Dialoghi/Dialogues. Literatur und Kultur Italiens und Frankreichs, 13. Frankfurt/M.: Peter Lang 2009, p. 141-151, p. 145: "Without doubt, both Camus et Sartre explicitily emphasize the artist's freedom as a condition for fulfilling his tasks."