Fondation et développement (VIIe siècle-IXe siècle)
L'abbaye de Wissembourg a été fondée vers 660 par l'évêque de Spire, Dragobodo ou probablement par des moines venus de Lorraine[2].
Grâce aux dons de la noblesse et des propriétaires fonciers locaux, le monastère acquiert rapidement des biens et des domaines en Alsace, dans l'électorat du Palatinat et dans le comté du Rhin occidental d'Ufgau. En conséquence, des fermes seigneuriales et des fermes paysannes ont été mises en place et un système agricole a été introduit pour créer des terres arables fertiles.
Au XIIe siècle, il était important pour le monastère, devenu riche, de se distancer de l'évêque de Spire et de son influence. À cette fin, une nouvelle charte apocryphe a été établie sur les origines du monastère, soutenue par des documents falsifiés (une telle falsification n'avait rien d'inhabituel au Moyen Âge). Dans le cas de Wissembourg, la charte de fondation raconte que l'abbaye avait été fondée en 623 par le roi mérovingienDagobert Ier. Des recherches historiques détaillées au cours des dernières décennies ont démontré que cela n'aurait probablement pas été le cas.
Wissembourg s'est rapidement développée pour devenir l'une des abbayes les plus riches et les plus importantes sur le plan culturel d'Allemagne. Dès 682, elle a pu acheter des parts dans une saline de Vic-sur-Seille pour la somme princière de 500 solidi. En 760 Pépin le Bref accorde l'immunité à l'abbaye sur toutes ses terres (le domaine du Mundat). Une église abbatiale est consacrée en 803. La même année l'abbaye est ravagée par un incendie.
Apogée et déclin (Xe siècle-XVe siècle)
L'école monastique et le scriptorium sont à leur apogée vers 850. Le Livre de l'Évangile (Evangelienbuch) écrit vers 860 par un moine, Otfrid de Weissenburg, a représenté une étape importante dans le développement de la langue et de la littérature allemandes. À cette époque, l'abbaye était sous la responsabilité de l'abbéGrimald de Weissenburg, qui était également l'abbé de l'abbaye de Saint-Gall et chancelier de l'empereur Louis II de Germanie, et était donc l'une des figures les plus importantes de l'ensemble de l'Église impériale allemande.
En 974, le monastère est élevé, avec le Mundat, au rang de principauté du Saint-Empire romain germanique. Les abbés deviennent princes-abbés et siégèrent aux diètes d'Empire où ils ont préséance sur l'évêque de Spire (du diocèse duquel ils faisaient partie).
L'abbaye pert cependant une possession importante lorsqu'en 985 le duc salienOtto s'approprie 68 des paroisses qui lui appartenaient avant le soi-disant vol d'église salienne (Salischer Kirchenraub). Mais surtout, c'est le passage d'une situation dans laquelle l'abbaye gérait elle-même ses domaines monastiques à un système féodal dans lequel les domaines étaient concédés en tant que fiefs, qui aboutit à la perte de la plupart des biens de l'abbaye. En effet, au fil du temps, leurs vassaux considéraient leurs fiefs comme des alleux, c'est-à-dire comme des propriétés en pleine propriété. Ainsi, les domaines monastiques autrefois étendus s'évaporent de plus en plus. Au XVIe siècle, il ne reste plus que trois domaines sur les milliers que l'abbaye possédait : il s'agit de Steinfeld, Schweighofen et Koppelhof ; en outre, l'abbaye avait des droits de dîme à Wissembourg et à Bergzabern, ce qui lui donnait un revenu annuel de 1 500 florins.
L'abbaye est à nouveau gravement incendiée en 985 et en 1004. Au XIe siècle, elle est restaurée, partiellement reconstruite et entourée d'une enceinte fortifiée en maçonnerie avec tours. À l'extérieur, aux points cardinaux, sur les routes menant à l'abbaye, quatre fermes avec chapelle sont transformées en prieurés : Saint-Paul, qui seul subsiste, Saint-Rémi, Saint-Pantaléon et Saint-Germain. Ces prieurés sont fortifiés pour servir de refuge. De l'abbaye romane il ne subsiste la tour-clocher et une chapelle au nord-est de l'église.
Entre 1262 et 1293, à l'époque de son déclin, l'abbé Edelin tente d'arrêter la perte des domaines monastiques et de récupérer ses biens volés en compilant un registre des possessions de l'abbaye dans un nouveau registre. Cet index, appelé Codex Edelini ou Liber Possessionum, est actuellement conservé aux Archives fédérales de Spire (Landesarchiv Speyer).
La reconstruction de l'abbatiale en style gothique, la construction du cloître et de la salle capitulaire ont lieu dans la seconde moitié du XIIIe et dans la première moitié du XIVe siècle.
Sécularisation et dissolution (XVIe siècle-XIXe siècle)
En 1524, l'abbaye, désormais extrêmement endettée, est sécularisée et transformée en collégiale laïque à l'instigation de son dernier abbé, Rüdiger Fischer, puis en 1546, la collégiale est subordonnée à l'autorité de l'évêché de Spire.
