Ambroise Paré

Ambroise Paré
Portrait en médaillon d'Ambroise Paré, portant l'aphorisme de Virgile : Labor improbus omnia vincit. Gravure extraite de Deux livres de chirurgie, de la génération de l'homme, & manière d'extraire les enfans hors du ventre de la mère chez André Wechel (Paris), 1573.
Biographie
Naissance
(ou 1509)
Bourg-Hersent près de Laval,
Maine
Décès
(à 80 ans)
Paris
Nationalité
Formation
Activités
Chirurgien, fabricant d'instruments médicaux, anatomiste, médecin militaireVoir et modifier les données sur Wikidata
Œuvres principales
Des monstres et prodiges, bec de Corbin (d)Voir et modifier les données sur Wikidata

Ambroise Paré, né vers fin 1509 ou 1510, près de Laval (Maine), au Bourg-Hersent selon la tradition[1], et mort le à Paris, est un chirurgien et anatomiste français.

Chirurgien du roi et des champs de bataille, Ambroise Paré est souvent considéré comme le père de la chirurgie française[2]. Inventeur de nombreux instruments, il participe à l’amélioration et à la diffusion d’une technique de cautérisation d’un nouveau genre. L'utilisation généralisée des armes à feu confronte les chirurgiens à des plaies d'une sorte nouvelle, cautérisées au fer rouge ou à l’huile bouillante au risque de tuer le blessé. Manquant d'huile bouillante, Paré utilise un pansement froid sous la forme d'un emplâtre « digestif », pour que la plaie suppure puis cicatrise. Paré met au point la ligature des artères[3], qu'il substitue à la cautérisation, dans les amputations.

« Je le pansay, Dieu le guarist » : cette phrase modeste de Paré est souvent citée pour résumer sa philosophie (citation en moyen français signifiant : « Je le pansai, Dieu le guérit. »)[4],[5].

Biographie

Sources

La vie d'Ambroise Paré n'est principalement connue qu'à partir de ce qu'il en dit lui-même. La première biographie sérieuse est celle de Joseph-François Malgaigne (1806-1865) publiée en 1840[6].

Malgaigne cherche à remonter aux sources, à démêler ce qui est de Paré, et de ce qui appartient à une légende orale ou à des ajouts brodés par des mémorialistes ou chroniqueurs des XVIIe et XVIIIe siècles. Malgaigne se base aussi sur des nouveaux documents, réunis au XVIIIe siècle (notamment à la Bibliothèque municipale de Metz), mais qui ont été jugés douteux ou sans valeur par la suite[7].

En 1884, le médecin historien Le Paulmier[8] accède à de nouvelles sources (archives détenues par les descendants de Paré, au château de Paley près de Nemours ; archives nationales à Paris). Plusieurs points, auparavant douteux, ont pu être précisés[7].

Au XXe siècle, beaucoup d'articles paraissent sur Ambroise Paré, mais peu d'ouvrages. Selon Paule Dumaître (1911-2002), l'ouvrage le plus important, par sa rigueur historique, est celui de l'américain Wallace B. Hamby, Ambroise Pare, Surgeon of the Renaissance, publié en 1967[7],[9].

En 1986, dans Ambroise Paré, chirurgien de quatre rois de France, Paule Dumaître signale quelques nouveaux documents touchant à la vie privée d'Ambroise Paré[7].

Famille

Son père, agriculteur et fabricant de coffres[10], eut quatre enfants : Jean Paré, qui fut barbier-chirurgien à Vitré, en Bretagne ; X. Paré, qui alla s’établir aussi coffretier à Paris, rue de la Huchette ; Anne Paré, laquelle épousa Claude Viart, chirurgien juré à Paris (morte le ) et Ambroise.

Ambroise Paré se marie deux fois. En 1541, il épouse Jeanne Mazelin, fille de Jean Mazelin, barbier puis valet du chancelier Antoine Duprat. Devenu veuf en novembre 1573, il se remarie trois mois après, à l'âge de 63 ans, avec Jacqueline Rousselet 19 ans, fille de Jacques Rousselet chevaucheur des écuries du roi et bourgeois de Paris[11].

Il a quatre enfants de sa première femme et six de la seconde. La plupart meurent dans la petite enfance, et il n'aura que deux petites-filles. Il n'existe donc aucun descendant qui porte le nom de Paré. Les descendants de Paré, connus jusqu'au XXe siècle, sont issus de ces deux petites-filles : les Paré-Rousselet et les Paré-Hedelin[11].

Enfance et jeunesse

Il est né au Bourg-Hersent, en Mayenne, près de Laval et d'Avesnières, probablement en 1510[12].

