Elle a dix-sept ans quand un coup d'État militaire exile le président Juan Perón et instaure la dictature de la « Révolution libératrice ». Pendant des études de droit à l’Université de Buenos Aires, elle s'inscrit au Centre de recherche de l'Institut du théâtre qu'abrite l'établissement puis à un séminaire de la Société des Auteurs(es). De 1958 à 1962, à la suite d'un accident intervenu près de la lagune(es) de Chascomús[2] lors d'un voyage, elle doit interrompre ses études. Prisonnière d'un plâtre descendant depuis sous les épaules, elle donne des slogans pour la campagne de contestation Laica o libre(es)[2]. Elle s'évade dans l'écriture[8], retrouvant un plaisir qu'elle partageait enfant avec son père, et reçoit les encouragements déterminants de Julián Delgado[2]. Elle obtient le diplôme d'histoire de l'art de la faculté de philosophie et lettres de l’UBS et renonce pour des raisons financières à devenir actrice[9].
Dramaturge journaliste
En 1967, durant le régime dictatorial de la Révolution argentine, Julián Delgado, l'éditeur de Mafalda, lui trouve un poste de secrétaire à l’hebdomadaire Primera Plana(es)[2]. Trilingue, elle se voit confier la rubrique Arts et spectacles[2]. Rare femme journaliste[2], elle y publie jusqu'en 1972 ses critiques, apprenant la rapidité dans l'écriture[2]. Elle en donne également à Siete Días ou Panorama y Semanario et s'introduit peu à peu dans le milieu de la production audiovisuelle. Après une brève année au quotidien La Opinion, elle prend en 1973 la direction de la rubrique Arts et médias du mensuel Cuestionario.
Passionnée de Bakounine et de Camus[10], elle s'engage dans les suites du Cordobazo pour le théâtre et crée en 1972 sa première pièce, Soldats et petits soldats, dans laquelle cinq rôles sont tenus par le même acteur. En 1973, Sergio Renán lui commande pour Canal 7[2] une adaptation d'un roman de Mario Benedetti[2], La Tregua, dont le réalisateur s'empare pour en faire un film, qui sort en 1975 et est sélectionné pour concourir à un Oscar. La scénariste n'a pas même les moyens de se rendre à Hollywood.
L'exil
Inscrite cette même année, où elle perd son père, sur une liste noire la privant de tout travail, elle est un des derniers civils sinon la dernière à voir Haroldo Conti vivant[2], la veille de sa « disparition(es) ». Comme le font quelque trente mil de ses compatriotes, elle fuit le « golpe » du conduit par le général Videla et se fait embarquer en août[2], avec mil quatre cents dollars en poche, sur un cargo en partance pour Le Havre, où vient l'accueillir une amie d'enfance, le peintre Delia Cugat(es)[2].
« […] chacun est tenu responsable de toute liberté, de la solidarité envers chacun, de la dignité de chacun, de la justice pour tous et de tout l'amour du monde. »
— Le chœur des fils dans la pièce créée en 1981 Cher papa[14].
Le , Aída Bortnik atterrit à Buenos Aires, appelée par Alejandro Doria pour réaliser L'Île(es). Son scénario est une critique de l'enfermement et de la folie de la société argentine dépeinte en hôpital psychiatrique. Sa métaphore d'un camp d'internement réussit à berner la censure. Elle trouve à travailler comme éditorialiste-novelliste[15] pour le journal satiriqueHumor(es), instrument de résistance[16] à la novlangue de la dictature[17], tout en enseignant dans une école de cinématographie, l'Escuela Grupo Profesionales de Cine. En 1981, elle abandonne celle-ci pour l'École supérieure des arts cinématographique.
Simultanément, Aída Bortnik anime avec Fernando Castets[2] l'Atelier des Auteurs de Théâtre et de Cinématographie et reste occasionnellement sollicitée par la presse étrangère, diverses universités, des revues spécialisées et même des anthologies. La suite téléviséeRuggero lui vaut un harcèlement téléphonique quotidien[2].
