L'Académie bulgare des sciences (ABS ; en bulgare : Българска академия на науките, Balgarska akademia na naoukité[1], nom abrégé en БАН, BAN) est une organisation publique bulgare autonome consacrée à la recherche scientifique.
Elle est créée en 1869 à Brăila (en Roumanie actuelle) sous le nom de Société littéraire bulgare (Българско книжовно дружество, Balgarsko knijovno droujestvo). En 1878, après la création de la principauté de Bulgarie, la société installe son siège à Sofia. Elle est renommée Académie bulgare des sciences en 1911.
Bien qu'elle soit financée par l'État bulgare, l'ABS jouit d'une grande autonomie. Elle accorde des titres par une procédure de cooptation. Le nombre de membres actifs, qui portent le titre d'académicien (академик, akademik) est limité. Avant de porter ce titre, les collaborateurs de l'ABS se voient attribuer le grade de membre-correspondant (член-кореспондент, tchlen-korespondent). Les étrangers portent le titre de membres étrangers (чуждестранни членове, tchoujdestranni tchlenove). L'ABS entretient des relations de partenariat avec de nombreuses organisations scientifiques en Europe et dans le monde, dont le CNRS français, avec lequel elle a signé une convention de partenariat en 1965, réactualisée en 2009[2].
En 2010, l'ABS regroupait 84 structures, dont 73 instituts de recherche et 11 « unités spécialisées » (специализирани звена, specializirani zvena), auxquels s'ajoutait l'administration centrale. Selon les déclarations de son ancien président, le physicien Nikola Sabotinov(bg), lors de l'inauguration du Forum national pour la science (), elle employait en 2008 7 641 personnes dont 3 638 chercheurs (17,4 % de l'ensemble des chercheurs du pays), soit environ la moitié de ses effectifs à la fin de l'ère communiste, et représente 60 % de l'ensemble de la production scientifique du pays[3].
Missions
Les statuts de l'ABS, adoptés en 1994 et complétés depuis, assignent à l'institution la mission suivante : « L'Académie bulgare des sciences est le lieu où s'accomplit l'activité scientifique, en conformité avec les valeurs communes à l'humanité, les traditions et intérêts nationaux. Celle-ci participe au développement de la science mondiale et agit en faveur de l'accroissement des valeurs spirituelles et matérielles de la nation[4]. »
Bien qu'elle soit indépendante de l'État, l'ABS assume un certain nombre de tâches permanentes en faveur de celui-ci, dans des domaines exigeant une expertise scientifique approfondie :
enregistrement de l'activité sismique ainsi que des glissements de terrain et autres mouvements dangereux de l'écorce terrestre dans l'ensemble du pays et information sur ceux-ci ;
enregistrement des processus relevant des processus géomagnétiques, ionosphériques et autres et information sur ceux-ci, pour les besoins de la défense et des communications ;
surveillance environnementale et études écologiques à grande échelle sur le territoire national ainsi que dans le bassin de la mer Noire ;
défense et sécurisation des réseaux informatiques des ministères et départements ministériels (par le Laboratoire de virologie informatique, institution unique en son genre dans le pays) ;
c'est au sein de l'ABS qu'a été créé et fonctionne le point nodal de base du réseau électronique de recherche et de formation desservant les universités, les instituts scientifiques et les établissements scolaires : le centre national GRID, qui offre des possibilités de calcul de dernière génération, est intégré à l'ABS[5].
Le centre de formation de l'ABS accueille environ 700 étudiants par an (essentiellement des doctorants), tandis qu'environ 600 chercheurs de l'ABS donnent chaque année des cours dans des établissements d'enseignement supérieur[6].
Histoire
La Société littéraire bulgare (Balgarsko knijovno droujestvo, BKD) fut fondée le 1er octobre 1869 ( dans le calendrier grégorien) dans la ville de Brăila comme organisation dédiée à l'éducation de la nation bulgare. Les premiers membres de la société furent l'historien et philologue Marin Drinov, le philologue Vassil Stoyanov(bg) (1839-1910) et l'homme d'Église et écrivain Vassil Droumev (1840-1901). Un comité directeur de 11 membres fut élu, présidé par Nikola Tsenov(bg). En 1871 fut élu le premier membre d'honneur de la société, l'historien Gavril Krastevitch (1817-1898). En , la société déplaça son siège, quittant la Roumanie pour s'installer dans la nouvelle capitale de la principauté de Bulgarie, Sofia[7].
