L'Éridan est mentionné par Hésiode dans sa Théogonie[1] : fils d'Océan et de Téthys, il coule à l'occident du monde. Ἠριον / ērion signifie « sépulcre, tombeau », vraisemblablement au sens de « lieu sacré » (ἱερόν / hierón), et δανός / danós, « don, présent, offrande » mais ήρι a tardivement été compris comme signifiant « du matin » comme dans ήριγένεια / ērigéneia, « qui nait du matin »[note 1]. Du fait de son association avec des fleuves en territoire gaulois, le Pô et le Rhône (v. ci-dessous), on a également proposé une étymologie celtique. Xavier Delamarre propose ainsi une lecture « fleuve de l'ouest», composé de -eri « ouest » et -dānos « fleuve », formant un parallèle avec le nom du Rhône (Ro-dānos, « le grand fleuve »)[2].
Allégorie du soleil couchant qui sera reprise par Ovide[3], selon Apollonios de Rhodes, Zeus y précipite par la foudre l'orgueilleuxPhaéton emporté sur un char du soleil incendiaire qu'il ne maîtrise plus[4]. Le bruissement des feuilles de peupliers noirs[note 2] qui le bordent est comparé aux pleurs des sœurs de la divinité déchue, les Héliades, et leurs larmes à l'ambre[5] qu'il charrie. C'est dans ses marais que la tradition hésiodique fait naître le cygne, oiseau fuyant les cieux, par transfiguration du demi-frère de Phaéton et roi de Ligurie, Cycnos, homonyme d'un fils de Pyrène, blanchi par le chagrin[6].
Diodore, tout en rappelant les légendes grecques[7], se fait le rapporteur de traditions propres aux Atlantes, habitants de l'Atlas[8], selon lesquelles, reprenant le thème du feu solaire se couchant dans une eau courante, les Titans jaloux de l'amour incestueux de leur sœur Basilée[note 3] pour leur frère Hypérion avaient fait noyer dans ce fleuve le fils de celui-ci, Hélios, « Soleil », dont le nom fut désormais consacré[9] à l'astre auparavant appelé Elector[10], Ήλέκτωρ c'est-à-dire « Brillant, Étincelant »[11].
Confondu par Eschyle avec le Rhône[10], aux bouches duquel fut installée la colonie phocéenne alors la plus occidentale, il a été tout aussi bien décrit comme un de ses affluents[16] ou de ses embranchements[17]. En tant que constellation du Fleuve[18], il a été également identifié au Nil[19], pays du dieu solaire Rê. Hérodote, qui le distinguait de ce dernier, récusait déjà, à cause du nom grec du fleuve, son identification, apparemment populaire au Ve siècle av. J.-C., au Rhin « qui se jette dans la mer du Nord » ou à la Vistule « par lequel, dit on, l'ambre est importé »[20],[note 4].
Pour les Athéniens, le nom du fleuve mythique a servi à désigner un affluent de l'Ilissos[21] coulant à l'ouest de la cité attique, près du Lycée[22].
Citations
« Ny les Phaëthontides sœurs Nous peuvent egaler és pleurs Qu'ils versent pour leur frere Tombé dans le fleuve Eridan. »
↑Dans le premier cas, on peut supposer une évocation des trésors sacrifiés aux fleuves, ce que reprennent les mythes qui y voient précitées un certain nombre de figures allégoriques évoquées par ces mêmes mythes. L'évocation des trésors enfouis dans les fleuves est renforcée dans ces mythes par l'association des idées de soleil, d'or, d'ambre et d'électrum, thème repris dans de nombreuses légendes comme celle de L'Or du Rhin de la Chanson des Nibelungen. Dans le second cas, on peut imaginer que le fleuve est poétiquement figuré comme étant celui qui conduit, durant la nuit, le soleil devenu invisible de l'ouest à l'est où celui-ci rejaillit au matin.
↑L'île nordique de Basilée, que Pythéas a reconnue (Pline l'Ancien, Histoire naturelle [détail des éditions] [lire en ligne], IV, 27) en ce que le controversé pasteur Jürgen Spanuth a identifié, à cause du nom principalement, à Heligoland ((en) M. Cary et E. H. Warmington, The Ancient Explorers, Penguin Books, 1963, p. 53 et suiv. ; Pierre Vidal-Naquet, L'Atlantide : petite histoire d'un mythe platonicien, Belles Lettres, 2005, p. 127.), était réputée, selon Diodore (V, 23), produire sinon exporter l'ambre.
↑Pline (XXXVII, 11) note que la route de l'ambre aboutissait aux bouches du Pô d'où il était embarqué pour la Grèce.