Les histoires prennent place dans une atmosphère de film noir, telle qu'elle a pu s'exprimer aux États-Unis dans les années 1950. Tous les personnages sont des animaux anthropomorphes dont l’espèce reflète le caractère ainsi que le rôle dans l’histoire. Le héros, John Blacksad, est un chat noir exerçant comme détective privé.
L’atmosphère sombre de polar est autant rendue par un jeu de voix off, de répliques et de silences expressifs typés, que par le graphisme. De chaque dessin se dégage une puissante impression de mouvement, héritée du travail de Guarnido dans l’animation aux studios Disney et favorisée par la mise en couleurs à l’aquarelle.
Historique
En , Juan Díaz Canales et Juanjo Guarnido, tous deux passionnés de dessin et d’animation, se rencontrent dans les studios d’animationLapiz Azul. Juan Díaz Canales montre à Juanjo Guarnido un projet de polar en noir et blanc mettant en scène un chat noir détective dans un monde d’animaux anthropomorphes. Sous l’insistance de Juanjo Guarnido, Juan Díaz Canales accepte sa collaboration et ils commencent alors à travailler sur ce projet de bande dessinée, Blacksad.
Éloignés l’un de l’autre, ils continuent à correspondre et n’oublient pas leur projet. En 1996, Juan Díaz Canales écrit à Juanjo Guarnido dans une de ses lettres : « Blacksad ne dort pas[1]. » Une fois le scénario terminé, Juanjo Guarnido se consacre au dessin de cette histoire.
Leur dossier convainc les éditeurs Casterman, Delcourt et Dargaud. C’est Dargaud qui emporte l’accord. Deux ans et demi plus tard, l’album est prêt à être édité. Il aura fallu sept ans de production pour que paraisse Quelque part entre les ombres.
Le succès du premier album sorti en France en est immédiat. Il est rapidement en rupture de stock et les critiques sont globalement positives, que ce soit dans les médias, auprès du public ou dans le monde de la bande dessinée. Ce succès est tel que les deux auteurs publient un livre sur la création de cet album (making-of), intitulé Les Dessous de l’enquête.
En mars 2003, le deuxième volume Arctic Nation est publié et remporte également un franc succès. Le cinquième tome de la série, Amarillo, paraît le 15 novembre 2013.
« Avec Blacksad, les auteurs réussissent paradoxalement à signer une série tout à la fois rétro et étonnamment moderne », écrit Patrick Gaumer[2], qui ajoute que ses qualités narratives et graphiques « hissent d'emblée la série au rang de best-seller et, n'en doutons pas, de futur classique ».
Personnages principaux
Hormis les personnages principaux, de nombreux autres protagonistes apparaissent au cours des albums (certains meurent à la fin de l’album dans lequel ils sont apparus, d'autres peuvent figurer dans plusieurs albums).
John Blacksad : détective privé, il est l’archétype du héros solitaire, sombre et désabusé, ancien gamin des rues qui a « bien tourné », comme il le dit à Otto Liebber (son tuteur), (« Avant je courais devant la police, maintenant c'est moi qui cours après les méchants. »). Il fut admis à l’université pour étudier l’histoire, mais fut renvoyé dès le premier cours pour mauvaise conduite. Par la suite il s’engagea dans l’armée où il sera décoré à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’il tombe, après un traumatisme, dans un état dépressif que ses supérieurs décriront comme « apathique ». De retour d'Europe il enchaîna plusieurs petits boulots avant d’ouvrir son cabinet de détective[3]. On apprend dans le tome 5 qu'il a une sœur, Donna, ainsi qu'un neveu, Raymond, et que leur père est en vie mais ne leur donne que peu de nouvelles[4]. Il n'a eu pour le moment que deux amours : la comédienne Natalia Wilford[5] et l’écrivain Alma Mayer[6]. Son design a inspiré Hiro Mashima pour créer le personnage de Panther Lily dans le manga Fairy Tail[7].
