Acteur prolifique, sur une période de cinquante ans depuis les années 1930 jusqu'aux années 1980, il joue dans près de deux cents films. Il tourne avec nombre des plus éminents réalisateurs du vingtième siècle — français et aussi italiens —. À partir des années 1960, Blier interprète fréquemment des rôles dialogués par Michel Audiard, tels ceux du personnage de Raoul Volfoni dans Les Tontons flingueurs ou celui de Charles Lepicard dans Le cave se rebiffe. Il joue également dans trois longs-métrages réalisés par son fils, Bertrand Blier, parmi lesquels on peut noter Buffet froid en 1979.
Biographie
Enfance, scolarité et formation
Bernard Blier voit le jour en Argentine, pays où son père Jules Blier, biologiste à l'Institut Pasteur, est alors en mission. De retour en France, la famille Blier s'installe à Paris, capitale dans laquelle le jeune Bernard suit sans enthousiasme une scolarité au Petit lycée Condorcet, rue d'Amsterdam, puis au lycée Condorcet. Durant cette scolarité, il se passionne pour la langue italienne, devenant ainsi bilingue; une formation qu'il va ultérieurement mettre à profit dans sa carrière au cinéma, lorsqu’il participe à de nombreux films italiens.
Abandonnant petit à petit ses études, il commence à prendre des cours de théâtre durant l'année 1931.
Blier se produit pour la première fois sur scène en 1934 dans le sud, à La Ciotat, devant une salle à moitié pleine et pour un modeste cachet de cinquante francs de l'époque. Grâce à l'imprésario Émile Audiffred, il obtient de nombreux petits rôles au cinéma, de 1936 à 1938 ; on distingue notamment à cette période le film L'Habit vert écrit par Louis Verneuil.
Au milieu des années 1930, il s'inscrit au Conservatoire de Paris, où il intègre la classe du prestigieux Louis Jouvet, mais seulement après trois échecs, car il n'y est enfin reçu qu'en 1937. Au Conservatoire, il fait la connaissance de deux personnalités marquantes avec lesquelles il noue une solide amitié, François Périer et Gérard Oury.
À la fin de la décennie 1930, il fait quelques apparitions au théâtre puis au cinéma, jusqu'au premier film qui remporte un grand succès auprès du public, Hôtel du Nord, réalisé par Marcel Carné en 1938, avec comme partenaires Arletty et son formateur en art dramatique, Louis Jouvet. Il tourne l'année suivante Le jour se lève et ainsi et donne la réplique à Jean Gabin déjà extrêmement populaire. Ce long-métrage marque le début d'une longue amitié entre les deux acteurs.
Les années 1940 : travail acharné
En , lors du concours de sortie du Conservatoire, le jury choisit de ne pas lui décerner de prix. À la même période, la Seconde Guerre mondiale éclate. Mobilisé, il se retrouve deuxième classe dans un régiment d'infanterie à Mayenne. Il passe son temps à écrire un important courrier qui exprime son désarroi. À la suite de l'invasion du , il est fait prisonnier et est interné dans le Stalag XVII-A basé en Autriche. Malgré lui, il entame une spectaculaire cure d'amaigrissement.
Bientôt de retour à Paris toujours occupé, il court le cachet, son physique aminci lui permettant de tenir plus facilement certains rôles de séducteur. Quelques amis comme Christian-Jaque, Claude Autant-Lara et Marcel Achard lui permettent de survivre, en lui offrant de petits rôles au cinéma ainsi qu'au théâtre.
Au fil des années, il accède progressivement à des rôles de premier plan et devient rapidement un acteur familier du cinéma français. À la Libération, il continue d'enchaîner les tournages et chaque soir, il se produit au théâtre et participe à des représentations théâtrales à la radio.
Il joue à plusieurs reprises le mari « cocu », — rôle qu'il a déjà incarné dans Hôtel du Nord ou imaginant l'être, comme dans Quai des Orfèvres —, pour des longs-métrages comme Le Café du Cadran, Manèges ou La Maison Bonnadieu. Il déclarera plus tard auprès des médias, avoir été « le plus grand cocu de l'histoire du cinéma français »[2].