La plus grande partie de la riche bibliothèque monastique est allée au XVIIe siècle à la bibliothèque Herzog-August à Wolfenbüttel[2], les archives de l'abbaye ont en grande partie disparue dans la confusion de la période révolutionnaire.
Les anciens bâtiments conventuels et les dépendances sont remaniés, la construction du doyenné et de dix maisons de chanoines est entreprise entre 1760 et 1784.
En 1764, la prévôté (Propstei) princière de Wissembourg comprend les bureaux et les domaines suivants (dans l'orthographe d'aujourd'hui)[3] :
le bureau du prévôt avec un maître de maison (Hofmeister), le conseil du prévôt (Probsteirat), des secrétaires, un architecte (Baumeister) et des messagers (Boten)
le tribunal (Staffelgericht) de Wissembourg avec neuf fonctionnaires
L'abbaye[2] est située entre deux bras de la rivière Lauter, autrefois reliés par un canal (à l'emplacement de la rue Stanislas). L'enclos de l'abbaye était fortifié et de forme arrondie, il en subsiste une tour (Scharterturm) et le mur d'enceinte ouest. Au centre se situe l'église abbatiale et la salle capitulaire (devenue sacristie), au nord le cloître et les bâtiments conventuels dont une chapelle romane, au sud la maison du receveur, les granges, la maison aux dîmes et les deux hôtelleries, à l'ouest, les maisons du doyen et des chanoines, cet espace ouest a été réorganisé entre 1769 et 1784 avec un architecte parisien.
Plus vaste église gothique[4] d'Alsace après la cathédrale de Strasbourg, l'abbatiale a été construite de 1265 à 1284 à l'emplacement d'un premier édifice du début du XIe siècle dont il reste le clocher roman à l'ouest.
L'église abbatiale est orientée, appareillée en grès, entièrement voûtée d'ogives (arcs-boutants sous les toits des bas-côtés, contreforts extérieurs à pinacles). Le vaisseau central et les bas-côtés ont 7 travées avec grandes arcades en arc brisé.
À la place du deuxième bas-côté nord se situe le cloître.
Salle capitulaire
La salle capitulaire[5] occupe un corps de bâtiment gothique, de plan carré, sous grand toit à croupes, situé entre le bras nord du transept et la chapelle romane. Dans la façade ouest, une porte (aujourd'hui murée) donnait accès au cloître. Devant la façade est se situe une absidiole à 5 pans. La salle est voûtée de 4 croisées d'ogives, ornées de rinceaux peints, chacune des 4 travées de la voûte comporte une clef sculptée[6]. Les nervures retombent sur une colonne centrale, sans chapiteau, et sur des culots le long des 4 murs. Les murs occupés par des armoires de sacristie, sont ornés en partie haute de peintures et d'inscriptions[7] réalisées autour de 1875.
Cloître
La galerie sud du cloître[8] est accolée au bas-côté nord de l'église et comporte (comme celui-ci) 7 travées contrebutées de contreforts massifs. La galerie est, contre la salle capitulaire, ne comporte qu'une travée et demie. Un ensemble 31 monuments funéraires[9] (dalles, tombeaux, sarcophages) sont exposés contre le murs de l'église.
Bâtiment conventuel avec chapelle romane
Le bâtiment conventuel[10] actuel abrite, du sud au nord, un étroit passage transversal, un escalier et la chapelle. La voûte en berceau plein cintre du passage repose sur une corniche chanfreinée. À l'étage se situait le dortoir.
Le second bâtiment conventuel[11] ayant abrité le réfectoire, de plan rectangulaire allongé, est situé au nord de l'église et orienté est-ouest.
Enceinte et tour
Le tracé de l'enceinte médiévale[12] est quasiment intégralement conservé et est de forme arrondie. À l'est et au sud, des bâtiments anciens sont adossés au mur ou reconstruits sur ses fondations. À l'ouest, près du bras de la Lauter, il est conservé sur environ 3 mètres de haut. À l'extrémité nord-ouest et sur quelques mètres au nord, le mur conservé est haut d'environ 6 mètres.
La tour, dite Schartenturm, située au sud-ouest, est de plan carré avec toit en pavillon et comporte 3 étages.
L'hôtel destiné au doyen du chapitre[13], de style néo-classique, est achevé en 1784. Vendu comme bien national, il devient tribunal départemental, puis sous-préfecture jusqu'en 1871, héberge l'administration de la Kreisdirektion et redevient en 1918 sous-préfecture. Il est situé dans l'alignement de la rue, est de plan rectangulaire et comporte un léger avant-corps central vers l'est (rue) et vers l'ouest (cour).
Maison jumelée de chanoines
La maison jumelée de chanoines[14], de style néo-classique, est situé au nord-ouest de l'abbatiale, à côté de l'hôtel du doyen. Il comporte deux unités d'habitation réunies sous un seul toit à versants brisés et une longue façade comptant 14 travées de baies.