L'instruction d'Ambroise est confiée à un chapelain, qui se dédommage de l'extrême modicité de la pension en faisant de son élève son domestique au lieu de lui enseigner le latin[13]. Ambroise Paré, qui ignore toute sa vie le grec et le latin, quitte cette place sans avenir et entre comme marmiton chez le comte de Laval. Son sérieux, son intelligence et son adresse sont remarquées ; le barbier du comte le prend pour apprenti. Il coupe le poil, arrange les perruques et va ici et là panser les ulcères. Il devient ensuite aide-soignant d'un barbier d'Angers[14] puis travaille à Vitré avec son frère Jean, lui aussi chirurgien-barbier[15].

Métier de chirurgien

En 1529, il entre comme compagnon chirurgien à l'Hôtel-Dieu et déclare : « Ce n'est rien de feuilleter les livres de gazouiller, de caqueter en chaire de la chirurgie, si la main ne met en usage ce que la raison ordonne. » Durant trois années, Paré côtoie « tout ce qui peut être d'altération et maladies au corps humain ». Il observe malades et cadavres et enrichit son savoir anatomique. À la fin de ses études, il choisit, sans doute pour des raisons financières, de s'attacher au service du baron René de Montjean, lieutenant-général d'infanterie. Il devient maître barbier-chirurgien en 1536[16].

Chirurgien des champs de bataille

Les blessures de guerre selon Ambroise Paré.

Accompagnant le lieutenant-général, il reçoit le baptême du feu en 1537 à la bataille du Pas de Suse (huitième guerre d'Italie). Il y pratique la première désarticulation du coude[17],[18] et découvre que la poudre des arquebuses n'empoisonne pas les blessures comme on le croyait[19]. Il voit des scènes atroces et tente avec succès d'adoucir les méthodes de guérison trop brutales qui consistent par exemple à cautériser les plaies à l'huile bouillante[20]. À la mort de Montjean, Ambroise Paré est de retour à Paris. Il se marie le avec Jeanne Mazelin à Saint-André-des-Arts (elle meurt et est inhumée à église Saint-André-des-Arts, le en lui laissant la garde de leur fille âgée de treize ans, Catherine, et celle de leur nièce de dix-neuf ans, Jeanne Paré). Il entre alors une première fois au service de René de Rohan[21].

En 1542, il assiste au siège de Perpignan, alors ville espagnole. Les tentatives de René Ier de Rohan pour reprendre la ville échouent ; Paré, continue d'élaborer de nouvelles techniques chirurgicales. Le maréchal de Brissac ayant reçu une balle dans l'épaule, il a l'idée de replacer le blessé dans la position initiale au moment de l'impact pour révéler l'emplacement de la balle perdue et ainsi permettre au chirurgien du Dauphin Nicole Lavernault de l'extraire[22].

En 1543, Ambroise Paré accompagne René Ier de Rohan dans l'ouest de la Bretagne[23] défendre la province menacée par un débarquement anglais (dans le cadre de la guerre entre 1542 et 1546 entre Henry VIII d'Angleterre, allié à Charles Quint, et François Ier).

En 1544, il assiste au siège de Boulogne où la tradition lui prête l’opération remarquablement réussie de François de Lorraine, duc de Guise, grièvement blessé d'un coup de lance au visage[24].

La campagne achevée, il rédige le récit de ses voyages, qu'il souhaite faire paraître en français. Il lui faut le soutien du roi face à la faculté de médecine pour voir aboutir son projet ; en 1545, il publie la Méthode de traiter les plaies faites par les arquebuts et autres bastons à feu, et celles qui sont faites par la poudre à canon puis un Traité sur l'accouchement et l'anatomie.

Ambroise Paré utilisant la ligature à Damvillers par Ernest Board (1877-1934).

Au siège de Damvillers, il doit amputer l'un des gentilshommes de l'armée du comte de Rohan. Plutôt que d'appliquer le fer rouge pour éviter l'hémorragie, il tente sa nouvelle méthode et ligature les artères du blessé, qui se rétablira. À la mort de Rohan, tué près de Nancy, Paré entre au service de Antoine de Bourbon, roi de Navarre, puis à celui de Henri II de France, qui l'admit au nombre de ses chirurgiens ordinaires aux côtés de Nicolas Lavernot, Jean d'Amboise et Jean Fromager. Désormais, la carrière de Paré sera intimement liée au destin des souverains de son pays. Il participa à plusieurs campagnes militaires aux côtés du roi.

Carte postale de Théobald Chartran, Ambroise Paré au siège de Metz (Bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne, NuBIS).

Il est présent au siège de Metz de 1552 dont il a écrit un récit[25].

En 1557, au siège de Saint-Quentin en Picardie, il note que les asticots d'une certaine mouche aident à la cicatrisation des plaies de blessés[26][source insuffisante]. L'asticothérapie est développée ou redécouverte à la fin du XXe siècle[27], utile contre les souches nosocomiales de bactéries notamment.