Catharsis (1983-1986)
En 1983, la Guerre sale terminée, Aída Bortnik cesse d'enseigner pour se consacrer pleinement à la création. Elle continue de publier des textes courts[29], dont deux nouvelles, Jules Montagne d'Or, qui est une réponse optimiste à Stefan Zweig[30], et Dix-huit ans, dans laquelle elle dénonce le sacrifice rituel de la nouvelle génération[31] qu'est la guerre des Malouines[32], puis abandonne dès l'année suivante sa collaboration à Humor(es). Son travail de scénariste la conduit à Madrid de nouveau[1], à la rencontre de producteurs espagnols, à Londres[1], sur les traces des réalisateurs du Cinéma libre[33], à Rome[1], sur celles de Roberto Rossellini, qui lui est un modèle[33].
La sortie en 1985 de L'Histoire officielle, dont elle a écrit le scénario à la demande de Luis Puenzo durant les derniers mois de la dictature[2], connait, un an avant le témoignage de La nuit des crayons(es), un retentissement international qui confronte, dans le miroir du cas d'un « enfant disparu », l'opinion publique argentine à la complicité de son silence[34]. En 1986, l'Académie du cinéma italien la sélectionne avec Luis Puenzo pour concourir au Donatello du meilleur scénario étranger et l'AMPAS au Prix du meilleur scénario original. Réalisé dans une Argentine culturellement isolée, sans la créativité du cinématographe américain ou européen, le film est reçu par des encouragements bienveillants voire condescendants[35]. Pour prix de consolation, Hollywood élit la scénariste membre permanent de son Académie.
Dans Pauvre Papillon (Pobre mariposa), qui sort presque au même moment, elle et le réalisateur Raúl de la Torre explicitent, à travers des scènes inspirées de son autobiographie et illustrées de documents d'archives, la collusion originelle du régime militaire péroniste avec le régime nazi[36]. Elle participe au premier congrès consacré en Argentine au Juif dans la littérature latino américaine[37], adhère à l'Association Internationale des Écrivains Juifs de Langue Espagnole et Portugaise qui se crée alors et contribue à la revue de celle-ci, Noaj[38].
Les succès s'enchaînent, Caballos Salvajes en 1995, Cenizas del paraíso en 1997. Toutefois, elle perd de sept voix l'élection à la vice-présidence de Société des Auteurs(es) sur un programme de défense du service public[41] face à une équipe à laquelle il est reproché, sans qu'il n'y ait eu de condamnation, de s'être compromise avec la dictature[42] et d'être impliquée dans une vaste affaire d'« évaporation »[43] des fonds liés aux droits d'auteurs[44]. En 1998, c'est au tour de la Faculté d'Architecture, Dessin et Urbanisme de l’Université de Buenos Aires de lui confier un enseignement, puis en 1999 à celui de l'Université du Ciné. En 2001, la liste qu'elle soutient aux élections de la Société des Auteurs(es) est de nouveau battue.
En , accompagnée au Festival de Guadalajara par son mari, Manuel Ferreira, elle remet[45] l'adaptation du Journal d'un enlèvement à Gabriel García Márquez, qui l'en avait chargée. Elle meurt d'un cancer quatre ans plus tard à l'âge de soixante quinze ans alors qu'elle est devenue une figure jouissant d'une reconnaissance nationale[46] pour avoir maintenu, au-delà de son engagement, une exigence littéraire dans l'art cinématographique et télévisuel[47]. Elle est enterrée dans la localité d'Acevedo.
Avec A. Goldstein, préf. A. Bortnik, Gente En Su Casa - People At Home, La Marca Editora, 2011, 92 photo., 132 pp., (ISBN950-889-200-5) & 9789508892003.
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1979 - Prix de l'Audience de la meilleure œuvre nationale pour la télévision.
1980 - Prix de l'édition Salimos du meilleur scénariste national pour les années 1978 à 1980.
1980 - Prix National Argentores(es) du meilleur scénario original pour La Isla, film qui reçoit à Montréal le Prix œcuménique et à Huelva le Prix du public, le Prix spécial de la critique et le Prix spécial du jury.
1981 - Prix de l'Audience de la meilleure œuvre nationale pour la télévision.
1984 - Accessit du Prix Konex, catégorie scénarios.
1985 - Prix œcuménique du meilleur scénario original des Christophes pour L'Histoire officielle, élu la même année meilleur film étranger par l'Association of Latin American Critics de New York.
1997 - Prix National Argentores(es) du meilleur scénario original et premier prix du scénario original du Festival de La Havane pour Cenizas del paraiso, film qui reçoit la même année le Prix Goya dans la catégorie meilleur film étranger.
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