Smirnov : commissaire de police. Droit et intègre, il entretient une rivalité amicale avec John, et l'apprécie à sa juste valeur, jusqu’au-boutiste et idéaliste il n’hésite pas à confier à Blacksad certaines affaires lorsque sa position ne lui permet pas de le faire lui-même[5]. On apprend par la suite lors du tome 3, qu'il est marié et a deux enfants[6].
Weekly : journaliste apparu au cours du deuxième album. C'est le meilleur ami de John et il travaille pour le What's news, un journal à sensation. John le sauve d'un lynchage en règle par les membres de "l'Arctic-Nation"[8]. Ce curieux est toujours au courant de tout. Il fait de la publicité pour le cabinet de Blacksad et démarche des clients pendant ses interviews[9]. Mais il se démarque aussi par son manque d’hygiène[8].
Albums
La plupart des enquêtes s’inscrivent dans le contexte politique et social des États-Unis de la fin des années 1950. Sept tomes sont parus[4].
La grande inspiration des créateurs en ce qui concerne le découpage « cinématographique », la narration, les couleurs ainsi que les thèmes abordés sont les films de Cornell Woolrich et Raymond Chandler ainsi que les scénarios d’Agent Secret X-9[1].
Ce deuxième volume des aventures de John Blacksad met en scène deux idéologies opposées: Suprématistes (Artic Nation) et les droits des minorités (black Panthers via les Blacks Craws) .
Ce troisième volume de la série met en scène le maccarthysme, la peur rouge et la chasse aux sorcières. Il traite aussi du mouvement Beat Generation sous le terme des 12 Apôtres.
Les personnages suivants seraient inspirés des personnalités:
Ce quatrième volume, qui se déroule en une seule nuit entrecoupée de flashbacks[11], raconte les aventures de John Blacksad dans le milieu du jazz et des drogues dures à La Nouvelle-Orléans.
Synopsis
Cette fois, il s'agit d'une histoire se déroulant à la Nouvelle-Orléans, où Blacksad est chargé de retrouver le pianiste Sebastian "Little hand" Fletcher, porté disparu depuis des mois[12].
Après les tomes 1 à 4 qui portaient chacun en couverture une couleur propre (successivement noir, blanc, rouge et bleu), la couverture du cinquième est jaune (amarillo voulant également dire « jaune » en espagnol).
Ce tome a parfois été considéré comme « le plus faible de la série », notamment à cause du scénario, jugé « inférieur » à ceux des tomes précédents, même si le dessin reste de grande qualité[4].
Alors, tout tombe (2021 - 2023)
Sorti en deux tomes, Alors, tout tombe voit le retour de Blacksad après huit ans d'absence[14].
Relation entre les personnages des deux tomes: lien externe.
Synopsis
Ces sixième et septième volumes se déroulent à New York, et évoquent les luttes de pouvoir entre mafias, syndicats, municipalité. Blacksad se confronte à la corruption d'un puissant architecte, Solomon, prêt à tout pour ses projets d'urbanisme. La ville est explorée depuis les hauteurs des buildings et des ponts jusqu'au profondeur du métro. Ce diptyque est aussi celui qui voit le retour d'Alma dans la vie de John.
Albums spéciaux
Hors-série
Les Dessous de l’enquête (2001)
Blacksad : L’Histoire des aquarelles (2 albums accompagnant respectivement les tomes 3 et 4, 2005 et 2010)
Big wow ! Art : Sketchy Characters: Artwork of Juanjo Guarnido
Analyse
Anthropomorphisme
Blacksad met en scène des animaux anthropomorphes. Le choix de l'animal est généralement en rapport avec le caractère du personnage, ou pour lui attribuer des aptitudes physiques spécifiques ; ainsi, le fait que Blacksad soit un chat lui confère une grande agilité[15]. Par exemple, dans Amarillo, les motards sont représentés sous forme de moutons, ce qui permet à la fois de souligner le caractère grégaire des groupes de motards mais aussi de créer un décalage entre le stéréotype du mouton docile et le côté libre et rebelle de ces personnages[13].