Premier chirurgien du roi

Vitrail polychrome représentant Ambroise Paré, en tenue du XVIe siècle, conservé au Musée des Hospices civils de Lyon.

En 1553, il est fait prisonnier lors du siège de Hesdin[28] (actuellement Vieil-Hesdin[29] avant sa destruction par Charles Quint).

À cette époque, la Confrérie de Saint-Côme, qui regroupait les barbiers-chirurgiens depuis le XIIIe siècle, avait été transformée depuis peu en collège de chirurgie. Les chirurgiens, sous la tutelle des médecins, cherchaient à s'en affranchir, ou au moins à la limiter. Par exemple, les dissections et les autopsies étaient effectuées par les chirurgiens, en théorie en présence d'un médecin, seul autorisé à en rédiger le compte-rendu. Paré ayant une grande réputation et le soutien du roi, le collège de Saint-Côme décida de s'adjoindre Paré. C'est ainsi qu'il reçut le bonnet de maître[30] le [31], malgré l'opposition de la faculté de médecine et sa piètre connaissance du latin, pourtant obligatoire. L'appui du roi a été le plus fort[32].

En 1561 et 1562, il publie deux autres ouvrages dont son Anatomie universelle du corps humain. Le , Catherine de Médicis le nomme premier chirurgien du roi Charles IX. Paré est ensuite renvoyé au secours des armées, d'abord à Rouen, puis à Dreux et au Havre. Les guerres de religion opposant catholiques et protestants (huguenots) ont repris de plus belle, ensanglantant le pays pour les trente années à venir. De 1564 à 1566, Paré accompagne Charles IX en visite à travers la France et en profite pour débusquer de nouvelles pistes de recherches. En 1564, il publie Dix livres de la chirurgie : avec le magasin des instrumens nécessaires à icelle, où se trouve le premier usage connu du mot bistouri (en fait bistorie, féminin) dans le sens chirurgical[33].

La plus grande innovation est, pour les amputations, de ligaturer les artères et de panser la plaie avec un mélange de jaune d'œuf, d'huile rosate et de térébenthine plutôt que de cautériser avec de l'huile bouillante. Il jure de ne plus brûler aussi cruellement les pauvres blessés. La légende raconte qu'eut lieu entre Charles IX et Ambroise Paré cet échange verbal :

« — J'espère bien que tu vas mieux soigner les rois que les pauvres ?
— Non Sire, c'est impossible.
— Et pourquoi ?
— Parce que je soigne les pauvres comme des rois[34]. »

Veuf en 1573 de Jeanne Mazelin, il se remarie le avec Jacqueline Rousselet[35] et aura six autres enfants, le dernier à 73 ans. Un de ses petits-fils est François Hédelin. Couronné en 1574, Henri III de France garde Paré, auprès de lui, en tant que premier chirurgien.

Opinions religieuses

Ambroise Paré est traditionnellement considéré par les historiens comme protestant. Une polémique à ce sujet est née au XIXe siècle, certains historiens d’obédience catholique estimant détenir les preuves de son adhésion à la foi catholique[36]. Certains autres voient en lui un catholique tolérant[37].

La version traditionnelle repose sur une concordance de témoignages. Celui de Brantôme, un catholique contemporain de Charles IX[38], et celui de Sully un protestant[39],[40]. Tous deux rapportent, entre autres, que lors du massacre de la Saint-Barthélemy, Ambroise Paré a trouvé refuge chez le roi Charles IX qui l’a dissimulé dans sa propre chambre. Ambroise Paré était donc tenu pour protestant à l’époque. La réponse exacte d’Ambroise Paré au roi qui le pressait de se convertir n'a sans doute que valeur d'anecdote ("Par la lumière de Dieu, Sire, je crois qu'il vous souvient m’avoir promis de ne me commander jamais quatre choses, savoir : de rentrer dans le ventre de ma mère, de me trouer à un jeu de bataille, de quitter votre service et d’aller à la messe")[39],[36]. Paré raconte qu'à la fin de l’année 1562, après la prise de Rouen, "me trouvay à disner en quelque compaignie où en avait quelques-uns qui me hayoient à mort pour la Religion" (Œuvres, 1re édit., 1575, p. 939-940). Attaqué à cause de ce passage, Paré, dans sa Responce aux calomnies des médecins, se défend d'avoir voulu nuire aux catholiques, sans contester son protestantisme[40]. Jean-Michel Delacomptée estime que le sauvetage de Paré par Charles IX le jour de la Saint-Barthélemy, raconté par Brantôme, est une légende. Il souligne que Paré, qui, dans ses œuvres, parle de Dieu, de l'Ancien Testament et de Jésus-Christ, ne fait aucune place à Marie et aux saints[41]. M. Huchon relève que le chapitre « De l'âme », dans le XVIIIe livre des Œuvres, contient un emprunt direct à Jean Calvin et un emprunt textuel au théologien huguenot Philippe Duplessis-Mornay[42].