Après l'indépendance de la Bulgarie, les efforts du ministère de l'Éducation nationale transformèrent progressivement la BKD en Académie nationale, dont devinrent membres des représentants éminents de différentes branches des sciences et de la culture. En , la municipalité de Sofia fit don à la BKD d'un terrain qui lui permit de construire un nouveau siège. Cette évolution permit à la société de prendre un nouveau départ à partir de 1884, notamment après la tenue d'une assemblée générale qui conduisit au recrutement d'une dizaine de nouveaux membres actifs et à l'adoption de nouveaux statuts. Trois sections furent créées : histoire et philologie, sciences exactes et médicales, sciences politiques. Dans ses nouveaux statuts, la BKD se plaça sous la protection du nouveau chef de l'État, Alexandre Ier de Bulgarie.
Le , la Société littéraire bulgare se rebaptisa Académie bulgare des sciences, et l'année suivante, l'Assemblée nationale adopta la première loi précisant le statut de l'institution. L'ABS participa début 1913 à la conférence de Saint-Pétersbourg créant l'Union des académies et sociétés scientifiques slaves, et son adhésion à cette union fut ensuite confirmée par l'Assemblée générale. Le bâtiment principal de l'Académie fut construit entre 1925 et 1929 sur la place de l'Assemblée nationale et est resté jusqu'à aujourd'hui son siège central, malgré les dommages qu'il a subi lors des bombardements de Sofia pendant la Seconde Guerre mondiale (janvier-). En 1931, l'ABS fut admise au Conseil international des unions scientifiques. En 1940, l'Académie fut rebaptisée Académie bulgare des sciences et des arts (Българска академия на науките и изкуствата), nom qu'elle garda jusqu'en 1947[7].
Peu de temps après le coup d'État antinazi du , un groupe de membres de l'Académie, dont son président Bogdan Filov, furent exclus de l'institution, jugés et exécutés : ils furent remplacés début 1945 par un grand nombre d'académiciens fraîchement élus, proches du pouvoir en place. La même année commença la transformation de l'institution d'après le modèle soviétique : elle devint une administration centrale d'État, à laquelle furent soumis la plupart des instituts de recherche scientifiques du pays. Le statut de l'Académie adopté en 1973 stipulait explicitement que l'Académie « déploie son activité conformément au programme et aux décisions du Parti communiste bulgare ». Les règlements provisoires adoptés en 1989 et la nouvelle loi ad hoc qui suivit accorda à l'Académie une autonomie pleine et entière, instituant l'élection des organes directeurs par les employés de ses différentes composantes.
En réaction à la mainmise du parti communiste avant 1989, les nouveaux statuts de l'ABS adoptés en 1994 stipulent (article 2, alinéa 2) que « l'activité des structures de partis et mouvements politiques ne peuvent exister ni se réaliser au sein de l'Académie bulgare des sciences. Ses unités constitutives ne peuvent accomplir des travaux sur commande servant l'activité politique de partis et mouvements politiques. ». L'alinéa 3 du même article ajoute qu'« au sein de l'ABS ne peuvent exister ni se réaliser l'activité d'unités structurelles militarisées susceptibles d'être contrôlées par le ministère de la Défense et le ministère des Affaires étrangères ou de leur rendre compte[4]. »
Présidents
Société littéraire bulgare (1869-1911)
Marin Drinov (historien et philologue, 1838-1906), 1869-1882.
L'Académie bulgare des sciences est active dans pratiquement tous les domaines de la connaissance : sciences mathématiques, physiques, géologiques, chimiques, biologiques et de l'ingénieur, sciences humaines et sociales. La création des différents instituts, qui constituent des unités autonomes de l'Académie, a commencé après 1945[7].
En 2010, les différents instituts et composantes de l'Académie (tous localisés dans l'agglomération de Sofia, sauf mention contraire) sont :
(bg + en) Institut de traitement parallèle de l'information, ITPI (Институт по паралелна обработка на информацията, ИПОИ/Institut po paralelna obrabotka na informaciata, IPOI), anciennement Laboratoire central de traitement parallèle de l'information, LCTPI, Централна лаборатория по паралелна обработка на информацията (ЦЛПОИ)/Centralna laboratorija po paralelna obrabotka na informaciata (CLPOI) ;
(en) Institut d'électrochimie et de systèmes énergétiques, IESE (Институт по електрохимия и енергийни системи, ИЕЕС/Institut po elektrohimija i energijni sistemi, IEES), anciennement Laboratoire central des sources électrochimiques de courant, Централна лаборатория по електрохимични източници на Ток, ЦЛЕХИТ/Centralna laboratorija po elektrohimični iztočnici na tok, CLEHIT) ;
Maison du savant (Дом на учения/Dom na učenija, hôtel de l'ABS)[17].