Dans Amarillo, beaucoup de personnages travaillant dans le cirque ne sont que très peu « humanisés », et ce pour faire ressortir le côté « bêtes de foire »[13].
Influences
Blacksad est une série de bande-dessinée inspirée du roman noir, ce qui se ressent à travers les thèmes abordés, mais également grâce à des références plus explicites à d'autres œuvres. Ainsi, Juanjo Guarnido évoque l'influence du Faucon maltais ou encore du film Angel Heart[15].
La musique, et particulièrement le jazz, sont très présents dans la série, notamment dans L'Enfer, le silence qui se déroule à La Nouvelle-Orléans[15].
Adaptations
Jeu de rôle sur table
En Espagne, Blacksad fait l'objet d'une adaptation en un jeu de rôle sur table du même nom, publié en 2015 par l'éditeur Nosolorol[16] et traduit et publié en français l'année suivante aux éditions La Loutre Rôliste[17],[18].
Une adaptation en jeu vidéo de Blacksad a été annoncée par l'éditeur Microids. Issu d'une collaboration franco-espagnole, le développement est réalisé par les studios valenciennoisYs Interactive et madrilènePendulo Studios, le jeu est prévu Q4 2018 sur Nintendo Switch, PlayStation 4, Xbox One et PC/Mac[19]. En juin 2018, Microids présente les premières images du futur jeu, qui s'intitulera Under the skin (Dans la peau)[20]. La sortie est prévue pour le 5 novembre 2019. Le jeu est finalement disponible à partir du 14 novembre sur PS4, Xbox One et PC tandis que sa sortie sur Nintendo Switch est repoussée au 10 décembre 2019.
Projet d'adaptation cinématographique
En janvier 2004, le producteur Thomas Langmann acquiert les droits d'adaptation cinématographique de Blacksad[21]. Fin août 2010, le réalisateur Alexandre Aja déclare dans Le Journal du dimanche participer à son développement[22]. Cependant, Juanjo Guarnido souligne l'instabilité du monde du cinéma en indiquant que plusieurs réalisateurs avaient déjà été pressentis, bien qu'Aja fût considéré comme étant sur « la même longueur d'onde »[23]. Il ajoute que Juan Díaz Canales et lui souhaitent avoir un film « fidèle à l'œuvre originale » et qu'ils pourraient s'impliquer s'ils le désiraient[23].
Fiction audio
Le , BLYND, spécialisé dans la « Bande dessinée sonore », a annoncé adapter la bande dessinée avec la collaboration de la maison d'édition Dargaud et avec Éric Herson-Macarel dans le rôle de John Blacksad[24].
Récompenses
2000 : prix du meilleur premier album au festival de Lys-lez-Lannoy ;
↑ ab et cOlivier Delcroix, « Blacksad sur les traces de la Beat Generation », Le Figaro, (lire en ligne, consulté le ).
↑Christophe Levent, « «Alors, tout tombe» : après 8 ans d’absence, «Blacksad», la série BD culte, signe son grand retour », Le Parisien, (lire en ligne).
Kevin Fischer, Juan Dìaz Canales et Juanjo Guarnido, « Rencontre avec Juan Dìaz Canales et Juanjo Guarnido – Auteurs de Blacksad », BD Encre, (lire en ligne)
Paul Gravett (dir.), « Les années 2000 : Blacksad : Quelque part entre les ombres », dans Les 1001 BD qu'il faut avoir lues dans sa vie, Flammarion, (ISBN2081277735), p. 730.
Juanjo Guarnido (interviewé) et Frédéric Bosser, « Juanjo Guarnido : swing, swing, New Orleans », dBD, no 46, , p. 34-40.
Frédéric Bosser, « Blacksad, t.4 : swing, swing », dBD, no 46, , p. 99.