À l’appui de la thèse catholique, Ambroise Paré est resté attaché à Antoine de Bourbon après sa conversion au catholicisme[37] et a continué à avoir une vie liturgique catholique lors des baptêmes, mariages et enterrements dans sa famille[36]. Ces faits incontestables sont considérés comme compatibles avec l'adhésion à la foi réformée puisque d’une part, il aurait été difficile à un chirurgien tel que Paré de changer brutalement de service sans risquer de perdre son salaire, sa pratique et ses recherches et que d’autre part les curés avaient le monopole des actes d’état-civil. Dans le cadre d’une ville de Paris gagnée à la Ligue, il aurait été suicidaire de se mettre en avant comme protestant, par là même de risquer sa vie et de perdre toute inscription légale, d’autant plus que les édits de et 1567 avaient expressément prévu que les protestants seraient enterrés dans les cimetières catholiques[43]. Jean-Pierre Poirier note de même qu'un document, mis en lumière par Paule Dumaître, attestant le catholicisme de Paré en faveur de son petit-fils pourrait être une attestation de complaisance[44].

Mort

Statue en plâtre d'Ambroise Paré, par David d'Angers, Angers, 1839. (Modèle d'un bronze se trouvant à Laval.)

Il meurt à Paris alors dominée par la Ligue, le . Pierre de l'Estoile raconte que, quelques jours avant la levée du siège de Paris par Henri IV (), Paré avait adjuré, dans la rue, Pierre de Saint-Priest d'Épinac, archevêque de Lyon, d'intercéder en faveur de la paix pour soulager la misère du peuple et que Pierre d'Épinac en avait été ébranlé, « encore que ce fût un langage de politique que le sien[45]. »

Ambroise Paré reçut de grandes funérailles à l'Église Saint-André-des-Arts où il fut inhumé. Sa tombe existait encore en 1790, mais on ignore si elle fut détruite lors des profanations révolutionnaires ou après la vente et la destruction de l'église en 1807. On suppose que la tombe, qui comportait sa statue en terre cuite, aurait été installée plus tard à l'église de la Charité rue des Saints-Pères qui fut détruite à la Révolution.

Patients célèbres d'Ambroise Paré

Apport à la chirurgie, à l'anatomie et à la médecine

Prothèses de jambes selon Ambroise Paré - 1575.
La « main artificielle » d'Ambroise paré.

Ambroise Paré a fait progresser la chirurgie, notamment par la préférence qu'il donna à la ligature des artères sur leur cautérisation après les amputations[47], par la suppression de l'huile bouillante dans le traitement des plaies par armes à feu[48] et par les prothèses qu'il inventa (comme la prothèse palatine) ou perfectionna[49]. Il a également amélioré le traitement de la lithiase urinaire (maladie couramment dite « la pierre »), même si, en cette matière, il a beaucoup emprunté sans le dire à Pierre Franco[50].

En anatomie, il cite ses prédécesseurs, mais les prend parfois en défaut, Vésale en particulier, et on lui doit des descriptions nouvelles ou améliorées[51].

Selon J.-P. Poirier[52], la principale originalité d'Ambroise Paré est la conception exigeante qu'il eut de sa profession, tant sur le plan technique que sur le plan humain, conception au service de laquelle il sut mettre un véritable génie de la communication, qui l'amena par exemple à publier ses livres en français (il n'écrivait pas le latin, mais aurait pu se contenter de publier les traductions latines qui furent faites de ses livres).

Doué pour l'observation, Paré sait mettre en valeur son sens critique en maintes occasions. Par exemple, dans son Traité des venins (chapitre 44, Du Bezahar), il rapporte que le roi Charles IX lui demanda s'il existait un antidote universel, car on lui avait apporté un bézoard qui avait cette vertu. Il répondit que non et proposa au roi qu'on en fasse l'essai après avoir empoisonné un condamné à mort. On offrit à un cuisinier, condamné à la pendaison pour avoir volé de l'argenterie, de lui laisser la vie sauve s'il acceptait d'être empoisonné puis soigné avec un contre-poison, à l'aide du bézoard. L'homme accepta. Paré utilisa alors la pierre de bézoard, sans succès puisque le cuisinier mourut sept heures plus tard[53].

Dans le même Traité des venins, il doute de l'utilisation de corne de licorne (chapitre 47 et suivants, Discours de la licorne) comme antidote, en réfutant l'argumentation de ses détracteurs dans les éditions suivantes. Il critique également l'utilisation de poudre de momie contre les contusions dans son Traité des Contusions, Combustions et Gangrenes (chapitre 7 et suivants, Discours de la Mumie).