Ainsi, Sacha Guitry lui fait parodier cet emploi typique dans Je l'ai été trois fois, film où il interprète un mari trompé par toutes ses femmes successives. Pour autant, il bénéficie de rôles variés et éclectiques, jouant aussi bien un personnage attachant qu'un méchant, dans de larges registres comiques ou dramatiques.
À partir de 1958, le cinéma italien fait appel à lui; ainsi, jusqu'à la fin de sa carrière, il se partage entre la France et l'Italie, pays où il tourne plus de trente films.
À la demande de Pierre Richard et de Jean Yanne, il accepte volontiers des rôles de personnages cyniques. En 1967, il joue dans Si j'étais un espion, tout premier long-métrage de fiction réalisé par son fils Bertrand Blier, lequel va le diriger à nouveau en 1975 dans Calmos. Ces deux premières collaborations communes n'ont pas le succès escompté mais le père et le fils récidivent en 1979 avec Buffet froid, considéré comme un chef-d'œuvre d'humour noir.
Il passe les années 1980 principalement à tourner en Italie, où il reste un acteur de second rôle très sollicité et populaire ; il est récompensé du trophée italien Donatello du meilleur second rôle, pour le film Pourvu que ce soit une fille.
En 1985, âgé de 69 ans, on lui diagnostique un cancer de la prostate. Tandis que le mal progresse, il continue d'enchaîner les tournages. Puis des métastases osseuses apparaissent et son état physique s'aggrave.
Lors de la 14e cérémonie des César, le , Bernard Blier se voit remettre un César d'honneur. Il apparaît sur la scène du théâtre de l'Empire, très affaibli et amaigri, rejoignant le devant de la scène, à petits pas. Il reçoit sa statuette des mains de son collègue Michel Serrault, lequel contient difficilement son émotion et ses larmes puis échange avec lui quelques mots humoristiques, avant de se retirer.
Il meurt trois semaines plus tard, le à la clinique du Val d'Or, à Saint-Cloud, des suites de son cancer ; il fait don de son corps à la science.
En , il épouse Giselle Brunet[4] (1917-1991) avec laquelle il a un fils, qui naît le , Bertrand Blier, futur réalisateur et, à la Libération, une fille prénommée Brigitte.
Lors d'un entretien radiophonique, son fils Bertrand Blier a l'occasion de raconter l'anecdote : lorsque son père Bernard rentrait tardivement au domicile familial vers minuit, par exemple après avoir joué dans une pièce au théâtre, il se postait dans le noir à l’entrée de la chambre de Bertrand alors adolescent voire préadolescent, en l’interrogeant à voix mi-basse d'un « Tu dors ? ». Ce dernier répondait : « Oui. ». Bernard invitait dès lors son fils à venir trinquer avec lui dans leur cuisine, autour de rondelles de charcuterie en pleine nuit[3].
Dans un entretien télévisé, Bertrand Blier relate qu'à d'autres périodes, son père l'interrompait dans ses devoirs scolaires et s'enfermait avec lui dans son bureau pour lui faire répéter le texte de son prochain film. Le jeune Bertrand Blier devait alors interpréter tous les autres rôles du dialogue, qu'ils soient masculins ou féminins.
En à 45 ans à Pontarlier, sur le tournage du Septième Juré, Bernard Blier fait la connaissance d'Annette Martin (1936-2020)[5], fille des patrons de l’hôtel où il réside provisoirement.
Après de multiples péripéties - sa première épouse refusant d'abord de divorcer - il parvient, le [6], à épouser Annette, qui va rester unie à lui jusqu'à sa mort. Annette Blier meurt le 21 avril 2020 à l'âge de 84 ans à l’hôpital de Pontarlier[7],[8].
Bernard Blier est le parrain de la chanteuse et chorégraphe Guesch Patti.
Le dessinateur Uderzo a rendu hommage à Bernard Blier dans l'album L'Odyssée d'Astérix (1981) en donnant ses traits au personnage Caius Soutienmordicus, chef des services secrets de César ayant sous ses ordres le druide-espion Zérozérosix qui, lui, emprunte ses traits à Sean Connery. Son physique est également repris par le dessinateur Bruno Basile pour le directeur des coordinateurs français dans la série Les Avatars, scénarisée par Pierre Veys.