Centres régionaux
La plupart des unités de l'ABS ont leur siège à Sofia ou dans son agglomération. Cependant, la direction de l'Académie s'est efforcée de décentraliser certaines activités par la création de Centres académiques régionaux. En 2009, deux de ces centres fonctionnent déjà : le centre de Varna (spécialisé dans les technologies de la mer), ainsi que le centre de Plovdiv (spécialisé dans l'alimentation). Cinq autres centres sont en voie de création. Ils seront sis à Bourgas, Veliko Tărnovo, Silistra, Jambol et Smoljan (dans le cadre du programme « Rhodopes »). Ces centres visent à « fédérer le potentiel scientifique et d'innovation des instituts de l'ABS, des établissements d'enseignement supérieur et des entreprises innovantes dans différentes régions du pays[18]. »
Financement et efficacité
La dotation annuelle accordée par le Ministère bulgare de l'Éducation et de la Science au budget de l'ABS s'élevait en 2008 à 82,14 millions de leva, soit plus de 41 millions d'euros[19]. Cependant, cette dotation ne permet à l'ABS que de financer son fonctionnement, ses infrastructures et le salaire de ses employés. L'activité scientifique en elle-même est essentiellement financée sur projets et sur la base de conventions, en particulier grâce aux fonds consacrés à la recherche de l'Union européenne et de l'OTAN[20]. En 2008, ce financement complémentaire a représenté environ 55 millions de leva, soit plus de 28 millions d'euros[21]. Cependant, ce financement total, comme celui de la recherche dans le pays en général, est insuffisant, et, comme dans beaucoup de pays européens, peut être considéré comme la cause essentielle de la « fuite des cerveaux », particulièrement grave en Bulgarie[22]. La dépense de recherche et développement bulgare exprimée en pourcentage du PIB était en 2007 pour l'ensemble des secteurs de 0,48 %, soit nettement moins que la moyenne pourtant basse de l'UE (1,83 %)[23].
Selon le Science Citation Index (SCI ), l'ABS est à l'origine de 60 % de la production scientifique du pays[24]. L'ABS dépose la grande majorité des brevets du pays (plus de 50 % au cours des 10 dernières années[25]), mais ses chercheurs sont 20 fois moins payés que dans le reste de l'Europe[26]. Pour cette raison, l'attractivité des carrières scientifiques est faible en Bulgarie, pays touché de plein fouet par la fuite des cerveaux scientifiques qui a commencé en 1989. La moyenne d'âge des académiciens est par conséquent élevée (ils ont tendance à rester en fonction bien au-delà de l'âge de la retraite et à éviter de céder leur place à des chercheurs plus jeunes, de toute façon peu nombreux).
Certains analystes ont une vision plus critique de l'efficacité de l'ABS telle qu'elle est reflétée par les chiffres officiels. Ainsi, Metodi Metodiev de l'Institut pour l'économie de marché (IPE, club de réflexion néolibéral) reproche à l'Académie son manque de tradition dans le domaine de la gestion de projets, ainsi que le faible impact de ses publications[27].
Un autre problème structurel de la recherche bulgare est la faible implication des établissements d'enseignement supérieur (ВУЗ, au nombre de 51 en 2009). Ainsi, les projets communs de l'ABS avec des établissements supérieurs bulgares ne sont qu'au nombre de 25 environ par an[28].
↑(bg) Венцeслав Шопов, « Влиянието на Европейското научно пространство върху проблема “Изтичане на мозъци” в балканските страни », сп. Наука, бр.1, 2007 (Venceslav Šopov, « Vlijanieto na Evropejskoto naučno prostranstvo vărhu problema “Iztičane na mozăci” v balkanskite strani », spisanie Nauka, br. 1, 2007 = « L'influence de l'espace européen de la recherche sur le problème de la fuite des cerveaux dans les pays balkaniques », in : revue Nauka, no 1, 2007).
↑(bg) Методи Методиев, БАН - 137 години стигат (Metodi Metodiev, BAN – 137 godini stigat = ABS, 137 ans suffisent, article de 2006 sur le site de l'IPE, consulté le 2 mai 2009).
Cet article utilise le système de l'Organisation des Nations unies de translittération de l'alphabet cyrillique (également appelé « système scientifique de translittération »), le seul qui constitue une norme scientifique internationalement reconnue.