Si Paré se montre sévère avec les impostures (faux traitements) et les imposteurs (faux chirurgiens et faux malades), des auteurs ont cependant souligné sa naïveté[54] ou sa crédulité, notamment dans son livre intitulé Des monstres et prodiges, où il accueille sans critiques des êtres monstrueux dont plusieurs sont en réalité inexistants.

Michel Jeanneret replace Ambroise Paré dans le contexte d'une Renaissance prolongeant encore le Moyen Âge, un monde qui n'est pas encore celui de Galilée (1564-1642), de Newton (1642-1727) ou encore de Pascal (1623-1662) « le silence éternel des espaces infinis ». Paré sait critiquer ce qui relève des hommes, mais il accepte ce qui relève de Dieu. Le monde de Paré est encore un monde clos, fait d'une nature opulente à grouillement permanent, où les animaux exotiques témoignent pour les animaux monstrueux. Paré ne peut douter de la puissance infinie de la Création divine[55].

Paré n'est plus dans le cadre du symbolisme médiéval : situé à un point de bascule, il cherche une logique sans la trouver, « Véritablement, quant à moi, y perds mon esprit »[55]. La volonté divine se situe au-delà de la raison humaine, et puisqu'à Dieu, rien n'est impossible, Paré ne prétend plus distinguer le vrai du faux. Il se situe dans un double aveu d'étonnement et d'ignorance[56]. Selon Jeanneret :

« Depuis que les grandes découvertes ont remodelé la terre, et révélé de nouvelles espèces, de nouvelles races, de nouvelles croyances, on ne peut raisonnablement que se tenir disponible au surgissement des possibles (...) Faire le plein de tous les possibles, moissonner large et risquer des erreurs plutôt que manquer quoi que ce soit »[57].

Œuvres et publications

Page titre ornementée - Les Œuvres d'Ambroise Paré, conseiller et premier chirurgien du roy, IVe édition, G. Buon, Paris, 1585.

Ambroise Paré suspend ses voyages pour se consacrer à la rédaction de ses ouvrages. Autodidacte ne sachant ni le grec ni le latin, il publia à dessein ses ouvrages en français, avec les encouragements de la cour et de ses illustres contemporains, dont Pierre de Ronsard. Ce dernier lui adressa deux poèmes, placés en tête du volume de ses œuvres en 1575. « Je n'ai voulu escrire en autre langaige que le vulgaire de nostre nation, ne voulant estre de ces curieux, et par trop supersticieux, qui veulent cabaliser les arts et les serrer soubs les loix de quelque langue particulière », explique Paré dans son avis au lecteur. Paré n'étant pas docteur, la Faculté de médecine, en la personne de son doyen Étienne Gourmelen, tenta de s'opposer à la mise en vente du livre, prétextant qu'il contenait des choses abominables, contraires à la bonne morale. L'affaire fut menée devant le Parlement, sans succès et le livre fut distribué et mis en vente sans modifications.

Ses œuvres ont été traduites dans différentes langues. Une version manuscrite en anglais circule parmi les chirurgiens-barbiers de Londres en 1591 ; la première édition imprimée paraît en 1634[58]. Des traductions sont publiées en allemand à Francfort en 1601 et 1635, en néerlandais à Leyde en 1604, Amsterdam en 1615, 1636, 1649, Haarlem en 1627[59]. La traduction néerlandaise de Carolus Battus, publiée à Dordrecht aux Provinces-Unies en 1649, a servi de base au Kōigeka-Sōden (1706), premier ouvrage de médecine occidentale traduit en japonais par Narabayashi Chinzan (1648-1711)[60].

Hommages posthumes

Timbre Ambroise, émis en 1943

Plusieurs hôpitaux et cliniques portent son nom dont :

Il y a également le lycée Ambroise-Paré à Laval ainsi qu'un collège au Mans, qui portent son nom.

Plusieurs voies publiques en France sont également nommées d'après lui dont :