Maison du receveur du chapitre
La maison du receveur[15] date du milieu du XVIIIe siècle et est devenue presbytère après la Révolution. Elle est située sur le tracé de l'ancienne enceinte sud de l'abbaye. Elle est de plan rectangulaire, avec mur gouttereau sur rue et jardin, et comporte un vaste toit à versants brisés. Elle est prolongée, à l'est et à l'ouest, par une aile plus étroite, sous toit à longs pans.
L'ancien hôtel[16] du XVIIe siècle, réservé aux hôtes de marque et aux chevaliers qui étaient convoqués pour siéger au tribunal équestre, comporte une aile Renaissance perpendiculaire à la rue. Cette aile comporte un pignon à volutes et des décors sculptés représentent des rosaces, des têtes de lions, des têtes d'anges et d'hommes.
Hôtellerie, maison
Ces deux maisons accolées[17], construites sur le tracé sud de l'enceinte de l'abbaye, sont considérées comme correspondant à l'une des anciennes hôtelleries de l'abbaye.
Maison aux dîmes
Cet édifice[18] de la fin du XIIIe siècle a abrité le cellier et le grenier aux dîmes, puis la halle aux blés.
Grange aux dîmes
Cet édifice, qui correspond à l'ancienne grange dîmière[19] de l'abbaye, fut probablement érigé au XVIe siècle, restauré au début du XVIIe siècle et remanié au début du XIXe siècle. Très allongée, la grange épouse la courbe de l'ancienne enceinte.
Maison de chanoines
La maison[20] datée de 1541 et remaniée en 1865 est mitoyenne avec la maison aux dîmes à droite et la grange aux dîmes à gauche.
Maison de portier
La maison de portier[21], comporte un corps de logis, une annexe et une dépendance. Elle fait partie de la réorganisation de l'enclos fin du XVIIIe siècle et est la seule des deux maisons de portier à être encore présente.
En 1592, Bernhart Hertzog a écrit sur l'abbaye de Weissenburg dans l'Edelsasser Chronik :
« Das Closter Weissenburg Sanct Benedicten Ordens ist der mächtigsten und ältesten Clöszters eines in Teutschland gewesen; wird unter die vier Abteyen des Römischen Reichs gezahlt, ward gebauen in dem Elsass an dem Berg Vogeseo in der Reichsstatt Weissenburg bey dem Fluss die Lautter genannt, welche mitten durch die Staat fleusst, an einem lustigen Ort des Bistumbs; die Alten haben es Witzenburg oder der Weisheit Burg genannt, dieweil die Münch solches Closters jederzeit in guter Lehr gehalten worden. »
« Le monastère Weissenburg, de l'ordre de Saint-Benoît, était le plus puissant et le plus ancien des monastères d'Allemagne ; il fait partie des quatre abbayes de l'Empire romain, a été construit en Alsace dans les montagnes des Vosges dans le la ville impériale Weissenburg près de la rivière appelée Lautter, qui la traverse au milieu, dans un endroit plaisant du diocèse ; les anciens l'appelaient Witzenburg ou le château de la sagesse, car les moines recevaient toujours un bon enseignement dans ces monastères. »
Le nom Weißenburg peut également provenir du calcaire blanc de la région[réf. nécessaire].
Références
↑De nos jours située en France, durant son existence, l'abbaye était sous règle germanique, d'où son nom de Weissenburg.
Martin Burkart, Durmersheim. Die Geschichte des Dorfes et senneur Bewohner. Von den Anfängen bis ins frühe 20. Jahrhundert, Selbstverlag, Durmersheim, 2002.
Christoph Dette (éd. ), Liber Possessionum Wizenburgensis. (Quellen und Abhandlungen zur mittelrheinischen Kirchengeschichte, Bd. 59), Mayence, 1987.
Anton Doll (éd. ), Traditiones Wizenburgenses. Die Urkunden des Klosters Weissenburg. 661-864. Eingeleitet und aus dem Nachlass von Karl Glöckner hrsg. von Anton Doll. Hessische Historische Kommission, Darmstadt 1979.
Wilhelm Harster, Der Güterbesitz des Klosters Weißenburg. (Programme zum Jahresbericht des K. Humanistischen Gymnasiums Speier), 2 Bände. Speyer 1893-1894.
Ernst Friedrich Mooyer, Nekrologium des Klosters Weißenburg, mit Erläuterungen und Zugaben. Dans: Archiv des historischen Vereines von Unterfranken und Aschaffenburg 13 (1855), S. 1-67.
Wolfgang Schultz, Der Codex Berwartstein des Klosters Weißenburg im Elsaß. (1319) 1343-1489, Neustadt an der Weinstraße 2008 (ISBN978-3-9810865-5-3) (édition mit).
J. Rheinwald, L'abbaye et la ville de Wissembourg, Avec quelques châteaux-forts de la Basse-Alsace et du Palatinat. Monographie historique, Wissembourg, (lire en ligne)
François Himly, Les plus anciennes chartes et les origines de l'abbaye de Wissembourg, (lire en ligne), p. 281-294
Johann Caspar Zeuss (éd. ), Traditiones possession Wizenburgenses. Codices duo cum supplementis; impensis societatis historicae Palatinae, Speyer, 1842.