Anniversaires

Œuvres d'art

Galerie

Notes et références

  1. Jean-Pierre Leverrier, Le vray Ambroise Paré, Spinelle, 2021, p. 17.
  2. A. Chéreau, article «Ambroise Paré», dans: Amédée Dechambre (dir.) et Louis Hahn (secrétaire de la rédaction), Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, Deuxième série, Tome vingt et unième (Par-Pea), Paris, G. Masson , P. Asselin, 1885, p. 127-136; reproduit sur le site Agora. Voir aussi « Ambroise Paré », Portrait de Médecins, sur medarus.org (consulté le ).
  3. Cette technique et d'autres encore ont été cependant décrite six siècles plus tôt par le chirurgien arabe Abu Al-Qasim.
  4. Paré écrivit cette phrase, dans un cahier de notes, au sujet des soins qu'il donna au capitaine Le Rat, lors de la campagne de Piémont de 1537-1538. Il utilisera cette formule tout au long de sa carrière. (Jean-Pierre Poirier 2005, p. 42.) En 1552, les soldats français, assiégés à Metz par l'armée de Charles Quint, souffraient d'une grande disette. Le serviteur d'un capitaine voulut réquisitionner des vivres auprès de paysans, qui le percèrent de douze coups d'épée. Il était si mal en point que le capitaine s'apprêtait à le faire jeter dans une fosse. Ambroise Paré, persuadé de pouvoir sauver le blessé, obtint qu'il lui fût confié. « Je lui fis office de médecin, d'apothicaire, de chirurgien et de cuisinier : je le pansai jusqu'à la fin de la cure, et Dieu le guérit. » (Jean-Michel Delacomptée, Ambroise Paré, La main savante, Gallimard, 2007, p. 166-167.) Également cité par Jean-Pierre Poirier 2005, p. 9, qui renvoie à Ambroise Paré, Voyage d'Allemagne, Œuvres, t. III, p. 698. Paré a écrit, dans le même ordre d'idées : « la préservation gît plus en la providence divine qu'au conseil du médecin ou chirurgien ». (Cité par Jean-Pierre Poirier 2005, p. 33.)
  5. Ces mots ne sont pas sans rappeler l'adage latin « Medicus curat, natura sanat » (« Le médecin soigne, la nature guérit »).
  6. Paule Dumaître 1986, p. 2-3.
  7. a b c et d Paule Dumaître 1986, p. 4-5.
  8. « Claude-Stephen Le Paulmier (1828-1902) », sur data.bnf.fr (consulté le ).
  9. T. S. Gelfand, « Review of Ambroise Paré, Surgeon of the Renaissance », Bulletin of the History of Medicine, vol. 42, no 6,‎ , p. 574–576 (ISSN 0007-5140, lire en ligne, consulté le )
  10. Jean-Pierre Poirier 2005, p. 16-17. Louis Vincelet, Ambroise Paré et la religion, communication présentée à la séance du 22 janvier 1968 de la Société Française d'Histoire de la Médecine, en lignel, signale que certains attribuent au père d'Ambroise Paré la profession de barbier.
  11. a et b Paule Dumaître, « Des descendants retrouvés d'Ambroise Paré : Sa famille d'hier, sa famille d'aujourd'hui », Histoire des sciences médicales, vol. 33, no 3,‎ , p. 243-254. (lire en ligne)
  12. Les dates données par les sources vont de 1509 à 1517. Pierre de l'Estoile, qui a noté dans son journal la mort de Paré comme survenue le 20 décembre 1590, ajoute qu'il était âge de 80 ans. Voir Louis Vincelet, Ambroise Paré et la religion, communication présentée à la séance du 22 janvier 1968 de la Société Française d'Histoire de la Médecine, en lignel[PDF].
  13. Jean-Pierre Poirier 2005, p. 20.
  14. Jean-Pierre Poirier 2005, p. 24.
  15. Jean-Pierre Poirier 2005, p. 25-26.
  16. « Probablement vers 1536 » d'après J.-F. Malgaigne, Introduction aux Œuvres complètes d'Ambroise Paré, t. 1, Paris, 1840, p. CCXXXIII, [lire en ligne].
  17. « Paré Ambroise (1510-1590) », Culture & Patrimoine, École Nationale Vétérinaire d'Alfort (consulté le ).
  18. Ambroise Paré, après avoir écrit : « Luy coupay le bras sans scie, pource que la mortification n'estoit outre la jointure du coude; et là commençay l'amputation, incisant les ligaments qui joignent les os. », ajoute « qu'il ne faut s'ébahir de cette amputation de la jointure, car Hippocrate la recommande dans son livre Des articulations. » Ce passage de Paré est cité par Aug. Vidal, Traité de pathologie externe et de médecine opératoire, 5e édition, revue par Fano, t. 5, Paris, 1861, p. 575, qui insiste sur le fait que c'est là une désarticulation du coude. [lire en ligne] , qui renvoie pour Paré aux Œuvres complètes, t. 2, Paris, 1840, p. 284 et pour Hippocrate, aux Œuvres complètes, trad. de Littré, Paris, 1844, t. 4, p. 78.
  19. «Voyage» en Piémont avec Ambroise Paré par Paule Dumaître, Communication présentée à la séance du 28 novembre 1987 de la Société française d'Histoire de la Médecine, [PDF] en ligne.
  20. Paré dans un premier temps utilise un pansement digestif tiède puis "perfectionne" son traitement en utilisant de l'huile de petits chiens (oleum catellorum) comme pansement suppuratif
  21. Jean-Pierre Poirier 2005, p. 125.
  22. Fabricio Cardenas, « Ambroise Paré à Perpignan en 1542 », Vieux papiers des Pyrénées-Orientales, 13 février 2015.
  23. « Le jeu de la lutte en Bretagne en 1543 », Wiki-Brest.
  24. Œuvres complètes d'Ambroise Paré, introduction par J.-F. Malgaigne, Paris, 1840, p.  CCXLII, [lire en ligne].
  25. Ambroise Paré, « Voyage de Mets - 1552 », dans L'Austrasie, 1906-1907, tome II, p. 231-238, p. 369-375
  26. N Martinez-Lancien et M-J Roux, « La luciliathérapie » [PDF] dans le site de la Société française et francophone des plaies et cicatrisations
  27. (en) Ronald A. Sherman, « Maggot Therapy Takes Us Back to the Future of Wound Care: New and Improved Maggot Therapy for the 21st Century », Journal of Diabetes Science and Technology, vol. 3, no 2,‎ , p. 336-344 (ISSN 1932-2968, PMID 20144365, lire en ligne).
  28. Voyage d’Hesdin (1553) [PDF] in : Œuvres, IVe édition, 28e livre, traictant des Rapports, & du moyen d’embaumer les corps morts. Chapitre II: Apologie et Traicté contenant les voyages faicts en divers lieux.
  29. Ambroise Paré sur le site de l'association Le Vieil Hesdin.
  30. Il s'agit d'un titre universitaire (laurea en latin), distinct du titre de maître chirurgien-barbier, obtenu dix-huit années plus tôt, qui était un grade de corporation. Bien qu'un mémoire en latin devait être présenté, ce n'était pas un titre de docteur. Le titre de docteur en médecine était du seul ressort de la faculté de médecine, alors que celui-ci était décerné par le collège Saint-Côme, avec la participation, entre autres, de membres de la faculté de médecine.
  31. « Histoire des chirurgiens, des barbiers et des barbiers-chirurgiens » dans le site Medarus.
  32. Œuvres complètes d'Ambroise Paré, introduction par J.-F. Malgaigne, Paris, 1840, p. CCLVI-CCLXI, [lire en ligne]
  33. Centre national de ressources textuelles et lexicales, article bistouri, qui signale qu'on trouve en 1464 le mot masculin bistorit dans le sens de « poignard » (Lit. remiss. ex. Reg. 199 ch. 599 dans Du Cange t. 1, p. 600c, « s.v. bistoria : Ung coustel poignant, nommé Bistorit »).
  34. Voir par exemple Jean-Pierre Poirier 2005, p. 166, qui n'indique pas la source. Il semble que ce dialogue repris par plusieurs biographes, y compris par Henri Mondor dans la Grande Encyclopédie Larousse, soit apocryphe.
  35. Jean-Pierre Poirier 2005, p. 249.
  36. a b et c Encyclopédie de l’Agora, cité par le site Medarus [1], accès le 21/09/2015
  37. a et b Louis Vincelet, Ambroise Paré et la religion, communication présentée à la séance du 22 janvier 1968 de la Société Française d'Histoire de la Médecine, en lignel, estime que Paré fut un catholique tolérant.
  38. Brantôme, Discours sur Charles IX, dans « Les vies des hommes illustres et grands capitaines français de son temps » - Tome 4, publié en 1722 à Leyde, discours LXXXVIII « Charles IX ».
  39. a et b Sully, Économies royales (dites aussi Mémoires), cité par Eugène et Émile Haag, La France protestante, t. 8, Paris, 1858, p. 133. [lire en ligne]|
  40. a et b A. Chéreau, article «Ambroise Paré», dans: Amédée Dechambre (dir.); Louis Hahn (secrétaire de la rédaction, Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales. Deuxième série. Tome vingt et unième (Par-Pea), Paris, G. Masson , P. Asselin, 1885, p. 127-136 Article sur le site de l’Université de Laval (Québec), consulté le 24/09/2015
  41. Ambroise Paré, La main savante, Gallimard, 2007, p. 171-172
  42. M. Huchon, « Ambroise Paré, chirurgien méthodique et huguenot » in Ambroise Paré (1510-1590) : Écriture et pratique de la science à la Renaissance, Actes réunis par É. Berriot-Salvadore, Paris, Champion, 2004, p. 201-227 cité par Jean-Pierre Poirier 2005, p. 234
  43. Henry Bordier, Rectification à l’errata publié par M. Jal, 1868, in-8o, 15 pages, cité par A. Chéreau, Rectification à l’errata publié par M. Jal, 1868, in-8o, 15 pages
  44. Jean-Pierre Poirier 2005, p. 235-236
  45. Pierre de l'Estoile, Journal pour le règne de Henri IV, t. 1, Gallimard, 1948, p. 84-85. Pierre de l'Estoile, À Paris pendant les guerres de religion, extraits des journaux de l'Estoile présentés par Philippe Papin, Arléa, 2007, p. 342. Rappelons qu'on appelait « politiques », à l'époque de la Ligue, les partisans de la paix par tolérance mutuelle entre catholiques et protestants.
  46. Montgomery tue le roi Henri II en tournoi, voir texte en ligne.
  47. Selon J.-M. Delacomptée, la ligature des artères après l'amputation n'était pas une invention de Paré, mais elle avait besoin d'être retrouvée dans la littérature, ce que fit Paré, sans dissimuler ses sources. . Voir Jean-Michel Delacomptée, Ambroise Paré, La main savante, Gallimard, 2007, p. 205. Selon Jean-Pierre Poirier, deux chirurgiens italiens, Leonardo Bertapaglia et Mariano Santo, avaient devancé Paré, mais Paré l'ignorait. (Jean-Pierre Poirier 2005, p. 110 ; voir aussi p. 319.) Ambroise Paré a écrit : « Par ce je conseille au jeune Chirurgien de laisser telle cruauté et inhumanité, pour plustost suyvre ceste mienne façon de practiquer, de laquelle il a pleu à Dieu m’adviser, sans que jamais l’eusse veu faire à aulcun, ouy dire, ne leu, sinon en Gal[ien]. Au 5. livre de sa Méthode, où il escrit qu’il faut lier les vaisseaux vers leurs racines, qui sont le foye et le cœur, pour estancher le grand flux de sang. Or ayant plusieurs fois usé de ceste manière de couldre les veines et artères aux playes récentes, esquelles se faisoit une hémorrhagie, j’ay pensé qu’il s’en pouvoit bien autant faire en l’extirpation d’un membre. » (Ambroise Paré, Œuvres; combustions et gangrènes, chap. XXXV, cité sur l'Encyclopédie de l'Agora.)
  48. Jean-Pierre Poirier 2005, p. 319. La ligature et d'autres encore ont été cependant décrite six siècles plus tôt par le chirurgien musulman Abu Al-Qasim.
  49. Jean-Michel Delacomptée, Ambroise Paré, La main savante, Gallimard, 2007, p. 210, qui ajoute que les prothèses de Paré pour la jambe, le bras et la main furent peu modifiées jusqu'à la guerre de 1914-1918.
  50. Georges Androutsos, « La lithiase urinaire et son traitement par Ambroise Paré (1509-1590) », Progrès en Urologie (2004), 14, 109-117. [PDF] En ligne. D'après Jean-Pierre Poirier 2005, p. 176-177, il est vrai que Paré a plagié Franco, mais Franco avait lui-même copié de très près un traité de Paré sur les accouchements. Poirier, p. 177 et 183, signale aussi des emprunts inavoués de Paré à Thierry de Héry et à Laurent Collot.
  51. Jean-Pierre Poirier 2005, p. 99, qui renvoie à F. Puccinotti, Storia della medicina, vol. II, Naples, 1863, p. 210.
  52. Jean-Pierre Poirier 2005, p. 320.
  53. Stephen Paget, Ambroise Paré and His Times, 1510–1590, G.P. Putnam's Sons, (lire en ligne), p. 186–187, qui reproduit le récit que Paré fit lui-même de l'expérience et l'apologie qu'il en pésenta contre ses détracteurs.
  54. comme Maurice Bariety et Charles Coury, Histoire de la médecine, Fayard, , p. 443.
  55. a et b Ambroise Paré (préf. Michel Jeanneret), Des monstres et prodiges, Paris, Gallimard, , 275 p. (ISBN 978-2-07-045246-0), p. 19-22.
  56. Michel Jeanneret 2015, op. cit., p. 37
  57. Michel Jeanneret 2015, op. cit., p. 33.
  58. Andrew Wear, Knowledge and Practice in English Medicine, 1550-1680, Cambridge University, 2000, p. 215, n. 14
  59. "Ambroise Paré" in Dictionnaire historique de la médecine ancienne et moderne
  60. Peng Yoke Ho et F. Peter Lisowski, A Brief History of Chinese Medicine, World Scientific, Singapore, 1997, p. 65

Voir aussi

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Articles connexes

Bibliographie

Ouvrages

Biographies et généralités
Actes de colloque
  • Ambroise Paré : stratégie professionnelle et périple intellectuel, Actes réunis par A.-M. Moulin, Laval, 1991
  • Ambroise Paré (1510-1590) : Écriture et pratique de la science à la Renaissance, Actes réunis par É. Berriot-Salvadore, Paris, Champion, 2004.

Articles

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